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Quasimodo pleurait.

Enfin l’archidiacre, écumant de rage et d’épouvante, comprit que tout était inutile. Il rassembla pourtant tout ce qui lui restait de force pour un dernier effort. Il se roidit sur la gouttière, repoussa le mur de ses deux genoux, s’accrocha des mains à une fente des pierres et parvint à regrimper d’un pied peut-être ; mais cette commotion fit ployer brusquement le bec de plomb sur lequel il s’appuyait. Du même coup la soutane s’éventra.

Alors, sentant tout manquer sous lui, n’ayant plus que ses mains roidies et défaillantes qui tinssent à quelque chose, l’infortuné ferma les yeux et lâcha la gouttière. Il tomba.

Quasimodo le regarda tomber.

Une chute de si haut est rarement perpendiculaire. L’archidiacre lancé 537

Notre-Dame de Paris

Chapitre II

dans l’espace tomba d’abord la tête en bas et les deux mains étendues, puis il fit plusieurs tours sur lui-même. Le vent le poussa sur le toit d’une maison où le malheureux commença à se briser. Cependant il n’était pas mort quand il y arriva. Le sonneur le vit essayer encore de se retenir au pignon avec les ongles. Mais le plan était trop incliné, et il n’avait plus de force. Il glissa rapidement sur le toit comme une tuile qui se détache, et alla rebondir sur le pavé. Là, il ne remua plus.

Quasimodo alors releva son œil sur l’égyptienne dont il voyait le corps, suspendu au gibet, frémir au loin sous sa robe blanche des derniers tressaillements de l’agonie, puis il le rabaissa sur l’archidiacre étendu au bas de la tour et n’ayant plus forme humaine, et il dit avec un sanglot qui souleva sa profonde poitrine : ― Oh ! tout ce que j’ai aimé !

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CHAPITRE III

MARIAGE DE PHŒBUS

Vdecettejournée,quandlesofficiersjudiciairesde l’évêque vinrent relever sur le pavé du Parvis le cadavre disloqué de l’archidiacre, Quasimodo avait disparu de Notre-Dame.

Il courut beaucoup de bruits sur cette aventure. On ne douta pas que le jour ne fût venu où, d’après leur pacte, Quasimodo, c’est-à-dire le diable, devait emporter Claude Frollo, c’est-à-dire le sorcier. On présuma qu’il avait brisé le corps en prenant l’âme, comme les singes qui cassent la coquille pour manger la noix.

C’est pourquoi l’archidiacre ne fut pas inhumé en terre sainte.

Louis XI mourut l’année d’après, au mois d’août 1483.

Quant à Pierre Gringoire, il parvint à sauver la chèvre, et il obtint des succès en tragédie. Il paraît qu’après avoir goûté de l’astrologie, de la philosophie, de l’architecture, de l’hermétique, de toutes les folies, il revint à la tragédie, qui est la plus folle de toutes. C’est ce qu’il appelait avoir fait une fin tragique. Voici, au sujet de ses triomphes dramatiques, ce qu’on lit, 539

Notre-Dame de Paris

Chapitre III

dès 1483, dans les comptes de l’ordinaire : « A Jehan Marchand et Pierre Gringoire, charpentier et compositeur, qui ont fait et composé le mystère fait au Châtelet de Paris, à l’entrée de monsieur le légat, ordonné des personnages, iceux revêtus et habillés ainsi que audit mystère était requis, et pareillement, d’avoir fait les échafauds qui étaient à ce nécessaires ; et pour ce faire, cent livres. »

Phœbus de Châteaupers aussi fit une fin tragique, il se maria.

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CHAPITRE IV

MARIAGE DE QUASIMODO

N dire que Quasimodo avait disparu de Notre-Dame le jour de la mort de l’égyptienne et de l’archidiacre. On ne le revit plus en effet, on ne sut ce qu’il était devenu.

Dans la nuit qui suivit le supplice de la Esmeralda, les gens des basses œuvres avaient détaché son corps du gibet et l’avaient porté, selon l’usage, dans la cave de Montfaucon.

Montfaucon était, comme dit Sauval, « le plus ancien et le plus superbe gibet du royaume ». Entre les faubourgs du Temple et de Saint-Martin, à environ cent soixante toises des murailles de Paris, à quelques portées d’arbalète de la Courtille, on voyait au sommet d’une éminence douce, insensible, assez élevée pour être aperçue de quelques lieues à la ronde, un édifice de forme étrange, qui ressemblait assez à un cromlech celtique, et où il se faisait aussi des sacrifices humains.

Qu’on se figure, au couronnement d’une butte de plâtre, un gros pa-rallélipipède de maçonnerie, haut de quinze pieds, large de trente, long 541

Notre-Dame de Paris

Chapitre IV

de quarante, avec une porte, une rampe extérieure et une plateforme ; sur cette plate-forme seize énormes piliers de pierre brute, debout, hauts de trente pieds, disposés en colonnade autour de trois des quatre côtés du massif qui les supporte, liés entre eux à leur sommet par de fortes poutres où pendent des chaînes d’intervalle en intervalle ; à toutes ces chaînes, des squelettes ; aux alentours, dans la plaine, une croix de pierre et deux gibets de second ordre qui semblent pousser de bouture autour de la fourche centrale ; au-dessus de tout cela, dans le ciel, un vol perpétuel de corbeaux. Voilà Montfaucon.

A la fin du quinzième siècle, le formidable gibet, qui datait de 1328, était déjà fort décrépit. Les poutres étaient vermoulues, les chaînes rouillées, les piliers verts de moisissure. Les assises de pierre de taille étaient toutes refendues à leur jointure, et l’herbe poussait sur cette plateforme où les pieds ne touchaient pas. C’était un horrible profil sur le ciel que celui de ce monument ; la nuit surtout, quand il y avait un peu de lune sur ces crânes blancs, ou quand la bise du soir froissait chaînes et squelettes et remuait tout cela dans l’ombre. Il suffisait de ce gibet présent là pour faire de tous les environs des lieux sinistres.

Le massif de pierre qui servait de base à l’odieux édifice était creux.

On y avait pratiqué une vaste cave, fermée d’une vieille grille de fer détra-quée, où l’on jetait non-seulement les débris humains qui se détachaient des chaînes de Montfaucon, mais les corps de tous les malheureux exécutés aux autres gibets permanents de Paris. Dans ce profond charnier où tant de poussières humaines et tant de crimes ont pourri ensemble, bien des grands du monde, bien des innocents sont venus successivement apporter leurs os, depuis Enguerrand de Marigni, qui étrenna Montfaucon et qui était un juste, jusqu’à l’amiral de Coligni, qui en fit la clôture et qui était un juste.

Quant à la mystérieuse disparition de Quasimodo, voici tout ce que nous avons pu découvrir.

Deux ans environ ou dix-huit mois après les événements qui terminent cette histoire, quand on vint rechercher dans la cave de Montfaucon le cadavre d’Olivier Le Daim, qui avait été pendu deux jours auparavant, et à qui Charles VIII accordait la grâce d’être enterré à Saint-Laurent en meilleure compagnie, on trouva parmi toutes ces carcasses hideuses 542

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Chapitre IV

deux squelettes dont l’un tenait l’autre singulièrement embrassé. L’un de ces deux squelettes, qui était celui d’une femme, avait encore quelques lambeaux de robe d’une étoffe qui avait été blanche, et on voyait autour de son cou un collier de grains d’adrézarach avec un petit sachet de soie, orné de verroterie verte, qui était ouvert et vide. Ces objets avaient si peu de valeur que le bourreau sans doute n’en avait pas voulu. L’autre, qui tenait celui-ci étroitement embrassé, était un squelette d’homme. On remarqua qu’il avait la colonne vertébrale déviée, la tête dans les omo-plates, et une jambe plus courte que l’autre. Il n’avait d’ailleurs aucune rupture de vertèbre à la nuque, et il était évident qu’il n’avait pas été pendu. L’homme auquel il avait appartenu était donc venu là, et il y était mort. Quand on voulut le détacher du squelette qu’il embrassait, il tomba en poussière.

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NOTES

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Chapitre IV

NOTE I.

Sur la page du titre, on lit dans le manuscrit de Notre-Dame de Paris la note suivante :

J’ai écrit les trois ou quatre premières pages de Notre-Dame de Paris le 25 juillet 1830. La révolution de juillet m’interrompit. Puis ma chère petite Adèle vint au monde (Qu’elle soit bénie !). Je me remis à écrire Notre-Dame de Paris le 1ᵉʳ

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