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« Un navire qui se mettrait ici au plein, dit alors Pencroff, serait inévitablement perdu. Des bancs de sable, qui se prolongent au large, et plus loin, des écueils ! Mauvais parages !

– Mais au moins, il resterait quelque chose de ce navire, fit observer le reporter.

– Il en resterait des morceaux de bois sur les récifs, et rien sur les sables, répondit le marin.

– Pourquoi donc ?

– Parce que ces sables, plus dangereux encore que les roches, engloutissent tout ce qui s’y jette, et que quelques jours suffisent pour que la coque d’un navire de plusieurs centaines de tonneaux y disparaisse entièrement !

– Ainsi, Pencroff, demanda l’ingénieur, si un bâtiment s’était perdu sur ces bancs, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’il n’y en eût plus maintenant aucune trace ?

– Non, Monsieur Smith, avec l’aide du temps ou de la tempête. Toutefois, il serait surprenant, même dans ce cas, que des débris de mâture, des espars n’eussent pas été jetés sur le rivage, au delà des atteintes de la mer.

– Continuons donc nos recherches », répondit Cyrus Smith.

À une heure après midi, les colons étaient arrivés au fond de la baie Washington, et, à ce moment, ils avaient franchi une distance de vingt milles.

On fit halte pour déjeuner.

Là commençait une côte irrégulière, bizarrement déchiquetée et couverte par une longue ligne de ces écueils qui succédaient aux bancs de sable, et que la marée, étale en ce moment, ne devait pas tarder à découvrir. On voyait les souples ondulations de la mer, brisées aux têtes de rocs, s’y développer en longues franges écumeuses. De ce point jusqu’au cap Griffe, la grève était peu spacieuse et resserrée entre la lisière des récifs et celle de la forêt.

La marche allait donc devenir plus difficile, car d’innombrables roches éboulées encombraient le rivage.

La muraille de granit tendait aussi à s’exhausser de plus en plus, et, des arbres qui la couronnaient en arrière, on ne pouvait voir que les cimes verdoyantes, qu’aucun souffle n’animait.

Après une demi-heure de repos, les colons se remirent en route, et leurs yeux ne laissèrent pas un point inobservé des récifs et de la grève. Pencroff et Nab s’aventurèrent même au milieu des écueils, toutes les fois qu’un objet attirait leur regard. Mais d’épave, point, et ils étaient trompés par quelque conformation bizarre des roches. Ils purent constater, toutefois, que les coquillages comestibles abondaient sur cette plage, mais elle ne pourrait être fructueusement exploitée que lorsqu’une communication aurait été établie entre les deux rives de la Mercy, et aussi quand les moyens de transport seraient perfectionnés.

Ainsi donc, rien de ce qui avait rapport au naufrage présumé n’apparaissait sur ce littoral, et cependant un objet de quelque importance, la coque d’un bâtiment par exemple, eût été visible alors, ou ses débris eussent été portés au rivage, comme l’avait été cette caisse, trouvée à moins de vingt milles de là. Mais il n’y avait rien.

Vers trois heures, Cyrus Smith et ses compagnons arrivèrent à une étroite crique bien fermée, à laquelle n’aboutissait aucun cours d’eau. Elle formait un véritable petit port naturel, invisible du large, auquel aboutissait une étroite passe, que les écueils ménageaient entre eux. Au fond de cette crique, quelque violente convulsion avait déchiré la lisière rocheuse, et une coupée, évidée en pente douce, donnait accès au plateau supérieur, qui pouvait être situé à moins de dix milles du cap Griffe, et, par conséquent, à quatre milles en droite ligne du plateau de Grande-vue.

Gédéon Spilett proposa à ses compagnons de faire halte en cet endroit. On accepta, car la marche avait aiguisé l’appétit de chacun, et, bien que ce ne fût pas l’heure du dîner, personne ne refusa de se réconforter d’un morceau de venaison. Ce lunch devait permettre d’attendre le souper à Granite-House. Quelques minutes après, les colons, assis au pied d’un magnifique bouquet de pins maritimes, dévoraient les provisions que Nab avait tirées de son havre-sac.

L’endroit était élevé de cinquante à soixante pieds au-dessus du niveau de la mer. Le rayon de vue était donc assez étendu, et, passant par-dessus les dernières roches du cap, il allait se perdre jusque dans la baie de l’Union. Mais ni l’îlot, ni le plateau de Grande-vue n’étaient visibles et ne pouvaient l’être alors, car le relief du sol et le rideau des grands arbres masquaient brusquement l’horizon du nord.

Inutile d’ajouter que, malgré l’étendue de mer que les explorateurs pouvaient embrasser, et bien que la lunette de l’ingénieur eût parcouru point à point toute cette ligne circulaire sur laquelle se confondaient le ciel et l’eau, aucun navire ne fut aperçu. De même, sur toute cette partie du littoral qui restait encore à explorer, la lunette fut promenée avec le même soin depuis la grève jusqu’aux récifs, et aucune épave n’apparut dans le champ de l’instrument.

« Allons, dit Gédéon Spilett, il faut en prendre son parti et se consoler en pensant que nul ne viendra nous disputer la possession de l’île Lincoln !

– Mais enfin, ce grain de plomb ! dit Harbert. Il n’est pourtant pas imaginaire, je suppose !

– Mille diables, non ! s’écria Pencroff, en pensant à sa mâchelière absente.

– Alors que conclure ? demanda le reporter.

– Ceci, répondit l’ingénieur : c’est qu’il y a trois mois au plus, un navire, volontairement ou non, a atterri…

– Quoi ! Vous admettriez, Cyrus, qu’il s’est englouti sans laisser aucune trace ? s’écria le reporter.

– Non, mon cher Spilett, mais remarquez que s’il est certain qu’un être humain a mis le pied sur cette île, il ne paraît pas moins certain qu’il l’a quittée maintenant.

– Alors, si je vous comprends bien, Monsieur Cyrus, dit Harbert, le navire serait reparti ?…

– Évidemment.

– Et nous aurions perdu sans retour une occasion de nous rapatrier ? dit Nab.

– Sans retour, je le crains.

– Eh bien ! Puisque l’occasion est perdue, en route », dit Pencroff, qui avait déjà la nostalgie de Granite-House.

Mais, à peine s’était-il levé, que les aboiements de Top retentirent avec force, et le chien sortit du bois, en tenant dans sa gueule un lambeau d’étoffe souillée de boue.

Nab arracha ce lambeau de la bouche du chien.

C’était un morceau de forte toile.

Top aboyait toujours, et, par ses allées et venues, il semblait inviter son maître à le suivre dans la forêt.

« Il y a là quelque chose qui pourrait bien expliquer mon grain de plomb ! s’écria Pencroff.

– Un naufragé ! répondit Harbert.

– Blessé, peut-être ! dit Nab.

– Ou mort ! » répondit le reporter.

Et tous se précipitèrent sur les traces du chien, entre ces grands pins qui formaient le premier rideau de la forêt. À tout hasard, Cyrus Smith et ses compagnons avaient préparé leurs armes.

Ils durent s’avancer assez profondément sous bois ; mais, à leur grand désappointement, ils ne virent encore aucune empreinte de pas. Broussailles et lianes étaient intactes, et il fallut même les couper à la hache, comme on avait fait dans les épaisseurs les plus profondes de la forêt. Il était donc difficile d’admettre qu’une créature humaine eût déjà passé par là, et cependant Top allait et venait, non comme un chien qui cherche au hasard, mais comme un être doué de volonté qui suit une idée.

Après sept à huit minutes de marche, Top s’arrêta.

Les colons, arrivés à une sorte de clairière, bordée de grands arbres, regardèrent autour d’eux et ne virent rien, ni sous les broussailles, ni entre les troncs d’arbres.

« Mais qu’y a-t-il, Top ? » dit Cyrus Smith.

Top aboya avec plus de force, en sautant au pied d’un gigantesque pin.

Tout à coup, Pencroff de s’écrier :

« Ah ! bon ! Ah ! parfait !

– Qu’est-ce ? demanda Gédéon Spilett.

– Nous cherchons une épave sur mer ou sur terre !

– Eh bien ?

Are sens