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La métamorphose de Franz Kafka chaque mot, afin que sa voix n’eût rien de bizarre. D’ailleurs, son père retourna à son petit déjeuner, mais sa sœur chuchota : « Gregor, ouvre, je t’en conjure. » Mais Gregor n’y songeait pas, il se félicita au contraire de la précaution qu’il avait apprise dans ses tournées et qui lui faisait fermer toutes les portes à clé pour la nuit, même quand il était chez lui.

Il entendait d’abord se lever tranquillement et en paix, s’habiller et surtout déjeuner ; ensuite seulement il réfléchirait au reste, car il se rendait bien compte qu’au lit sa méditation ne déboucherait sur rien de sensé. Il se rappela que souvent déjà il avait ressenti au lit l’une de ces petites douleurs, causées peut-être par une mauvaise position, qui ensuite, quand on était debout, se révélaient être purement imaginaires,

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La métamorphose de Franz Kafka et il était curieux de voir comment les idées qu’il s’était faites ce matin allaient s’évanouir peu à peu. Quant au changement de sa voix, il annonçait tout simplement un bon rhume, cette maladie professionnelle des représentants de commerce, aucun doute là-dessus.

Rejeter la couverture, rien de plus simple ; il n’avait qu’à se gonfler un peu, elle tomba toute seule.

Mais la suite des opérations était plus délicate, surtout parce qu’il était excessivement large. Il aurait eu besoin de bras et de mains pour se redresser ; or, au lieu de cela, il n’avait que ces nombreuses petites pattes sans cesse animées des mouvements les plus divers et de surcroît impossibles à maîtriser. Voulait-il en plier une, elle n’avait rien de plus pressé que de s’étendre ;

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La métamorphose de Franz Kafka et s’il parvenait enfin à exécuter avec cette patte ce qu’il voulait, les autres pendant ce temps avaient quartier libre et travaillaient toutes dans une

extrême

et

douloureuse

excitation.

« Surtout, ne pas rester inutilement au lit », se dit Gregor.

Il voulut d’abord sortir du lit en commençant par le bas de son corps, mais ce bas, que du reste il n’avait pas encore vu et dont il ne pouvait guère se faire non plus d’idée précise, se révéla trop lourd à remuer ; cela allait trop lentement ; et quand, pour finir, prenant le mors aux dents, il poussa de toutes ses forces et sans précaution aucune, voilà qu’il avait mal visé : il heurta violemment le montant inférieur du lit, et la douleur cuisante qu’il éprouva lui apprit à ses dépens que, pour l’instant, le bas de son corps en

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La métamorphose de Franz Kafka était peut-être précisément la partie la plus sensible.

Il essaya donc de commencer par extraire du lit le haut de son corps, et il tourna prudemment la tête vers le bord. Cela marcha d’ailleurs sans difficulté, et finalement la masse de son corps, en dépit de sa largeur et de son poids, suivit lentement la rotation de la tête. Mais lorsque enfin Gregor tint la tête hors du lit, en l’air, il eut peur de poursuivre de la sorte sa progression, car si pour finir, il se laissait tomber ainsi, il faudrait un vrai miracle pour ne pas se blesser à la tête.

Et c’était le moment ou jamais de garder à tout prix la tête claire ; il aimait mieux rester au lit.

Mais lorsque, au prix de la même somme d’efforts, il se retrouva, avec un gémissement de soulagement, dans sa position première, et qu’il

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La métamorphose de Franz Kafka vit à nouveau ses petites pattes se battre entre elles peut-être encore plus âprement, et qu’il ne trouva aucun moyen pour ramener l’ordre et le calme dans cette anarchie, il se dit inversement qu’il ne pouvait, pour rien au monde, rester au lit et que le plus raisonnable était de consentir à tous les sacrifices, s’il existait le moindre espoir d’échapper ainsi à ce lit. Mais dans le même temps il n’omettait pas de se rappeler qu’une réflexion mûre et posée vaut toutes les décisions désespérées. À de tels instants, il fixait les yeux aussi précisément que possible sur la fenêtre, mais hélas la vue de la brume matinale, qui cachait même l’autre côté de l’étroite rue, n’était guère faite pour inspirer l’allégresse et la confiance en soi. « Déjà sept heures », se dit-il en entendant sonner de nouveau la pendulette,

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La métamorphose de Franz Kafka

« déjà sept heures, et toujours un tel brouillard. » Et pendant un moment il resta calmement étendu en respirant à peine, attendant peut-être que ce silence total restaurerait l’évidente réalité des choses.

Mais ensuite il se dit : « Il faut absolument que je sois tout à fait sorti du lit avant que sept heures et quart ne sonnent. D’ailleurs, d’ici là, il viendra quelqu’un de la tiare pour s’enquérir de moi, car ils ouvrent avant sept heures. » Et il entreprit dès lors de basculer son corps hors du lit de tout son long et d’un seul coup. S’il se laissait tomber de la sorte, on pouvait présumer que la tête, qu’il allait dresser énergiquement, demeurerait intacte.

Le dos semblait dur ; lui n’aurait sans doute rien, en tombant sur le tapis. Ce qui ennuyait le

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La métamorphose de Franz Kafka plus Gregor c’était la crainte du bruit retentissant

que

cela

produirait

immanquablement et qui sans doute susciterait, de l’autre côté de toutes les portes, sinon l’effroi, du moins des inquiétudes. Mais il fallait prendre le risque.

Quand Gregor dépassa déjà à moitié du lit - la nouvelle méthode était plus un jeu qu’un effort pénible, il lui suffisait de se balancer sans arrêt en se redonnant de l’élan -, il songea soudain combien tout eût été simple si on était venu l’aider. Deux personnes robustes – il pensait à son père et à la bonne – y auraient parfaitement suffi ; elles n’auraient eu qu’à glisser leurs bras sous son dos bombé, à le détacher de la gangue du lit, à se baisser avec leur fardeau, et ensuite uniquement à le laisser avec précaution opérer

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La métamorphose de Franz Kafka son rétablissement sur le sol, où dès lors on pouvait espérer que les petites pattes auraient enfin un sens. Mais, sans compter que les portes étaient fermées à clé, aurait-il vraiment fallu appeler à l’aide ? À cette idée, en dépit de tout son désarroi, il ne put réprimer un sourire.

Il en était déjà au point où, en accentuant son balancement, il était près de perdre l’équilibre, et il lui fallait très vite prendre une décision définitive, car il ne restait que cinq minutes jusqu’à sept heures et quart… C’est alors qu’on sonna à la porte de l’appartement. « C’est quelqu’un de la firme », se dit-il, presque pétrifié, tandis que ses petites pattes n’en dansaient que plus frénétiquement. L’espace d’un instant, tout resta silencieux. « Ils n’ouvrent pas », se dit Gregor, obnubilé par quelque espoir

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La métamorphose de Franz Kafka insensé.

Mais alors, naturellement, comme toujours, la bonne alla d’un pas ferme jusqu’à la porte et ouvrit. Gregor n’eut qu’à entendre la première parole de salutation prononcée par le visiteur pour savoir aussitôt qui c’était : le fondé de pouvoir en personne. Pourquoi diable Gregor était-il condamné à travailler dans une entreprise où, à la moindre incartade, on vous soupçonnait du pire ? Les employés n’étaient-ils donc tous qu’une bande de salopards, n’y avait-il parmi eux pas un seul serviteur fidèle et dévoué, à qui la seule idée d’avoir manqué ne fût-ce que quelques heures de la matinée inspirait de tels remords qu’il en perdait la tête et n’était carrément plus en état de sortir de son lit ? Est-ce que vraiment il ne suffisait pas d’envoyer aux

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La métamorphose de Franz Kafka nouvelles un petit apprenti si tant est que cette chicanerie fût indispensable – fallait-il que le fondé de pouvoir vînt en personne, et que du même coup l’on manifestât à toute l’innocente famille que l’instruction de cette ténébreuse affaire ne pouvait être confiée qu’à l’intelligence du fondé de pouvoir ?

Et c’est plus l’excitation résultant de ces réflexions que le fruit d’une véritable décision qui fit que Gregor se jeta de toutes ses forces hors du lit. Il en résulta un choc sonore, mais pas vraiment un bruit retentissant. La chute fut un peu amortie par le tapis, et puis le dos de Gregor était plus élastique qu’il ne l’avait pensé, d’où ce son assourdi qui n’attirait pas tellement l’attention. Simplement, il n’avait pas tenu sa tête avec assez de précaution, elle avait porté ; il

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La métamorphose de Franz Kafka la tourna et, sous le coup de la contrariété et de la douleur, la frotta sur le tapis.

« Il y a quelque chose qui vient de tomber, là-dedans », dit le fondé de pouvoir dans la chambre de gauche.

Gregor essaya de s’imaginer si pareille mésaventure ne pourrait pas arriver un jour au fondé de pouvoir ; de fait, il fallait convenir que ce n’était pas là une éventualité à exclure. Mais voilà que, comme pour répondre brutalement à cette interrogation, le fondé de pouvoir faisait dans la chambre attenante quelques pas résolus, en faisant craquer ses bottines vernies. De la chambre de droite, la sœur de Gregor le mettait au courant en chuchotant : « Gregor, le fondé de pouvoir est là. - Je sais », dit Gregor à la cantonade, mais sans oser forcer suffisamment

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La métamorphose de Franz Kafka la voix pour que sa sœur pût l’entendre.

« Gregor », dit alors son père dans la chambre de gauche, « M, le fondé de pouvoir est là et demande pourquoi tu n’as pas pris le premier train. Nous ne savons que lui dire. Du reste, il souhaite te parler personnellement. Donc, ouvre ta porte, je te prie. Il aura sûrement la bonté d’excuser le désordre de ta chambre.

— Bonjour, monsieur Samsa ! » lança alors aimablement le fondé de pouvoir. « Il ne se sent pas bien », lui dit la mère de Gregor sans attendre que son père eût fini de parler derrière sa porte, « il ne se sent pas bien, croyez-moi, monsieur le fondé de pouvoir. Sinon, comment Gregor raterait-il un train ? Ce garçon n’a que son métier en tête. C’est au point que je suis presque fâchée qu’il ne sorte jamais le soir ;

Are sens