La conversation s’arrêta là. On n’entendait que le bruit du tabac qui se consume, à travers celui du vent et des vagues. Il était encore trop tôt pour ouvrir les vannes. De toute façon, Declan ne nous laissa pas le temps de nous décoincer. Il vint nous chercher, son estomac criait famine.
À table, il assura la discussion ; il fit un monologue sur ses histoires avec les copains à l’école avant de s’adresser directement à moi.
– Tu pars demain ? C’est vrai ?
– Oui, je prends l’avion.
– Pourquoi ? C’est pas juste…
– J’étais en vacances ici, j’habite à Paris, je travaille là-bas. Tu te souviens ?
– Oui… Papa, on pourra aller voir Diane un jour ?
– On verra.
– Mais ! Pendant les vacances !
Le visage d’Edward se ferma.
– Declan, lui dis-je. Tu as toute la vie pour venir me voir à Paris. D’accord ?
Il ronchonna, finit son yaourt, et alla jeter le pot vide à la poubelle sans dire un mot. Puis il s’installa sur le canapé en boudant. Edward le surveillait, tendu, inquiet. Il se leva de table à son tour et s’assit en face de son fils. Il lui passa la main dans les cheveux.
– Tu te souviens qu’Abby est malade, il faut qu’on s’occupe d’elle et qu’on aide Jack, c’est pour ça que je ne peux pas t’emmener à Paris voir Diane.
– Mais toi, tu y es allé…
– C’est vrai, mais je n’aurais pas dû…
Declan baissa la tête, Edward inspira profondément.
– Maintenant, il faut aller au lit.
Son fils redressa la tête brusquement.
– Non ! Papa, je ne veux pas y aller !
L’angoisse l’envahit et le défigura.
– Tu n’as pas le choix. Il y a école demain.
– S’il te plaît, papa ! Je veux rester avec vous.
– Non. Va dire au revoir à Diane.
Il sauta du canapé et fonça sur moi pour s’accrocher à ma taille en pleurant. Je respirai profondément.
Edward me fixa, désemparé, avant de se prendre la tête entre les mains.
– Diane, je veux pas aller au lit, je veux pas, je veux pas…
– Écoute-moi, ton papa a raison. Il faut aller dormir.
– Non, sanglota-t-il.
Je regardai Edward ; il n’en pouvait plus, il n’avait pas l’énergie de se battre. Ils avaient besoin d’un coup de main, et j’étais là…
– Tu veux que je vienne avec toi, comme l’autre jour ?
Il me serra plus fort encore : sa réponse était claire.
– On y va.
Il prit la direction de l’étage sans un regard pour son père.
– Tu oublies quelque chose ! le rappelai-je à l’ordre.
Il fit demi-tour et courut dans les bras d’Edward. Je les laissai seuls et montai dans sa chambre.
J’entendis ses petits pas dans l’escalier ainsi que son brossage de dents. Pendant ce temps-là, j’allumai sa veilleuse, retapai son lit qui n’avait pas été fait, et récupérai l’écharpe de sa mère cachée sous le matelas. Lorsqu’il arriva dans sa chambre, il se glissa sous la couette. Je m’agenouillai à côté de son lit, lui caressai le front et le visage.
– Declan, papa fait tout ce qu’il peut pour toi… il sait que tu as mal… il faut que tu l’aides, c’est compliqué ce que je te demande… mais tu dois le laisser dormir dans son lit. Tu es un petit garçon courageux… ton papa ne te laissera jamais… Quand tu dors, il est toujours à la maison… Tu me promets d’essayer ?
Il hocha la tête.
– As-tu envie que je chante la berceuse ?
– Tu reviens quand ?