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– Le jeune prince s’est aventuré dans la forêt enchantée à la poursuite d’une blanche biche, et il n’est point revenu.

À ces mots, la princesse fut saisie d’une grande inquiétude ; quant au prince, il n’avait pas cessé de poursuivre la belle bête sans jamais pouvoir l’atteindre. A la fin, il s’aperçut qu’il s’était égaré bien avant dans la forêt ; il sonna du cor, mais il ne reçut aucune réponse, car ses gens ne pouvaient l’entendre. Et comme la nuit tombait, il vit bien qu’il ne pourrait revenir ce jour là au palais ; il descendit de cheval, alluma du feu au pied d’un arbre, et résolut d’y passer la nuit. Comme il était assis à côté du feu, et que ses animaux s’étaient étendus autour de lui, il crut entendre les sons d’une voix humaine et regarda autour de lui, mais il ne put rien apercevoir. Bientôt après, il lui sembla entendre comme une toux qui venait d’en haut ; il leva la tête et aperçut une vieille femme assise sur l’arbre, et qui se plaignait en criant :

– Hu ! hu ! hu ! que j’ai froid !

Le jeune prince lui dit :

– Descends et viens te chauffer, puisque tu as froid.

Mais elle répondit :

– Non, car tes animaux me mordraient.

Il reprit :

– Ils ne te feront rien, vieille mère, descends seulement.

Or cette vieille était une sorcière. Elle répondit :

– Je vais te jeter une verge du haut de cet arbre ; si tu leur en donnes un coup sur le dos, ils ne me feront pas de mal.

Elle lui jeta donc une verge, et il en frappa ses animaux. À peine l’eut-il fait qu’ils furent métamorphosés en pierres. Et quand la sorcière vit qu’elle n’avait plus rien à craindre des animaux, elle se laissa couler en bas de l’arbre, et le toucha, lui aussi, avec une verge et lui aussi fut métamorphosé en pierre. Cela fait, la vieille se mit à rire et elle le cacha ainsi que les animaux dans une caverne où se trouvaient déjà beaucoup de pierres pareilles. Cependant, comme le jeune prince ne revenait pas, l’inquiétude de la princesse augmentait. Il se trouva qu’en ce même temps l’autre frère qui, lors de la séparation, s’était dirigé vers l’orient, arriva dans le royaume. Il avait cherché, mais en vain, un service ; ne sachant que faire, il s’était mis à courir le monde avec ses animaux qui dansaient devant les gens. L’idée lui vint d’aller consulter le couteau que son frère et lui avaient enfoncé dans l’arbre au moment de se quitter, afin de connaître le sort l’un de l’autre. Quand il arriva au pied de l’arbre, le côté du couteau qui concernait son frère avait une moitié déjà couverte de rouille ; mais l’autre était encore blanche. L’inquiétude s’empara de lui, et il se prit à penser : « Il faut qu’un grand malheur menace la vie de mon frère mais peut-être que je puis le sauver, car la moitié du couteau est encore blanche. » Cela dit, il se dirigea avec ses animaux vers le couchant. Quand il arriva à la porte de la ville, le factionnaire vint à sa rencontre et lui demanda s’il devait aller l’annoncer à son épouse : il ajouta que son absence plongeait depuis quelques jours la jeune princesse dans une profonde inquiétude, qu’elle craignait qu’il ne lui fût arrivé malheur dans la forêt enchantée. Le factionnaire lui parlait ainsi, parce qu’il le prenait pour le jeune prince, tant son frère lui ressemblait, et à cause des animaux qui le suivaient. Celui-ci, entendant parler de son frère, se dit en lui-même : « Il vaut mieux que je me laisse prendre pour lui ; il me sera plus facile ainsi de le sauver. » Il se laissa donc accompagner par le factionnaire jusque dans le palais, où il fut reçu avec de grandes démonstrations de joie. La jeune princesse ne douta pas un moment que ce fût son époux ; il lui raconta qu’il s’était égaré dans la forêt, et qu’il lui avait été impossible de retrouver plus tôt son chemin. Il demeura quelques jours au château, s’informant de tout ce qui se trouvait dans la forêt enchantée. À la fin, il dit :

– Il faut que j’aille y chasser encore une fois.

Le roi et la princesse voulurent l’en détourner, mais il tint ferme et sortit avec une nombreuse escorte. Lorsqu’il arriva devant la forêt, il aperçut, comme avait fait son frère, une blanche biche, et il dit à ses gens :

– Attendez-moi jusqu’à ce que je revienne ; je veux courir cette belle bête.

Il entra donc dans la forêt, accompagné de ses fidèles animaux. Il lui arriva les mêmes aventures qu’à son frère ; il ne put atteindre la biche, et s’enfonça si avant dans la forêt, qu’il dut se résoudre à y passer la nuit. Et lorsqu’il eut allumé du feu, il entendit ces plaintes au-dessus de sa tête :

– Hu ! hu ! hu ! comme je gèle ! Il leva la tête, et il aperçut la même sorcière assise dans l’arbre. Il lui cria :

– Si tu gèles, descends, vieille mère, et viens te chauffer.

Elle répond :

– Non, car tes animaux me mordraient.

Il repartit :

– Ils ne te feront rien.

Elle lui cria :

– Je veux te jeter du haut de cet arbre une verge, et si tu les en frappes, ils ne me feront aucun mal.

Le chasseur ne se fia pas à ces paroles de la vieille ; il répondit :

– Je ne frapperai pas mes bêtes, mais descends, ou j’irai te chercher.

Elle lui cria :

– Que veux-tu me faire ? Tu ne pourras rien contre moi.

– Si tu ne descends pas, reprit-il, je t’envoie une balle.

Elle lui cria :

– Tu peux tirer, je n’ai pas peur de tes balles.

Le chasseur la mit en joue, mais la sorcière était invulnérable à toutes les balles de plomb ; elle se mettait à rire toutes les fois qu’il la touchait, et criait :

– Tu ne pourras pourtant pas me blesser.

Le chasseur était rusé, il arracha de sa veste trois boutons d’argent et les coula dans son fusil, car l’art de la sorcière ne pouvait rien contre ce métal ; et dès qu’il eut lâché la détente, elle tomba de l’arbre en poussant de grands cris. Il lui mit le pied sur la poitrine, et lui dit :

– Vieille sorcière, si tu ne m’avoues pas sur-le-champ où est mon frère, je te prends et je te jette dans le feu.

L’anxiété de la vieille était profonde, elle implora merci en disant :

– Transformé en pierre ainsi que ses animaux, il est avec eux dans une caverne.

Alors il la força de l’y conduire et lui dit :

– Vieille fée, tu vas sur-le-champ rendre la vie à mon frère et à toutes les autres créatures qui se trouvent ici, sinon je te jette dans le feu.

Elle prit une verge et frappa les pierres : aussitôt revinrent à la vie non seulement le frère et ses animaux, mais une foule d’autres personnes encore, tels que marchands, ouvriers, pâtres, qui lui rendirent grâce de leur délivrance et retournèrent chez eux. Quant aux frères jumeaux, dès qu’ils se revirent, ils se précipitèrent dans les bras l’un de l’autre. Puis ils saisirent la sorcière, lui lièrent les membres et la jetèrent dans le feu : dès qu’elle fut consumée, la forêt sembla s’ouvrir d’elle-même ; elle devint claire et brillante, et on pouvait apercevoir le palais du roi à trois lieues de distance. Les deux frères reprirent ensemble la route du château, et tout en allant, ils se racontèrent chacun leur histoire. Et lorsque le plus jeune eut dit qu’il devait un jour remplacer le roi sur le trône, l’autre reprit :

– Je m’en suis bien aperçu, car lorsque j’arrivai dans la ville et qu’on m’eut prit pour toi, on me rendit tous les honneurs royaux, la jeune princesse me reçut comme son époux, et je dus m’asseoir à son côté à table et dormir dans ton lit.

Là-dessus, ils continuèrent leur route, et le jeune prince dit à son frère :

– Tu me ressembles de tout point, tu portes comme moi des vêtements royaux et tes bêtes te suivent ainsi que font les miennes. Entrons dans la ville par les deux portes opposées et arrivons de deux côtés différents et en même temps en présence du roi.

Ils se séparèrent donc et les factionnaires de l’une et de l’autre porte se présentèrent au même instant devant le vieux roi pour lui annoncer que le jeune prince arrivait de la chasse avec ses animaux. Le roi répondit :

– Cela n’est pas possible ; les deux portes sont à une lieue de distance.

En ce moment les deux frères entraient de deux côtés différents dans la cour du palais. Ils en montèrent les degrés ensemble. Le roi dit à sa fille :

– Indique-moi quel est ton époux ; ces deux princes se ressemblent tellement que je ne puis les reconnaître.

L’anxiété de la princesse était grande, et elle ne savait que répondre, lorsqu’elle aperçut le collier qu’elle avait donné aux animaux ainsi que le fermoir d’or que portait le lion de son époux. Alors elle s’écria avec joie :

– Celui-ci est mon véritable époux.

Le jeune prince se mit à rire et dit :

Are sens