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– Eh bien, c’est en l’air qu’elle se trouve ! »

Et le marin montra une sorte de grand haillon blanchâtre, accroché à la cime du pin, et dont Top avait rapporté un morceau tombé sur le sol.

« Mais ce n’est point là une épave ! s’écria Gédéon Spilett.

– Demande pardon ! répondit Pencroff.

– Comment ? C’est ?…

– C’est tout ce qui reste de notre bateau aérien, de notre ballon qui s’est échoué là-haut, au sommet de cet arbre ! »

Pencroff ne se trompait pas, et il poussa un hurrah magnifique, en ajoutant :

« En voilà de la bonne toile ! Voilà de quoi nous fournir de linge pendant des années ! Voilà de quoi faire des mouchoirs et des chemises ! Hein ! Monsieur Spilett, qu’est-ce que vous dites d’une île où les chemises poussent sur les arbres ? »

C’était vraiment une heureuse circonstance pour les colons de l’île Lincoln, que l’aérostat, après avoir fait son dernier bond dans les airs, fût retombé sur l’île et qu’ils eussent cette chance de le retrouver.

Ou ils garderaient l’enveloppe sous cette forme, s’ils voulaient tenter une nouvelle évasion par les airs, ou ils emploieraient fructueusement ces quelques centaines d’aunes d’une toile de coton de belle qualité, quand elle serait débarrassée de son vernis. Comme on le pense bien, la joie de Pencroff fut unanimement et vivement partagée.

Mais cette enveloppe, il fallait l’enlever de l’arbre sur lequel elle pendait, pour la mettre en lieu sûr, et ce ne fut pas un petit travail. Nab, Harbert et le marin, étant montés à la cime de l’arbre, durent faire des prodiges d’adresse pour dégager l’énorme aérostat dégonflé.

L’opération dura près de deux heures, et non seulement l’enveloppe, avec sa soupape, ses ressorts, sa garniture de cuivre, mais le filet, c’est-à-dire un lot considérable de cordages et de cordes, le cercle de retenue et l’ancre du ballon étaient sur le sol. L’enveloppe, sauf la fracture, était en bon état, et, seul, son appendice inférieur avait été déchiré.

C’était une fortune qui était tombée du ciel.

« Tout de même, Monsieur Cyrus, dit le marin, si nous nous décidons jamais à quitter l’île, ce ne sera pas en ballon, n’est-ce pas ? Ça ne va pas où on veut, les navires de l’air, et nous en savons quelque chose ! Voyez-vous, si vous m’en croyez, nous construirons un bon bateau d’une vingtaine de tonneaux, et vous me laisserez découper dans cette toile une misaine et un foc. Quant au reste, il servira à nous habiller !

– Nous verrons, Pencroff, répondit Cyrus Smith, nous verrons.

– En attendant, il faut mettre tout cela en sûreté », dit Nab. En effet, on ne pouvait songer à transporter à Granite-House cette charge de toile, de cordes, de cordages, dont le poids était considérable, et, en attendant un véhicule convenable pour les charrier, il importait de ne pas laisser plus longtemps ces richesses à la merci du premier ouragan. Les colons, réunissant leurs efforts, parvinrent à traîner le tout jusqu’au rivage, où ils découvrirent une assez vaste cavité rocheuse, que ni le vent, ni la pluie, ni la mer ne pouvaient visiter, grâce à son orientation.

« Il nous fallait une armoire, nous avons une armoire, dit Pencroff ; mais comme elle ne ferme pas à clef, il sera prudent d’en dissimuler l’ouverture. Je ne dis pas cela pour les voleurs à deux pieds, mais pour les voleurs à quatre pattes ! »

À six heures du soir, tout était emmagasiné, et, après avoir donné à la petite échancrure qui formait la crique le nom très justifié de « port ballon », on reprit le chemin du cap Griffe. Pencroff et l’ingénieur causaient de divers projets qu’il convenait de mettre à exécution dans le plus bref délai. Il fallait avant tout jeter un pont sur la Mercy, afin d’établir une communication facile avec le sud de l’île ; puis, le chariot reviendrait chercher l’aérostat, car le canot n’eût pu suffire à le transporter ; puis, on construirait une chaloupe pontée ; puis, Pencroff la gréerait en cotre, et l’on pourrait entreprendre des voyages de circumnavigation… autour de l’île ; puis, etc.

Cependant, la nuit venait, et le ciel était déjà sombre, quand les colons atteignirent la pointe de l’épave, à l’endroit même où ils avaient découvert la précieuse caisse. Mais là, pas plus qu’ailleurs, il n’y avait rien qui indiquât qu’un naufrage quelconque se fût produit, et il fallut bien en revenir aux conclusions précédemment formulées par Cyrus Smith. De la pointe de l’épave à Granite-House, il restait encore quatre milles, et ils furent vite franchis ; mais il était plus de minuit, quand, après avoir suivi le littoral jusqu’à l’embouchure de la Mercy, les colons arrivèrent au premier coude formé par la rivière.

Là, le lit mesurait une largeur de quatre-vingts pieds, qu’il était malaisé de franchir, mais Pencroff s’était chargé de vaincre cette difficulté, et il fut mis en demeure de le faire.

Il faut en convenir, les colons étaient exténués.

L’étape avait été longue, et l’incident du ballon n’avait pas été pour reposer leurs jambes et leurs bras. Ils avaient donc hâte d’être rentrés à Granite-House pour souper et dormir, et si le pont eût été construit, en un quart d’heure ils se fussent trouvés à domicile.

La nuit était très obscure. Pencroff se prépara alors à tenir sa promesse, en faisant une sorte de radeau qui permettrait d’opérer le passage de la Mercy. Nab et lui, armés de haches, choisirent deux arbres voisins de la rive, dont ils comptaient faire une sorte de radeau, et ils commencèrent à les attaquer par leur base.

Cyrus Smith et Gédéon Spilett, assis sur la berge, attendaient que le moment fût venu d’aider leurs compagnons, tandis que Harbert allait et venait, sans trop s’écarter.

Tout à coup, le jeune garçon, qui avait remonté la rivière, revint précipitamment, et, montrant la Mercy en amont :

« Qu’est-ce donc qui dérive là ? » s’écria-t-il.

Pencroff interrompit son travail, et il aperçut un objet mobile qui apparaissait confusément dans l’ombre.

« Un canot ! » dit-il.

Tous s’approchèrent et virent, à leur extrême surprise, une embarcation qui suivait le fil de l’eau.

« Oh ! du canot ! » cria le marin par un reste d’habitude professionnelle, et sans penser que mieux peut-être eût valu garder le silence.

Pas de réponse. L’embarcation dérivait toujours, et elle n’était plus qu’à une dizaine de pas, quand le marin s’écria :

« Mais c’est notre pirogue ! Elle a rompu son amarre et elle a suivi le courant ! Il faut avouer qu’elle arrivera à propos !

– Notre pirogue ?… » murmura l’ingénieur.

Pencroff avait raison. C’était bien le canot, dont l’amarre s’était brisée, sans doute, et qui revenait tout seul des sources de la Mercy ! Il était donc important de le saisir au passage avant qu’il fût entraîné par le rapide courant de la rivière, au delà de son embouchure, et c’est ce que Nab et Pencroff firent adroitement au moyen d’une longue perche.

Le canot accosta la rive. L’ingénieur, s’y embarquant le premier, en saisit l’amarre et s’assura au toucher que cette amarre avait été réellement usée par son frottement sur des roches.

« Voilà, lui dit à voix basse le reporter, voilà ce que l’on peut appeler une circonstance…

– Étrange ! » répondit Cyrus Smith.

Étrange ou non, elle était heureuse ! Harbert, le reporter, Nab et Pencroff s’embarquèrent à leur tour. Eux ne mettaient pas en doute que l’amarre ne se fût usée ; mais le plus étonnant de l’affaire, c’était véritablement que la pirogue fût arrivée juste au moment où les colons se trouvaient là pour la saisir au passage, car, un quart d’heure plus tard, elle eût été se perdre en mer.

Si on eût été au temps des génies, cet incident aurait donné le droit de penser que l’île était hantée par un être surnaturel qui mettait sa puissance au service des naufragés ! En quelques coups d’aviron, les colons arrivèrent à l’embouchure de la Mercy. Le canot fut halé sur la grève jusqu’auprès des Cheminées, et tous se dirigèrent vers l’échelle de Granite-House.

Mais, en ce moment, Top aboya avec colère, et Nab, qui cherchait le premier échelon, poussa un cri… il n’y avait plus d’échelle.


CHAPITRE VI

Cyrus Smith s’était arrêté, sans dire mot. Ses compagnons cherchèrent dans l’obscurité, aussi bien sur les parois de la muraille, pour le cas où le vent eût déplacé l’échelle, qu’au ras du sol, pour le cas où elle se fût détachée… mais l’échelle avait absolument disparu. Quant à reconnaître si une bourrasque l’avait relevée jusqu’au premier palier, à mi-paroi, cela était impossible dans cette nuit profonde.

« Si c’est une plaisanterie, s’écria Pencroff, elle est mauvaise ! Arriver chez soi, et ne plus trouver d’escalier pour monter à sa chambre, cela n’est pas pour faire rire des gens fatigués !

Nab, lui, se perdait en exclamations !

« Il n’a pas pourtant fait de vent ! fit observer Harbert.

– Je commence à trouver qu’il se passe des choses singulières dans l’île Lincoln ! dit Pencroff.

– Singulières ? répondit Gédéon Spilett, mais non, Pencroff, rien n’est plus naturel. Quelqu’un est venu pendant notre absence, a pris possession de la demeure et a retiré l’échelle !

– Quelqu’un ! s’écria le marin. Et qui donc ?…

– Mais le chasseur au grain de plomb, répondit le reporter. À quoi servirait-il, si ce n’est à expliquer notre mésaventure ?

– Eh bien, s’il y a quelqu’un là-haut, répondit Pencroff en jurant, car l’impatience commençait à le gagner, je vais le héler, et il faudra bien qu’il réponde. »

Are sens