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– Non, reprit Benjamin, tu ne dois pas mourir ; place-toi derrière cette cuve jusqu’à l’arrivée de mes onze frères, et je les aurai bientôt mis d’accord avec moi.

Elle se plaça derrière la cuve ; et quand il fut nuit, les frères revinrent de la chasse, et le repas se trouva prêt… Et comme ils étaient en train de manger, ils demandèrent :

– Qu’y a-t-il de nouveau ?

Benjamin répondit :

– Ne savez-vous rien ?

– Non, reprirent-ils.

Benjamin ajouta :

– Vous êtes allés dans la forêt, moi je suis resté à la maison, et pourtant j’en sais plus long que vous.

– Raconte donc, s’écrièrent-ils.

Il répondit :

– Promettez-moi d’abord que la première jeune fille qui se présentera à nous ne devra pas mourir.

– Nous le promettons, s’écrièrent-ils tous, raconte-nous donc.

Alors Benjamin leur dit :

– Notre sœur est là. Et il poussa la cuve, et la fille du roi s’avança dans ses vêtements royaux, et l’étoile d’or sur le front, et elle brillait à la fois de beauté, de finesse et de grâce. Alors ils se réjouirent tous, et l’embrassèrent.

À partir de ce moment, la jeune fille garda la maison avec Benjamin, et l’aida dans son travail. Les onze frères allaient dans la forêt, poursuivaient les lièvres et les chevreuils, les oiseaux et les pigeons, et rapportaient au logis le produit de leur chasse, que Benjamin et sa sœur apprêtaient pour le repas. Elle ramassait le bois qui servait à faire cuire les provisions, cherchait les plantes qui devaient leur tenir lieu de légumes, et les plaçait sur le feu, si bien que le dîner était toujours prêt lorsque les onze frères revenaient à la maison. Elle entretenait aussi un ordre admirable dans la petite cabane, couvrait coquettement le lit avec des draps blancs, de sorte que les frères vivaient avec elle une union parfaite.

Un jour, Benjamin et sa sœur préparèrent un très joli dîner, et quand ils furent tous réunis, ils se mirent à table, mangèrent et burent, et furent tous très joyeux. Il y avait autour de la cabane un petit jardin où se trouvaient douze lis. La jeune fille, voulant faire une surprise agréable à ses frères, alla cueillir ces douze fleurs afin de les leur offrir. Mais à peine avait-elle cueilli les douze lis que ses douze frères furent changés en douze corbeaux qui s’envolèrent au-dessus de la forêt ; et la maison et le jardin s’évanouirent au même instant. La pauvre jeune fille se trouvait donc maintenant toute seule dans la forêt sauvage, et comme elle regardait autour d’elle avec effroi, elle aperçut à quelques pas une vieille femme qui lui dit :

– Qu’as-tu fait là, mon enfant ? Pourquoi n’avoir point laissé en paix ces douze blanches fleurs ? Ces fleurs étaient tes frères, qui se trouvent désormais transformés en corbeaux pour toujours.

La jeune fille dit en pleurant :

– N’existe-t-il donc pas un moyen de les délivrer ?

– Oui, répondit la vieille, mais il n’y en a dans le monde entier qu’un seul, et il est si difficile qu’il ne pourra te servir ; car tu devrais ne pas dire un seul mot, ni sourire une seule fois pendant sept années ; et si tu prononces une seule parole, s’il manque une seule heure à l’accomplissement des sept années, et la parole que tu auras prononcée causera la mort de tes frères. Alors la jeune fille pensa dans son cœur : « je veux à toute force délivrer mes frères. »

Puis elle se mit en route cherchant un rocher élevé, et quand elle l’eut trouvé, elle y monta, et se mit à filer, ayant bien soin de ne point parler et de ne point rire. Il arriva qu’un roi chassait dans la forêt ; ce roi avait un grand lévrier qui, parvenu en courant jusqu’au pied du rocher au haut duquel la jeune fille était assise, se mit à bondir à l’entour et à aboyer fortement en dressant la tête vers elle. Le roi s’approcha, aperçut la belle princesse avec l’étoile d’or sur le front, et fut si ravi de sa beauté qu’il lui demanda si elle ne voulait point devenir son épouse. Elle ne répondit point, mais fit un petit signe avec la tête. Alors le roi monta lui-même sur le rocher, en redescendit avec elle, la plaça sur son cheval, et retourna ainsi dans son palais. Là furent célébrées les noces avec autant de pompe que de joie, quoique la jeune fiancée demeurât muette et sans sourire. Lorsqu’ils eurent vécu heureusement ensemble pendant un couple d’années, la mère du roi, qui était une méchante femme, se mit à calomnier la jeune reine, et à dire au roi :

– C’est une misérable mendiante que tu as amenée au palais ; qui sait quels desseins impies elle trame contre toi ! Si elle est vraiment muette elle pourrait du moins rire une fois ; celui qui ne rit jamais a une mauvaise conscience.

Le roi ne voulut point d’abord ajouter foi à ces insinuations perfides, mais sa mère les renouvela si souvent, en y ajoutant des inventions méchantes qu’il finit par se laisser persuader, et qu’il condamna sa femme à la peine de mort.

On alluma donc dans la cour un immense bûcher, où la malheureuse devait être brûlée vive ; le roi se tenait à sa fenêtre, les yeux tout en larmes, car il n’avait pas cessé de l’aimer. Et comme elle était déjà liée fortement contre un pilier, et que les rouges langues du feu dardaient vers ses vêtements, il se trouva qu’en ce moment même s’accomplissaient les sept années d’épreuve ; soudain on entendit dans l’air un battement d’ailes, et douze corbeaux, qui dirigeaient leur vol rapide de ce côté, s’abattirent autour de la jeune femme. À peine eurent-ils touché le bûcher qu’ils se changèrent en ses douze frères, qui lui devaient ainsi leur délivrance. Ils dissipèrent les brandons fumants, éteignirent les flammes, dénouèrent les liens qui garrottaient leur sœur, et la couvrirent de baisers. Maintenant qu’elle ne craignait plus de parler, elle raconta au roi pourquoi elle avait été si longtemps muette, et pourquoi il ne l’avait jamais vue sourire.

Le roi se réjouit de la trouver innocente, et ils vécurent désormais tous ensemble heureux et unis jusqu’à la mort.

Chapitre 19 Les Enfants Couleur d’Or

Il y avait une fois un pauvre homme et une pauvre femme qui ne possédaient rien au monde qu’une petite cabane. Ils ne vivaient que du produit de leur pêche. Un jour que le pauvre homme assis au bord de l’eau tirait ses filets, il prit un poisson entièrement d’or. Tandis qu’il contemplait ce poisson avec des yeux étonnés, celui-ci prit la parole :

– Bon pêcheur, écoute-moi, lui dit-il, si tu consens à me rejeter dans l’eau, je changerai ta misérable cabane en un château magnifique.

– À quoi me servira un château, si je n’ai pas de quoi manger ?

– J’y aviserai aussi : il se trouvera dans le château une armoire, tu n’auras qu’à l’ouvrir pour y trouver à souhait des plats de toutes sortes.

– S’il en est ainsi, dit notre homme, je ne demande pas mieux que de faire ce que tu désires.

– Oui, reprit le poisson, mais j’y mets pour condition que tu ne diras à personne l’origine de ta fortune ; si tu souffles là-dessus le plus petit mot, tout s’écroulera.

Le pêcheur rejeta dans l’eau le poisson merveilleux, et prit le chemin de sa demeure ; mais à la place où se trouvait sa chétive cabane, s’élevait maintenant un château magnifique. Il ouvrit de grands yeux, franchit la porte et aperçut sa femme assise dans une chambre richement ornée, et vêtue d’habits précieux. Cette dernière était au comble de la joie. Elle s’écria :

– Cher homme, comment cela est-il arrivé tout d’un coup ? je m’en trouve fort bien.

– Et moi aussi, répondit l’homme, mais je meurs de faim ; commence par me donner quelque chose à manger.

– Je ne possède rien, et je ne sais où chercher dans ce château.

– Oh ! dit le pêcheur, je vois là une grande armoire ; si tu l’ouvrais ?

La femme tourna la clef aussitôt et aperçut, rangés avec ordre, des gâteaux, des viandes, des sucreries et des vins. Elle poussa un cri de joie, et tous deux se mirent à faire honneur au repas préparé. Quand ils eurent fini, la femme élevant la voix :

– Dis-moi donc un peu, cher homme, quelle est l’origine de toute cette richesse ?

– Ne m’interroge pas, répondit le pêcheur, je dois garder le silence sur ce point, la moindre indiscrétion nous ferait retomber dans notre premier état.

– Il suffit ; puisque je ne dois pas le savoir, je ne te prierai plus de me le dire.

Cependant elle le tourmenta et le persécuta si bien, qu’il finit par lui avouer que toute leur fortune leur venait d’un poisson d’or qu’il avait capturé.

Il avait à peine fini ce récit, que le château disparut ainsi que l’armoire merveilleuse, et qu’ils se trouvèrent de nouveau assis dans leur ancienne cabane de pêcheur.

Notre homme fut donc forcé de reprendre son ancien métier.

Cependant le bonheur voulut qu’il attrapât une seconde fois le poisson d’or.

– Si tu me rends encore la liberté, dit le poisson, je te donnerai de nouveau le château et l’armoire ; mais pour le coup tiens-toi ferme et garde-toi bien de dire à qui que ce soit de qui tu tiens ces richesses sinon, tu les perdras de nouveau.

– J’y prendrai garde, répondit le pêcheur.

Et il rejeta le poisson dans l’eau.

Quand il revint chez lui, tout avait repris son éclat et sa femme était radieuse mais la curiosité ne la laissa pas longtemps en repos, et deux jours s’étaient à peine écoulés qu’elle recommença à questionner son mari. Celui-ci finit par céder.

Le château s’évanouit, et ils se trouvèrent dans leur ancienne cabane.

Are sens