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Les truands effarés firent volte-face.

Quasimodo, qui n’entendait pas, vit les épées nues, les flambeaux, les fers de piques, toute cette cavalerie, en tête de laquelle il reconnut le capi-494

Notre-Dame de Paris

Chapitre VII

taine Phœbus, il vit la confusion des truands, l’épouvante chez les uns, le trouble chez les meilleurs, et il reprit de ce secours inespéré tant de force qu’il rejeta hors de l’église les premiers assaillants qui enjambaient déjà la galerie.

C’étaient en effet les troupes du roi qui survenaient.

Les truands firent bravement. Ils se défendirent en désespérés. Pris en flanc par la rue Saint-Pierre-aux-Bœufs et en queue par la rue du Parvis, acculés à Notre-Dame qu’ils assaillaient encore et que défendait Quasimodo, tout à la fois assiégeants et assiégés, ils étaient dans la situation singulière où se retrouva depuis, au fameux siège de Turin, en 1640, entre le prince Thomas de Savoie qu’il assiégeait et le marquis de Leganez qui le bloquait, le comte Henri d’Harcourt, Taurinum obsessor idem et obsessus, comme dit son épitaphe.

La mêlée fut affreuse. A chair de loup dent de chien, comme dit P.

Mathieu. Les cavaliers du roi, au milieu desquels Phœbus de Châteaupers se comportait vaillamment, ne faisaient aucun quartier, et la taille reprenait ce qui échappait à l’estoc. Les truands, mal armés, écumaient et mordaient. Hommes, femmes, enfants, se jetaient aux croupes et aux poi-trails des chevaux, et s’y accrochaient comme des chats avec les dents et les ongles des quatre membres. D’autres tamponnaient à coups de torches le visage des archers. D’autres piquaient des crocs de fer au cou des cavaliers et tiraient à eux. Ils déchiquetaient ceux qui tombaient.

On en remarqua un qui avait une large faulx luisante, et qui faucha longtemps les jambes des chevaux. Il était effrayant. Il chantait une chanson nasillarde, il lançait sans relâche et ramenait sa faulx. A chaque coup, il traçait autour de lui un grand cercle de membres coupés. Il avançait ainsi au plus fourré de la cavalerie, avec la lenteur tranquille, le balancement de tête et l’essoufflement régulier d’un moissonneur qui entame un champ de blé. C’était Clopin Trouillefou. Une arquebusade l’abattit.

Cependant les croisées s’étaient rouvertes. Les voisins, entendant les cris de guerre des gens du roi s’étaient mêlés à l’affaire, et de tous les étages les balles pleuvaient sur les truands. Le Parvis était plein d’une fumée épaisse que la mousqueterie rayait de feu. On y distinguait confusément la façade de Notre-Dame, et l’Hôtel-Dieu décrépit, avec quelques hâves malades qui regardaient du haut de son toit écaillé de lucarnes.

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Chapitre VII

Enfin les truands cédèrent. La lassitude, le défaut de bonnes armes, l’effroi de cette surprise, la mousqueterie des fenêtres, le brave choc des gens du roi, tout les abattit. Ils forcèrent la ligne des assaillants, et se mirent à fuir dans toutes les directions, laissant dans le Parvis un encombrement de morts.

Quand Quasimodo, qui n’avait pas cessé un moment de combattre, vit cette déroute, il tomba à deux genoux et leva les mains au ciel ; puis, ivre de joie, il courut, il monta avec la vitesse d’un oiseau à cette cellule dont il avait si intrépidement défendu les approches. Il n’avait plus qu’une pensée maintenant, c’était de s’agenouiller devant celle qu’il venait de sauver une seconde fois.

Lorsqu’il entra dans la cellule, il la trouva vide.

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XI

LIVRE ONZIÈME

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CHAPITRE I

LE PETIT SOULIER

Alestruandsavaientassaillil’église,laEsmeralda dormait.

Bientôt la rumeur toujours croissante autour de l’édifice et le bêlement inquiet de sa chèvre éveillée avant elle l’avaient tirée de ce sommeil. Elle s’était, levée sur son séant, elle avait écouté, elle avait regardé, puis, effrayée de la lueur et du bruit, elle s’était jetée hors de la cellule et avait été voir. L’aspect de la place, la vision qui s’y agitait, le désordre de cet assaut nocturne, cette foule hideuse, sautelante comme une nuée de grenouilles, à demi entrevue dans les ténèbres, le coassement de cette rauque multitude, ces quelques torches rouges courant et se croisant sur cette ombre comme les feux de nuit qui rayent la surface brumeuse des marais, toute cette scène lui fit l’effet d’une mystérieuse bataille engagée entre les fantômes du sabbat et les monstres de pierre de l’église. Imbue dès l’enfance des superstitions de la tribu bohémienne, sa première pensée fut qu’elle avait surpris en maléfice les étranges êtres propres à la 498

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Chapitre I

nuit. Alors elle courut épouvantée se tapir dans sa cellule, demandant à son grabat un moins horrible cauchemar.

Peu à peu les premières fumées de la peur s’étaient pourtant dissipées ; au bruit sans cesse grandissant, et à plusieurs autres signes de réalité, elle s’était sentie investie, non de spectres, mais d’êtres humains. Alors sa frayeur, sans s’accroître, s’était transformée. Elle avait songé à la possi-bilité d’une mutinerie populaire pour l’arracher de son asile. L’idée de reperdre encore une fois la vie, l’espérance, Phœbus, qu’elle entrevoyait toujours dans son avenir, le profond néant de sa faiblesse, toute fuite fermée, aucun appui, son abandon, son isolement, ces pensées et mille autres l’avaient accablée. Elle était tombée à genoux, la tête sur son lit, les mains jointes sur sa tête, pleine d’anxiété et de frémissement, et, quoique égyptienne, idolâtre et païenne, elle s’était mise à demander avec sanglots grâce au bon Dieu chrétien et à prier Notre-Dame, son hôtesse. Car, ne crût-on à rien, il y a des moments dans la vie où l’on est toujours de la religion du temple qu’on a sous la main.

Elle resta ainsi prosternée fort longtemps, tremblant, à la vérité, plus qu’elle ne priait, glacée au souffle de plus en plus rapproché de cette multitude furieuse, ne comprenant rien à ce déchaînement, ignorant ce qui se tramait, ce qu’on faisait, ce qu’on voulait, mais pressentant une issue terrible.

Voilà qu’au milieu de cette angoisse elle entend marcher près d’elle.

Elle se détourne. Deux hommes, dont l’un portait une lanterne, venaient d’entrer dans sa cellule. Elle poussa un faible cri.

― Ne craignez rien, dit une voix qui ne lui était pas inconnue, c’est moi.

― Qui ? vous ? demanda-t-elle.

― Pierre Gringoire.

Ce nom la rassura. Elle releva les yeux, et reconnut en effet le poëte.

Mais il y avait auprès de lui une figure noire et voilée de la tête aux pieds qui la frappa de silence.

― Ah ! reprit Gringoire d’un ton de reproche, Djali m’avait reconnu avant vous !

La petite chèvre en effet n’avait pas attendu que Gringoire se nom-mât. A peine était-il entré qu’elle s’était tendrement frottée à ses genoux, 499

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Chapitre I

couvrant le poëte de caresses et de poils blancs, car elle était en mue.

Gringoire lui rendait les caresses.

― Qui est là avec vous ? dit l’égyptienne à voix basse.

― Soyez tranquille, répondit Gringoire. C’est un de mes amis.

Alors le philosophe, posant sa lanterne à terre, s’accroupit sur la dalle et s’écria avec enthousiasme en serrant Djali dans ses bras : — Oh ! c’est une gracieuse bête, sans doute plus considérable pour sa propreté que pour sa grandeur, mais ingénieuse, subtile et lettrée comme un grammai-rien ! Voyons, ma Djali, n’as-tu rien oublié de tes jolis tours ? Comment fait maître Jacques Charmolue ?…

L’homme noir ne le laissa pas achever. Il s’approcha de Gringoire et le poussa rudement par l’épaule. Gringoire se leva.

― C’est vrai, dit-il, j’oubliais que nous sommes pressés. — Ce n’est pourtant point une raison, mon maître, pour forcener les gens de la sorte.

— Ma chère belle enfant, votre vie est en danger, et celle de Djali. On veut vous rependre. Nous sommes vos amis, et nous venons vous sauver.

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