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Et en vĂ©ritĂ©, c’est une noble parole, celle qui dit : « Ce que la vie nous a promis nous voulons le tenir – Ă  la vie ! »

On ne doit pas vouloir jouir, lorsque l’on ne donne pas à jouir. Et l’on ne doit pas vouloir jouir !

Car la jouissance et l’innocence sont les deux choses les plus pudiques : aucune des deux ne veut ĂȘtre cherchĂ©e. Il faut les possĂ©der – mais il vaut mieux encore chercher la faute et la douleur ! –

6.

Ô mes frĂšres, le prĂ©curseur est toujours sacrifiĂ©. Or nous sommes des prĂ©curseurs.

Nous saignons tous au secret autel des sacrifices, nous brûlons et nous rÎtissons tous en

l’honneur des vieilles idoles.

Ce qu’il y a de mieux en nous est encore jeune : c’est ce qui irrite les vieux gosiers.

Notre chair est tendre, notre peau n’est qu’une peau d’agneau : – comment ne tenterions-

nous pas de vieux prĂȘtres idolĂątres !

Il habite encore en nous-mĂȘmes, le vieux prĂȘtre idolĂątre qui se prĂ©pare Ă  faire un festin

de ce qu’il y a de mieux en nous. HĂ©las ! mes frĂšres, comment des prĂ©curseurs ne seraient-ils pas sacrifiĂ©s !

Mais ainsi le veut notre qualitĂ© ; et j’aime ceux qui ne veulent point se conserver. Ceux

qui sombrent, je les aime de tout mon cƓur : car ils vont de l’autre cĂŽtĂ©.

7.

Être vĂ©ridique : peu de gens le savent ! Et celui qui le sait ne veut pas l’ĂȘtre ! Moins que tous les autres, les bons.

Ô ces bons ! – Les hommes bons ne disent jamais la vĂ©ritĂ© ; ĂȘtre bon d’une telle façon est une maladie pour l’esprit.

Ils cĂšdent, ces bons, ils se rendent, leur cƓur rĂ©pĂšte et leur raison obĂ©it : mais celui qui obĂ©it ne s’entend pas lui-mĂȘme !

Tout ce qui pour les bons est mal doit se rĂ©unir pour faire naĂźtre une vĂ©ritĂ© : ĂŽ mes frĂšres, ĂȘtes-vous assez mĂ©chants pour cette vĂ©ritĂ© ?

L’audace tĂ©mĂ©raire, la longue mĂ©fiance, le cruel non, le dĂ©goĂ»t, l’incision dans la vie, –

comme il est rare que tout cela soit rĂ©uni ! C’est de telles semences cependant que – naĂźt la vĂ©ritĂ©.

À cĂŽtĂ© de la mauvaise conscience, naquit jusqu’à prĂ©sent toute science ! Brisez, brisez-moi les vieilles tables, vous qui cherchez la connaissance !

8.

Quand il y a des planches jetĂ©es sur l’eau, quand des passerelles et des balustrades passent sur le fleuve : en vĂ©ritĂ©, alors on n’ajoutera foi Ă  personne lorsqu’il dira que « tout coule ».

Au contraire, les imbĂ©ciles eux-mĂȘmes le contredisent. « Comment ! s’écrient-ils, tout

coule ? Les planches et les balustrades sont pourtant au-dessus du fleuve ! »

« Au-dessus du fleuve tout est solide, toutes les valeurs des choses, les ponts, les notions, tout ce qui est « bien » et « mal » : tout cela est solide ! »

Et quand vient l’hiver, qui est le dompteur des fleuves, les plus malicieux apprennent à

se mĂ©fier ; et, en vĂ©ritĂ©, ce ne sont pas seulement les imbĂ©ciles qui disent alors : « Tout ne serait-il pas – immobile ? »

« Au fond tout est immobile », – c’est lĂ  un vĂ©ritable enseignement d’hiver, une bonne

chose pour les temps stériles, une bonne consolation pour le sommeil hivernal et les sédentaires.

« Au fond tout est immobile » – : mais le vent du dĂ©gel Ă©lĂšve sa protestation contre cette parole !

Le vent du dĂ©gel, un taureau qui ne laboure point, – un taureau furieux et destructeur qui brise la glace avec des cornes en colĂšre ! La glace cependant – brise les passerelles !

Ô mes frĂšres ! tout ne coule-t-il pas maintenant ? Toutes les balustrades et toutes les passerelles ne sont-elles pas tombĂ©es Ă  l’eau ? Qui se tiendrait encore au « bien » et au

« mal » ?

« Malheur Ă  nous ! Gloire Ă  nous ! Le vent du dĂ©gel souffle ! » – PrĂȘchez ainsi, mes frĂšres, Ă  travers toutes les rues.

9.

Il y a une vieille folie qui s’appelle bien et mal. La roue de cette folie a tournĂ© jusqu’à prĂ©sent autour des devins et des astrologues.

Jadis on croyait aux devins et aux astrologues ; et c’est pourquoi l’on croyait que tout Ă©tait fatalitĂ© : « Tu dois, car il le faut ! »

Puis on se mĂ©fia de tous les devins et de tous les astrologues et c’est pourquoi l’on crut que tout Ă©tait libertĂ© : « Tu peux, car tu veux ! »

Ô mes frĂšres ! sur les Ă©toiles et sur l’avenir on n’a fait jusqu’à prĂ©sent que des suppositions sans jamais savoir : et c’est pourquoi sur le bien et le mal on n’a fait que des suppositions sans jamais savoir !

10.

« Tu ne dĂ©roberas point ! Tu ne tueras point ! » Ces paroles Ă©taient appelĂ©es saintes jadis : devant elles on courbait les genoux et l’on baissait la tĂȘte, et l’on ĂŽtait ses souliers.

Mais je vous demande : oĂč y eut-il jamais de meilleurs brigands et meilleurs assassins

dans le monde, que les brigands et les assassins provoqués par ces saintes paroles ?

N’y a-t-il pas dans la vie elle-mĂȘme – le vol et l’assassinat ? Et, en sanctifiant ces paroles, n’a-t-on pas assassinĂ© la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme ?

Ou bien Ă©tait-ce prĂȘcher la mort que de sanctifier tout ce qui contredisait et dĂ©conseillait la vie ? – Ô mes frĂšres, brisez, brisez-moi les vieilles tables.

11.

Ceci est ma pitiĂ© Ă  l’égard de tout le passĂ© que je le vois abandonnĂ©, – abandonnĂ© Ă  la

grĂące, Ă  l’esprit et Ă  la folie de toutes les gĂ©nĂ©rations de l’avenir, qui transformeront tout ce qui fut en un pont pour elles-mĂȘmes !

Are sens