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« La médiocrité domestique la poussait à des fantaisies luxueuses, les tendresses matrimoniales en des désirs adultères, »... « elle se maudit de n’avoir pas aimé Léon, elle eut soif de ses lèvres ».

Qu’est-ce qui a séduit Rodolphe et l’a préparé ? Le gonflement de l’étoffe de la robe de madame Bovary qui s’est crevée de place en place selon les inflexions du corsage ! Rodolphe a amené son domestique chez Bovary pour le faire saigner. Le domestique va se trouver mal, madame Bovary tient la cuvette.

« Pour la mettre sous la table, dans le mouvement qu’elle fit en s’inclinant, sa robe s’évasa autour d’elle sur les carreaux de la salle et comme Emma, baissée, chancelait un peu en écartant les bras, le gonflement de l’étoffe se crevait de place en place selon les inflexions du corsage. » Aussi voici la réflexion de Rodolphe :

« Il revoyait Emma dans la salle, habillée comme il l’avait vue, et il la déshabillait. »

P. 4171. C’est le premier jour où ils se parlent.

1 Page 249.

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« Ils se regardaient, un désir suprême faisait frissonner leurs lèvres sèches, et mollement, sans effort, leurs doigts se confondirent. »

Ce sont là les préliminaires de la chute. Il faut lire la chute elle-même.

« Quand le costume fut prêt, Charles écrivit à M. Boulanger que sa femme était à sa disposition et qu’ils comptaient sur sa complaisance.

« Le lendemain à midi, Rodolphe arriva devant la porte de Charles avec deux chevaux de maître ; l’un portait des pompons roses aux oreilles et une selle de femme en peau de daim.

« Il avait mis de longues bottes molles, se disant que sans doute elle n’en avait jamais vu de pareilles ; en effet, Emma fut charmée de sa tournure, lorsqu’il apparut avec son grand habit de velours marron et sa culotte de tricot blanc...

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« Dès qu’il sentit la terre, le cheval d’Emma prit le galop. Rodolphe galopait à côté d’elle. »

Les voilà dans la forêt.

« Il l’entraîna plus loin autour d’un petit étang 735

où des lentilles d’eau faisaient une verdure sur les ondes...

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« – J’ai tort, j’ai tort, disait-elle, je suis folle de vous entendre.

« – Pourquoi ? Emma ! Emma !

« – Ô Rodolphe !... fit lentement la jeune femme, en se penchant sur son épaule.

« Le drap de sa robe s’accrochait au velours de l’habit. Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna. »

Lorsqu’elle se fut relevée, lorsqu’après avoir secoué les fatigues de la volupté, elle rentra au foyer domestique, à ce foyer où elle devait trouver un mari qui l’adorait, après sa première faute, après ce premier adultère, après cette première chute, est-ce le remords, le sentiment du remords qu’elle éprouve, au regard de ce mari trompé qui l’adorait ? Non ! le front haut, elle rentra en glorifiant l’adultère.

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« En s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur.

Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.

« Elle se répétait : J’ai un amant ! un amant !

se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc enfin posséder ces plaisirs de l’amour, cette fièvre de bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux, où tout serait passion, extase, délire... »

Ainsi, dès cette première faute, dès cette première chute, elle fait glorification de l’adultère, elle chante le cantique de l’adultère, sa poésie, ses voluptés. Voilà, messieurs, qui pour moi est bien plus dangereux, bien plus immoral que la chute elle-même !

Messieurs, tout est pâle devant cette glorification de l’adultère, même les rendez-vous de nuit, quelques jours après.

« Pour l’avertir, Rodolphe jetait contre les persiennes une poignée de sable. Elle se levait en 737

sursaut ; mais quelquefois il lui fallait attendre, car Charles avait la manie de bavarder au coin du feu, et il n’en finissait pas. Elle se dévorait d’impatience ; si ses yeux l’avaient pu, ils l’eussent fait sauter par les fenêtres. Enfin elle commençait sa toilette de nuit, puis elle prenait un livre et continuait à lire fort tranquillement comme si la lecture l’eût amusée. Mais Charles, qui était au lit, l’appelait pour se coucher.

« – Viens donc, Emma, disait-il, il est temps.

« – Oui, j’y vais ! répondait-elle.

« Cependant, comme les bougies

l’éblouissaient, il se tournait vers le mur et s’endormait. Elle s’échappait en retenant son haleine, souriante, palpitante, déshabillée.

« Rodolphe avait un grand manteau ; il l’en enveloppait tout entière, et, passant le bras autour de sa taille, il l’entraînait sans parler jusqu’au fond du jardin.

« C’était sous la tonnelle, sur ce même banc de bâtons pourris où autrefois Léon la regardait si amoureusement durant les soirées d’été ! elle ne 738

pensait guère à lui, maintenant...

« Le froid de la nuit les faisait s’étreindre davantage, les soupirs de leurs lèvres leur semblaient plus forts, leurs yeux, qu’ils entrevoyaient à peine, leur apparaissaient plus grands, et au milieu du silence il y avait des paroles dites tout bas qui tombaient sur leur âme avec une sonorité cristalline et qui s’y répercutaient en vibrations multipliées. »

Connaissez-vous au monde, messieurs, un langage plus expressif ? Avez-vous jamais vu un tableau plus lascif ? Écoutez encore :

« Jamais madame Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque ; elle avait cette indéfinissable beauté qui résulte de la joie, de l’enthousiasme, du succès, et qui n’est que l’harmonie du tempérament avec les circonstances. Ses convoitises, ses chagrins, l’expérience du plaisir et ses illusions toujours jeunes, comme font aux fleurs le fumier, la pluie, les vents et le soleil, l’avaient par gradations développée, et elle s’épanouissait enfin dans la plénitude de sa nature. Ses paupières semblaient taillées tout 739

exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres, qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. On eût dit qu’un artiste habile en corruptions avait disposé sur sa nuque la torsade de ses cheveux. Ils s’enroulaient en une masse lourde, négligemment, et selon les hasards de l’adultère qui les dénouait tous les jours. Sa voix maintenant prenait des inflexions plus molles, sa taille aussi ; quelque chose de subtil qui vous pénétrait se dégageait même des draperies de sa robe et de la cambrure de son pied. Charles, comme au premier temps de leur mariage, la trouvait délicieuse et tout irrésistible. »

Jusqu’ici la beauté de cette femme avait consisté dans sa grâce, dans sa tournure. dans ses vêtements ; enfin elle vient de vous être montrée sans voile, et vous pouvez dire si l’adultère ne l’a pas embellie :

« – Emmène-moi ! s’écria-t-elle. Enlève-

moi !... oh ! je t’en supplie !

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« Et elle se précipita sur sa bouche, comme pour y saisir le consentement inattendu qui s’exhalait dans un baiser. »

Voila un portrait, messieurs, comme sait les faire M. Flaubert. Comme les yeux de cette femme s’élargissent ! comme quelque chose de ravissant est épandu sur elle, depuis sa chute ! Sa beauté a-t-elle jamais été aussi éclatante que le lendemain de sa chute, que dans les jours qui ont suivi sa chute ? Ce que l’auteur vous montre, c’est la poésie de l’adultère, et je vous demande encore une fois si ces pages lascives ne sont pas d’une immoralité profonde ! ! !

J’arrive à la seconde citation. La seconde citation est une transition religieuse. Madame Bovary avait été très malade, aux portes du tombeau. Elle revient à la vie, sa convalescence est signalée par une petite transition religieuse.

Are sens