– Nous la garderons pour nous ! s’écria Pencroff. Mais, pour dieu, qu’est-ce qu’il peut bien y avoir là dedans ! »
La marée commençait déjà à atteindre l’épave, qui devait évidemment flotter au plein de la mer. Une des cordes qui attachaient les barils fut en partie déroulée et servit d’amarre pour lier l’appareil flottant au canot. Puis, Pencroff et Nab creusèrent le sable avec leurs avirons, afin de faciliter le déplacement de la caisse, et bientôt l’embarcation, remorquant la caisse, commença à doubler la pointe, à laquelle fut donné le nom de pointe de l’épave (flotson-point). La remorque était lourde, et les barils suffisaient à peine à soutenir la caisse hors de l’eau. Aussi le marin craignait-il à chaque instant qu’elle ne se détachât et ne coulât par le fond. Mais, heureusement, ses craintes ne se réalisèrent pas, et une heure et demie après son départ-il avait fallut tout ce temps pour franchir cette distance de trois milles-la pirogue accostait le rivage devant Granite-House.
Canot et épave furent alors halés sur le sable, et, comme la mer se retirait déjà, ils ne tardèrent pas à demeurer à sec. Nab avait été prendre des outils pour forcer la caisse, de manière à ne la détériorer que le moins possible, et on procéda à son inventaire.
Pencroff ne chercha point à cacher qu’il était extrêmement ému.
Le marin commença par détacher les deux barils, qui, étant en fort bon état, pourraient être utilisés, cela va sans dire. Puis, les serrures furent forcées au moyen d’une pince, et le couvercle se rabattit aussitôt. Une seconde enveloppe en zinc doublait l’intérieur de la caisse, qui avait été évidemment disposée pour que les objets qu’elle renfermait fussent, en toutes circonstances, à l’abri de l’humidité.
« Ah ! s’écria Nab, est-ce que ce seraient des conserves qu’il y a là dedans !
– J’espère bien que non, répondit le reporter.
– Si seulement il y avait… dit le marin à mi-voix.
– Quoi donc ? Lui demanda Nab, qui l’entendit.
– Rien ! »
La chape de zinc fut fendue dans toute sa largeur, puis rabattue sur les côtés de la caisse, et, peu à peu, divers objets de nature très différente furent extraits et déposés sur le sable. À chaque nouvel objet, Pencroff poussait de nouveaux hurrahs, Harbert battait des mains, et Nab dansait… comme un nègre. Il y avait là des livres qui auraient rendu Harbert fou de joie, et des ustensiles de cuisine que Nab eût couverts de baisers !
Du reste, les colons eurent lieu d’être extrêmement satisfaits, car cette caisse contenait des outils, des armes, des instruments, des vêtements, des livres, et en voici la nomenclature exacte, telle qu’elle fut portée sur le carnet de Gédéon Spilett :
Outils : 3 couteaux à plusieurs lames.
2 haches de bûcheron.
2 haches de charpentier.
Outils : 3 rabots.
2 herminettes.
1 besaiguë.
6 ciseaux à froid.
2 limes.
3 marteaux.
3 vrilles.
2 tarières.
10 sacs de clous et de vis.
3 scies de diverses grandeurs.
Outils : 2 boîtes d’aiguilles.
Armes : 2 fusils à pierre.
2 fusils à capsule.
2 carabines à inflammation centrale.
5 coutelas.
4 sabres d’abordage.
2 barils de poudre pouvant contenir chacun vingt-cinq livres.
12 boîtes d’amorces fulminantes.
Instruments : 1 sextant 1 jumelle.
Instruments : 1 longue-vue.
1 boîte de compas.
1 boussole de poche.
1 thermomètre de fahrenheit 1 baromètre anéroïde.
1 boîte renfermant tout un appareil photographique, objectif, plaques, produits chimiques, etc.
Vêtements : 2 douzaines de chemises d’un tissu particulier qui ressemblait à de la laine, mais dont l’origine était évidemment végétale.