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– Daignez me pardonner.

– Si tu veux que je te pardonne, lui dit-elle en se levant et se jetant dans ses bras, appelle tout de suite de ta sentence de mort.

Julien la couvrait de baisers.

– Viendras-tu me voir tous les jours pendant ces deux mois ?

– Je te le jure. Tous les jours, à moins que mon mari ne me le défende.

Je signe

! s’écria Julien. Quoi

! tu me

pardonnes ! Est-il possible !

Il la serrait dans ses bras ; il était fou. Elle jeta un petit cri.

– Ce n’est rien, lui dit-elle, tu m’as fait mal.

– À ton épaule, s’écria Julien fondant en larmes. Il s’éloigna un peu, et couvrit sa main de baisers de flamme. Qui me l’eût dit la dernière fois que je te vis dans ta chambre à Verrières ?...

– Qui m’eût dit alors que j’écrirais à M. de La Mole cette lettre infâme ?...

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– Sache que je t’ai toujours aimée, que je n’ai aimé que toi.

– Est-il bien possible ! s’écria madame de Rênal, ravie à son tour. Elle s’appuya sur Julien, qui était à ses genoux, et longtemps ils pleurèrent en silence.

À aucune époque de sa vie, Julien n’avait trouvé un moment pareil.

Bien longtemps après, quand on put parler :

Et cette jeune madame Michelet, dit

madame de Rênal, ou plutôt cette mademoiselle de La Mole ; car je commence en vérité à croire cet étrange roman !

Il n’est vrai qu’en apparence, répondit Julien. C’est ma femme, mais ce n’est pas ma maîtresse...

En s’interrompant cent fois l’un l’autre, ils parvinrent à grand-peine à se raconter ce qu’ils ignoraient. La lettre écrite à M. de La Mole avait été faite par le jeune prêtre qui dirigeait la conscience de madame de Rênal, et ensuite copiée par elle.

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Quelle horreur m’a fait commettre la religion ! lui disait-elle ; et encore j’ai adouci les passages les plus affreux de cette lettre...

Les transports et le bonheur de Julien lui prouvaient combien il lui pardonnait. Jamais il n’avait été aussi fou d’amour.

Je me crois pourtant pieuse, lui disait madame de Rênal dans la suite de la

conversation. Je crois sincèrement en Dieu ; je crois également, et même cela m’est prouvé, que le crime que je commets est affreux, et dès que je te vois, même après que tu m’as tiré deux coups de pistolet... Et ici, malgré elle, Julien la couvrit de baisers.

Laisse-moi, continua-t-elle, je veux raisonner avec toi, de peur de l’oublier... Dès que je te vois, tous les devoirs disparaissent, je ne suis plus qu’amour pour toi, ou plutôt le mot amour est trop faible. Je sens pour toi ce que je devrais sentir uniquement pour Dieu : un mélange de respect, d’amour, d’obéissance... En vérité, je ne sais pas ce que tu m’inspires. Tu me dirais de donner un coup de couteau au geôlier, que le 1048

crime serait commis avant que j’y eusse songé.

Explique-moi cela bien nettement avant que je te quitte, je veux voir clair dans mon cœur ; car dans deux mois nous nous quittons... À propos, nous quitterons-nous ? lui dit-elle en souriant.

– Je retire ma parole, s’écria Julien en se levant ; je n’appelle pas de la sentence de mort, si par poison, couteau, pistolet, charbon ou de toute autre manière quelconque tu cherches à mettre fin ou obstacle à ta vie.

La physionomie de madame de Rênal changea tout à coup ; la plus vive tendresse fit place à une rêverie profonde.

– Si nous mourions tout de suite ? lui dit-elle enfin.

– Qui sait ce que l’on trouve dans l’autre vie ?

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