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– Place-toi près de moi, j’ai besoin de faire un petit somme, et si quelque chose arrive, hâte-toi de m’éveiller. Le renard se plaça près de lui, mais lui aussi était fatigué ; il appela le lièvre et lui dit :

– Place-toi près de moi, j’ai besoin de faire un petit somme, et si quelque chose arrive, hâte-toi de me réveiller.

Le lièvre se plaça donc près de lui, mais le pauvre lièvre aussi était fatigué ; il n’avait personne qu’il pût charger de faire sentinelle, et il s’endormit. Ainsi dormaient donc la princesse, le chasseur, le lion, l’ours, le renard et le lièvre et tous dormaient d’un profond sommeil. Cependant le maréchal qui avait été chargé de regarder tout de loin, n’ayant point vu le dragon s’enfuir avec la jeune fille, et remarquant que tout était tranquille sur la montagne, s’enhardit et se mit à la gravir. Quand il fut arrivé au sommet, il aperçut le monstre dont les membres épars gisaient à terre, et non loin de là, la princesse et le chasseur avec ses bêtes, tous plongés dans un sommeil profond. Et comme il était méchant et cruel, il prit son épée, coupa la tête du chasseur, saisit la jeune fille dans ses bras et la porta au bas de la montagne. Arrivés au pied, celle-ci s’éveilla et fut saisie d’effroi ; mais le maréchal lui dit :

– Tu es en mon pouvoir, il faut que tu dises que c’est moi qui ai tué le dragon.

– Je ne le puis, répondit-elle, car c’est un chasseur qui l’a fait avec le secours de ses bêtes.

– Alors le maréchal tira son épée et la menaça de l’en frapper si elle ne consentait pas à lui obéir.

La jeune fille céda à cette violence ; il la conduisit en présence du roi qui fut au comble de la joie, de revoir en vie sa chère enfant qu’il croyait devenue la proie du dragon. Le maréchal lui dit :

– J’ai tué le monstre et délivré ainsi la princesse et le pays tout entier ; en conséquence, je la réclame pour mon épouse, suivant votre parole royale. Le roi dit à la jeune fille :

– Est-ce la vérité que je viens d’entendre ?

– Hélas ! oui, répondit-elle, mais je mets pour condition que le mariage ne se célébrera qu’après un an et un jour.

Elle espérait que ce temps ne s’écoulerait pas sans lui apporter des nouvelles de son cher libérateur. Cependant, sur la montagne, les animaux continuaient de dormir auprès de leur maître mort. Un gros bourdon dirigea son vol de ce côté, et s’abattit sur le nez du lièvre, mais le lièvre le chassa avec sa patte et continua à dormir. Le bourdon vint une seconde fois, mais le lièvre le chassa de nouveau et continua de dormir. Le bourdon vint une troisième fois, lui enfonçant son dard dans le nez et le lièvre se réveilla. Aussitôt il réveilla le renard, qui s’empressa de réveiller le loup, qui réveilla l’ours, qui réveilla le lion. Lorsque le lion eut ouvert les yeux, et qu’il vit que la jeune fille avait disparu et que son maître était mort, il se mit à pousser des rugissements terribles et s’écria :

– Quel est l’auteur de ce meurtre ? Ours, pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ? Et l’ours dit au loup :

– Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ? Et le loup au renard :

– Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ? Et le renard au lièvre :

– Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ?

Le pauvre lièvre ne savait seul que répondre, et toute la faute pesa sur lui. En conséquence, tous les animaux voulurent tomber sur lui, mais il demanda à être entendu et dit :

– Ne me tuez pas, je promets de rendre la vie à notre maître. Je connais une montagne sur laquelle croit une racine ; quiconque a cette racine dans la bouche est guéri aussitôt de toute maladie et de toute blessure. Mais la montagne dont je vous parle se trouve à deux cents lieues d’ici.

Le lion répondit :

– Il faut qu’en vingt-quatre heures tu sois de retour avec cette racine.

Le lièvre ne fit qu’un bond, et vingt-quatre heures après il était de retour avec la racine. Le lion replaça la tête sur les épaules du chasseur, et le lièvre lui mit la racine dans la bouche ; aussitôt tout reprit son cours naturel ; le cœur palpita de nouveau et la vie revint. En ce moment le chasseur se réveilla ; il fut saisi d’épouvante en n’apercevant plus la jeune fille, et il se dit :

– Elle s’est enfuie sans doute pendant mon sommeil, afin de se débarrasser de moi.

Dans l’excès de son empressement, le lion avait remis de travers la tête de son maître ; celui-ci n’y prit point garde, absorbé qu’il était dans ses tristes pensées. Ce ne fut qu’à midi, lorsqu’il voulut manger, qu’il remarqua qu’il avait le visage tourné du côté du dos ; ne pouvant s’expliquer ce prodige, il demanda aux animaux ce qu’il lui était arrivé pendant son sommeil. Le lion lui raconta alors qu’au lieu de faire sentinelle, ils s’étaient tous endormis de fatigue ; qu’à leur réveil, ils l’avaient trouvé mort, la tête séparée du tronc ; que le lièvre était allé chercher la racine de vie, mais que lui, dans son empressement, il lui avait mis la tête de travers ; il ajouta qu’il voulait réparer sa faute. Cela dit, il arracha de nouveau la tête du chasseur, la lui replaça dans l’autre sens, et la racine du lièvre aidant, tout fut réparé. Cependant le chasseur était triste ; il se mit à parcourir le monde et il gagnait sa vie en faisant danser ses bêtes devant les gens. Il arriva que juste un an après ce jour, il revint dans la même ville où il avait délivré la fille du roi, et cette fois la ville était entièrement décorée de tenture écarlate. Il dit à l’aubergiste :

– Que signifie cela ? Il y a un an à pareil jour, la ville était toute couverte de crêpe noir ; que veut dire aujourd’hui cette décoration écarlate ? L’aubergiste répondit :

– Il y a un an, la fille de notre roi devait être livrée au dragon, mais le maréchal a combattu contre le monstre et il l’a tué ; aussi ses noces se célèbrent-elles demain ; c’est pourquoi la ville qui était naguère tendue de crêpe noir en signe de deuil, l’est aujourd’hui de rouge ardent en signe de joie. Le lendemain, le chasseur dit à son hôte vers l’heure du dîner :

– Croiriez-vous, monsieur l’aubergiste, que je veux aujourd’hui en votre compagnie manger du pain de la table du roi ?

– Oui, répondit l’hôte, et moi, je parierais volontiers cent pièces d’or que ce ne sera pas. Le chasseur accepta le pari et plaça sur la table une bourse avec le nombre de pièces d’or engagées par l’aubergiste. Cela fait, il appela le lièvre et lui dit :

– En route, mon cher sauteur, va me chercher du pain dont mange le roi.

« Eh ! pensa le lièvre, si je vais ainsi seul en sautant dans les rues, les chiens se mettront à mes trousses. » Il avait pensé juste ; les chiens lui firent la chasse et voulurent goûter de sa chair succulente. Aussi fallait-il voir les bonds qu’il faisait. Il se glissa dans une guérite sans être aperçu par le factionnaire ; les chiens arrivèrent pour le saisir, mais le soldat n’entendit pas la plaisanterie, et il les reçut avec des coups de crosse qui les firent fuir en poussant des cris. Lorsque le lièvre aperçut le champ libre, il s’élança dans le palais, entra dans la chambre de la princesse, se plaça sous son siège et lui gratta légèrement le pied. La princesse cria :

– Veux-tu bien partir ! Car elle pensait que s’était son chien.

Le lièvre gratta une seconde fois, et la princesse répéta les mêmes paroles, toujours dans la pensée que s’était son chien, mais le lièvre ne la laissa pas dans cette erreur ; il gratta une troisième fois ; la princesse baissa les yeux et reconnut le lièvre à son collier ; aussitôt elle le prit dans ses bras, le porta dans son cabinet et lui dit :

– Lièvre, mon ami, que veux-tu ? Il répondit :

– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un pain pareil à celui dont mange le roi.

À ces mots, la princesse ne se sentit pas de joie ; elle fit venir le boulanger, et lui ordonna d’apporter un pain pareil à ceux dont mangeait le roi. Le lièvre prenant la parole :

– Mais il faut, dit-il, que le boulanger me porte moi-même avec le pain, pour que les chiens ne me fassent pas de mal.

Le boulanger le prit donc dans ses bras et alla ainsi jusqu’à la porte de l’aubergiste ; là, le lièvre se posa sur ses pattes de devant et le porta à son maître. Le chasseur dit alors :

– Vous le voyez, monsieur l’hôte, les cent pièces d’or sont à moi. L’aubergiste était au comble de l’étonnement. Cependant le chasseur ajouta :

– J’ai bien le pain, monsieur l’hôte, mais je veux encore de plus, maintenant, manger du rôti du roi. Le chasseur appela le renard et lui dit :

– Renard, mon ami, mets-toi en route et va me chercher du rôti pareil à celui que mange le roi.

Le renard connaissait mieux les détours que le lièvre ; il se glissa le long des coins et des angles obscurs des rues sans qu’un seul chien l’aperçût, alla se placer sous le siège de la princesse et lui gratta le pied. La princesse baissa les yeux, reconnut le renard à son collier, le prit dans ses bras, le porta dans son cabinet et lui dit :

– Renard, mon ami, que veux-tu ? Il répondit :

– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un rôti pareil à celui dont mange le roi. La princesse fit venir le cuisinier.

Celui-ci reçut l’ordre de préparer un rôti pareil à celui que mangeait le roi, de le porter pour le renard jusqu’à la porte de l’aubergiste. Quand ils y furent arrivés, le renard prit le plat et le porta à son maître.

– Vous voyez, monsieur l’hôte, dit le chasseur, nous avons déjà le pain et le rôti ; mais je veux encore avoir un plat de légumes comme ceux que mange le roi.

Cela dit, il appela le loup :

– Loup, mon ami, lui dit-il, mets-toi en route et apporte-moi des légumes pareils à ceux que mange le roi.

Le loup, qui n’avait peur de personne, se dirigea tout droit vers le palais, et quand il fut entré dans la chambre de la princesse, il tira cette dernière par le pan de sa robe, ce qui la fit se retourner. Elle reconnut le loup à son collier, et le conduisant dans son cabinet :

– Loup, mon ami, lui dit-elle, que veux-tu ? Il répondit :

– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’a envoyé demander un plat de légumes pareils à ceux que mange le roi.

La princesse fit venir le cuisinier, qui reçut l’ordre de préparer un plat de légumes pareils à ceux que mangeait le roi, et de le porter lui-même pour le loup jusqu’à la porte de l’aubergiste. Le loup prit le plat et le porta à son maître.

– Vous le voyez, dit le chasseur, voilà que j’ai maintenant du pain, du rôti et des légumes ; mais il me faut des sucreries semblables à celles que mange le roi.

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