– Pourquoi ne les inviterions-nous pas ?
Lorsque la fête commença, les trois femmes arrivèrent magnifiquement vêtues et la fiancée dit :
– Soyez les bienvenues, chères tantes.
– Oh ! dit le fiancé, comment se fait-il que tu aies de l’amitié pour d’aussi vilaines personnes ?
Il s’approcha de celle qui avait un pied difforme et lui dit
– D’où vous vient ce pied si large ?
– D’avoir pédalé au rouet, répondit-elle.
Il vint à la deuxième et dit :
– D’où vous vient cette lèvre pendante ?
– D’avoir léché le fil, répondit-elle.
Il demanda à la troisième :
– D’où vous vient ce pouce si large ?
– D’avoir tordu le fil, dit-elle.
Alors le fils du roi dit :
– Que plus jamais ma jolie fiancée ne touche à un rouet.
Et c’est ainsi que la jeune fille n’eut plus jamais à faire ce qu’elle détestait.
Chapitre 36 Les Trois paresseux
Un roi avait trois fils qu’il aimait tous les trois d’un même amour, si bien qu’il ne savait pas lequel désigner pour être le roi après sa mort. Lorsque arriva son heure, le mourant appela ses fils à son chevet et leur dit :
– Mes chers enfants, il m’est venu une idée, et je vais vous la faire connaître : c’est à celui de vous trois qui est le plus paresseux que reviendra le royaume.
– Père, dit l’aîné, le royaume me revient donc, car je suis tellement paresseux que si j’ai une goutte dans l’œil quand je me couche pour dormir, je n’arrive pas à dormir faute de pouvoir fermer les yeux.
– Père, le royaume me revient, dit le second fils, car je suis si paresseux qu’en me mettant trop près du feu pour me réchauffer, mes vêtements brûlent avant que j’aie eu le courage de reculer mes jambes.
– Père, dit le troisième, le royaume me revient parce que je suis si paresseux qu’à l’instant d’être pendu, si quelqu’un me tendait un couteau pour couper la corde, je me laisserais mourir plutôt que d’élever la main jusqu’au chanvre.
– C’est toi qui seras le roi, déclara le père, car c’est toi qui es allé le plus loin.
Chapitre 37 Les Trois plumes
Il était une fois un roi qui avait trois fils : deux qui étaient intelligents et avisés, tandis que le troisième ne parlait guère et était sot, si bien qu’on l’appelait le Bêta. Lorsque le roi devint vieux et qu’il sentit ses forces décliner, il se mit à songer à sa fin prochaine et ne sut pas auquel de ses fils il devait laisser le royaume en héritage. Alors il leur dit :
– Partez, et celui qui me rapportera le tapis le plus beau sera roi après ma mort.
Afin qu’il n’y ait pas de dispute entre eux, il les conduisit devant son château et souffla trois plumes en l’air en disant :
– Là où elles voleront, telle sera votre direction.
L’une des plumes s’envola vers l’ouest, l’autre vers l’est, quant à la troisième elle voltigea tout droit à faible distance, puis retomba bientôt par terre. Alors, l’un des frères partit à droite, l’autre à gauche, tout en se moquant du Bêta qui dut rester près de la troisième plume qui était tombée tout près de lui.
Le Bêta s’assit par terre et il était bien triste. C’est alors qu’il remarqua tout à coup qu’une trappe se trouvait à côté de la plume. Il leva la trappe et aperçut un escalier qu’il se mit à descendre. Il arriva devant une porte, frappe et entendit crier à l’intérieur :
« Petite demoiselle verte,
Cuisse tendue,
Et patte de lièvre,
Bondis et rebondis,
Va vite voir qui est dehors. »
La porte s’ouvrit et il vit une grosse grenouille grasse assise là, entourée d’une foule de petites grenouilles. La grosse grenouille lui demanda quel était son désir.
– J’aimerais avoir le plus beau et le plus ouvragé des tapis, répondit-il.
Alors elle appela une jeune grenouille à qui elle dit :
« Petite demoiselle verte,
Cuisse tendue,