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  • <a l:href="#_ftnref181">[181]</a> Ce nom rappelle celui de Pierre, déjà indirectement évoqué – voir la note 173. Le vol de fruit recoupe étrangement deux anecdotes analogues: l'une dans Choses vues concerne deux enfants, accusés d'avoir volé des pêches dans un jardin à Montreuil. Ils sont incarcérés à la Conciergerie et Hugo les interroge: «Vous avez donc escaladé un mur?– Non, Monsieur, les pêches étaient par terre, sur le chemin.– Vous n'avez fait que vous baisser?– Oui monsieur.– Et les ramasser?– Oui, monsieur.» (ouv. cit., 1830-1846, p. 426.)L'autre est un dialogue comparable, avec un enfant également, que Hugo rapporte dans une lettre à sa femme. La scène se passe en 1837, à Montreuil également, mais Montreuil-sur-Mer!

  • <a l:href="#_ftnref182">[182]</a> L'exemple n'est pas choisi au hasard puisque Bossuet, figure antithétique de Mgr Bienvenu, incarne non seulement le classicisme littéraire, mais aussi la monarchie de droit divin et la religion entendue comme principe d'ordre social – voir note 25 du livre I.

  • <a l:href="#_ftnref183">[183]</a> En contrepoint, peut-être, de la première nuit de Juliette et de Victor. Ils étaient invités ce soir-là au Bal des Artistes du Mardi gras et n'y allèrent pas, pas plus que Mari us et Cosette le soir de leurs noces (V, 6, 1).

  • <a l:href="#_ftnref184">[184]</a> Les députés de la droite éclateront de rire de la même façon au discours de Hugo sur la misère (9 juillet 1849). De même les dieux de l'Olympe à l'apparition du Satyre (La Légendedes siècles) et les lords devant Gwynplaine (L'Homme qui rit). Quasimodo déjà scrutait les rires de la foule qui prenait son visage pour une grimace.

  • <a l:href="#_ftnref185">[185]</a> Première évocation de ce qui sera un lieu commun des misérables – voir II, 4 et III, 5 et 8.

  • <a l:href="#_ftnref186">[186]</a> Dans cette brève et lumineuse communion des consciences s'ébauche une théorie de la vertu moralisatrice de l'art, et de l'effet civilisateur spécifique au théâtre, qui sera développée dans William Shakespeare (I, 4, 2 et II, 5, 7).

  • Chapitre I Dans quel miroir M. Madeleine regarde ses cheveux

    Le jour commençait à poindre. Fantine avait eu une nuit de fièvre et d'insomnie, pleine d'ailleurs d'images heureuses; au matin, elle s'endormit. La sœur Simplice qui l'avait veillée profita de ce sommeil pour aller préparer une nouvelle potion de quinquina. La digne sœur était depuis quelques instants dans le laboratoire de l'infirmerie, penchée sur ses drogues et sur ses fioles et regardant de très près à cause de cette brume que le crépuscule répand sur les objets. Tout à coup elle tourna la tête et fit un léger cri. M. Madeleine était devant elle. Il venait d'entrer silencieusement.

    – C'est vous, monsieur le maire! s'écria-t-elle.

    Il répondit, à voix basse:

    – Comment va cette pauvre femme?

    – Pas mal en ce moment. Mais nous avons été bien inquiets, allez!

    Elle lui expliqua ce qui s'était passé, que Fantine était bien mal la veille et que maintenant elle était mieux, parce qu'elle croyait que monsieur le maire était allé chercher son enfant à Montfermeil. La sœur n'osa pas interroger monsieur le maire, mais elle vit bien à son air que ce n'était point de là qu'il venait.

    – Tout cela est bien, dit-il, vous avez eu raison de ne pas la détromper.

    – Oui, reprit la sœur, mais maintenant, monsieur le maire, qu'elle va vous voir et qu'elle ne verra pas son enfant, que lui dirons-nous?

    Il resta un moment rêveur.

    – Dieu nous inspirera, dit-il.

    – On ne pourrait cependant pas mentir, murmura la sœur à demi-voix.

    Le plein jour s'était fait dans la chambre. Il éclairait en face le visage de M. Madeleine. Le hasard fit que la sœur leva les yeux.

    – Mon Dieu, monsieur! s'écria-t-elle, que vous est-il donc arrivé? vos cheveux sont tout blancs!

    – Blancs! dit-il.

    La sœur Simplice n'avait point de miroir; elle fouilla dans une trousse et en tira une petite glace dont se servait le médecin de l'infirmerie pour constater qu'un malade était mort et ne respirait plus. M. Madeleine prit la glace, y considéra ses cheveux, et dit:

    – Tiens!

    Il prononça ce mot avec indifférence et comme s'il pensait à autre chose.

    La sœur se sentit glacée par je ne sais quoi d'inconnu qu'elle entrevoyait dans tout ceci.

    Il demanda:

    – Puis-je la voir?

    – Est-ce que monsieur le maire ne lui fera pas revenir son enfant? dit la sœur, osant à peine hasarder une question.

    – Sans doute, mais il faut au moins deux ou trois jours.

    – Si elle ne voyait pas monsieur le maire d'ici là, reprit timidement la sœur, elle ne saurait pas que monsieur le maire est de retour, il serait aisé de lui faire prendre patience, et quand l'enfant arriverait elle penserait tout naturellement que monsieur le maire est arrivé avec l'enfant. On n'aurait pas de mensonge à faire.

    M. Madeleine parut réfléchir quelques instants, puis il dit avec sa gravité calme:

    – Non, ma sœur, il faut que je la voie. Je suis peut-être pressé.

    La religieuse ne sembla pas remarquer ce mot «peut-être», qui donnait un sens obscur et singulier aux paroles de M. le maire. Elle répondit en baissant les yeux et la voix respectueusement:

    – En ce cas, elle repose, mais monsieur le maire peut entrer.

    Il fit quelques observations sur une porte qui fermait mal, et dont le bruit pouvait réveiller la malade, puis il entra dans la chambre de Fantine, s'approcha du lit et entrouvrit les rideaux. Elle dormait. Son souffle sortait de sa poitrine avec ce bruit tragique qui est propre à ces maladies, et qui navre les pauvres mères lorsqu'elles veillent la nuit près de leur enfant condamné et endormi. Mais cette respiration pénible troublait à peine une sorte de sérénité ineffable, répandue sur son visage, qui la transfigurait dans son sommeil. Sa pâleur était devenue de la blancheur; ses joues étaient vermeilles. Ses longs cils blonds, la seule beauté qui lui fût restée de sa virginité et de sa jeunesse, palpitaient tout en demeurant clos et baissés. Toute sa personne tremblait de je ne sais quel déploiement d'ailes prêtes à s'entrouvrir et à l'emporter, qu'on sentait frémir, mais qu'on ne voyait pas. À la voir ainsi, on n'eût jamais pu croire que c'était là une malade presque désespérée. Elle ressemblait plutôt à ce qui va s'envoler qu'à ce qui va mourir.

    La branche, lorsqu'une main s'approche pour détacher la fleur, frissonne, et semble à la fois se dérober et s'offrir. Le corps humain a quelque chose de ce tressaillement, quand arrive l'instant où les doigts mystérieux de la mort vont cueillir l'âme.

    M. Madeleine resta quelque temps immobile près de ce lit, regardant tour à tour la malade et le crucifix, comme il faisait deux mois auparavant, le jour où il était venu pour la première fois la voir dans cet asile. Ils étaient encore là tous les deux dans la même attitude, elle dormant, lui priant; seulement maintenant, depuis ces deux mois écoulés, elle avait des cheveux gris et lui des cheveux blancs.

    La sœur n'était pas entrée avec lui. Il se tenait près de ce lit, debout, le doigt sur la bouche, comme s'il y eût eu dans la chambre quelqu'un à faire taire.

    Elle ouvrit les yeux, le vit, et dit paisiblement, avec un sourire:

    – Et Cosette?

    Chapitre II Fantine heureuse

    Elle n'eut pas un mouvement de surprise, ni un mouvement de joie; elle était la joie même. Cette simple question: «Et Cosette?» fut faite avec une foi si profonde, avec tant de certitude, avec une absence si complète d'inquiétude et de doute, qu'il ne trouva pas une parole. Elle continua:

    – Je savais que vous étiez là. Je dormais, mais je vous voyais. Il y a longtemps que je vous vois. Je vous ai suivi des yeux toute la nuit. Vous étiez dans une gloire et vous aviez autour de vous toutes sortes de figures célestes.

    Il leva son regard vers le crucifix.

    – Mais, reprit-elle, dites-moi donc où est Cosette? Pourquoi ne l'avoir pas mise sur mon lit pour le moment où je m'éveillerais?

    Il répondit machinalement quelque chose qu'il n'a jamais pu se rappeler plus tard.

    Heureusement le médecin, averti, était survenu. Il vint en aide à M. Madeleine.

    – Mon enfant, dit le médecin, calmez-vous. Votre enfant est là.

    Les yeux de Fantine s'illuminèrent et couvrirent de clarté tout son visage. Elle joignit les mains avec une expression qui contenait tout ce que la prière peut avoir à la fois de plus violent et de plus doux.

    – Oh! s'écria-t-elle, apportez-la-moi!

    Touchante illusion de mère! Cosette était toujours pour elle le petit enfant qu'on apporte.

    – Pas encore, reprit le médecin, pas en ce moment. Vous avez un reste de fièvre. La vue de votre enfant vous agiterait et vous ferait du mal. Il faut d'abord vous guérir. Elle l'interrompit impétueusement.

    Are sens