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mûr comme l’automne doré et l’après-midi, comme mon cœur de solitaire – maintenant

tu parles : le monde lui-même est devenu mûr, le raisin brunit.

– maintenant il veut mourir, mourir de bonheur. Ô hommes supérieurs, ne le sentez-vous pas ? Secrètement une odeur monte,

– un parfum et une odeur d’éternité, une odeur de vin doré, bruni et divinement rosé de

vieux bonheur,

– un bonheur enivré de mourir, un bonheur de minuit qui chante : le monde est profond

et plus profond que ne pensait le jour.

7.

Laisse-moi ! Laisse-moi ! Je suis trop pur pour toi. Ne me touche pas ! Mon monde ne

vient-il pas de s’accomplir ?

Ma peau est trop pure pour tes mains. Laisse-moi, jour sombre, bête et lourd ! L’heure

de minuit n’est-elle pas plus claire ?

Les plus purs doivent être les maîtres du monde, les moins connus, les plus forts, les âmes de minuit qui sont plus claires et plus profondes que tous les jours.

Ô jour, tu tâtonnes après moi ? Tu tâtonnes après mon bonheur ? Je suis riche pour toi,

solitaire, une source de richesse, un trésor ?

Ô monde, tu me veux ? Suis-je mondain pour toi ? Suis-je religieux ? Suis-je devin pour

toi ? Mais jour et monde, vous êtes trop lourds,

– ayez des mains plus sensées, saisissez un bonheur plus profond, un malheur plus profond, saisissez un dieu quelconque, ne me saisissez pas

– mon malheur, mon bonheur est profond, jour singulier, et pourtant je ne suis pas un

dieu, pas un enfer de dieu : profonde est sa douleur.

8.

La douleur de Dieu est plus profonde, ô monde singulier ! Saisis la douleur de Dieu, ne

me saisis pas, moi ! Que suis-je ? Une douce lyre pleine d’ivresse, –

– une lyre de minuit, une cloche-crapaud que personne ne comprend, mais qui doit parler devant des sourds, ô hommes supérieurs ! Car vous ne me comprenez pas !

C’en est fait ! C’en est fait ! Ô jeunesse ! Ô midi ! Ô après-midi ! Maintenant le soir est venu et la nuit et l’heure de minuit, – le chien hurle, et le vent :

– le vent n’est-il pas un chien ? Il gémit, il aboie, il hurle. Hélas ! Hélas ! Comme elle

soupire, comme elle rit, comme elle râle et geint, l’heure de minuit !

Comme elle parle sèchement, cette poétesse ivre ! A-t-elle dépassé son ivresse ? a-t-elle

prolongé sa veille, se met-elle à remâcher ?

– Elle remâche sa douleur en rêve, la vieille et profonde heure de minuit, et plus encore

sa joie. Car la joie, quand déjà la douleur est profonde : la joie est plus profonde que la peine.

9.

Vigne, que me joues-tu ? Ne t’ai-je pas coupée ? Je suis si cruel, tu saignes : que veut la louange que tu adresses à ma cruauté ivre ?

« Tout ce qui s’est accompli, tout ce qui est mûr – veut mourir ! » ainsi parles-tu. Béni

soit, béni soit le couteau du vigneron ! Mais tout ce qui n’est pas mûr veut vivre : hélas !

La douleur dit : « Passe ! va-t’en douleur ! » Mais tout ce qui souffre veut vivre, pour

mûrir, pour devenir joyeux et plein de désirs,

– plein de désirs de ce qui est plus lointain, plus haut, plus clair. « Je veux des héritiers, ainsi parle tout ce qui souffre, je veux des enfants, je ne me veux pas moi. » –

Mais la joie ne veut ni héritiers ni enfants, – la joie se veut elle-même, elle veut l’éternité, le retour des choses, tout ce qui se ressemble éternellement.

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