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« Tu vois, dit Danglars Ă  Caderousse, la tournure que prend l’affaire. As-tu encore envie d’aller soutenir DantĂšs maintenant ?

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– Non, sans doute ; mais c’est cependant une terrible chose qu’une plaisanterie qui a de pareilles suites.

– Dame ! qui l’a faite ? ce n’est ni toi ni moi, n’est-ce pas ? c’est Fernand. Tu sais bien que quant Ă  moi j’ai jetĂ© le papier dans un coin : je croyais mĂȘme l’avoir dĂ©chirĂ©.

– Non, non, dit Caderousse. Oh ! quant Ă  cela, j’en suis sĂ»r ; je le vois au coin de la tonnelle, tout froissĂ©, tout roulĂ©, et je voudrais mĂȘme bien qu’il fĂ»t encore oĂč je le vois !

– Que veux-tu ? Fernand l’aura ramassĂ©, Fernand l’aura copiĂ© ou fait copier, Fernand n’aura peut-ĂȘtre mĂȘme pas pris cette peine ; et, j’y pense... mon Dieu ! il aura peut-ĂȘtre envoyĂ© ma propre lettre ! Heureusement que j’avais dĂ©guisĂ© mon Ă©criture.

– Mais tu savais donc que Dantùs conspirait ?

– Moi, je ne savais rien au monde. Comme je l’ai dit, j’ai cru faire une plaisanterie, pas autre chose. Il paraĂźt que, comme Arlequin, j’ai dit la vĂ©ritĂ© en riant.

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– C’est Ă©gal, reprit Caderousse, je donnerais bien des choses pour que toute cette affaire ne fĂ»t pas arrivĂ©e, ou du moins pour n’y ĂȘtre mĂȘlĂ© en rien. Tu verras qu’elle nous portera malheur, Danglars !

– Si elle doit porter malheur à quelqu’un, c’est au vrai coupable, et le vrai coupable c’est Fernand et non pas nous. Quel malheur veux-tu qu’il nous arrive à nous ? Nous n’avons qu’à nous tenir tranquilles, sans souffler le mot de tout cela, et l’orage passera sans que le tonnerre tombe.

– Amen ! dit Caderousse en faisant un signe d’adieu Ă  Danglars et en se dirigeant vers les allĂ©es de Meilhan, tout en secouant la tĂȘte et en se parlant Ă  lui-mĂȘme, comme ont l’habitude de faire les gens fort prĂ©occupĂ©s.

– Bon ! dit Danglars, les choses prennent la tournure que j’avais prĂ©vue : me voilĂ  capitaine par intĂ©rim, et si cet imbĂ©cile de Caderousse peut se taire, capitaine tout de bon. Il n’y a donc que le cas oĂč la justice relĂącherait DantĂšs ? Oh ! mais, ajouta-t-il avec un sourire, la justice est la justice, 114

et je m’en rapporte Ă  elle. »

Et sur ce, il sauta dans une barque en donnant l’ordre au batelier de le conduire Ă  bord du Pharaon, oĂč l’armateur, on se le rappelle, lui avait donnĂ© rendez-vous.

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Le substitut du procureur du roi

Rue du Grand-Cours, en face de la fontaine des MĂ©duses, dans une de ces vieilles maisons Ă  l’architecture aristocratique bĂąties par Puget, on cĂ©lĂ©brait aussi le mĂȘme jour, Ă  la mĂȘme heure, un repas de fiançailles.

Seulement, au lieu que les acteurs de cette autre scĂšne fussent des gens du peuple, des matelots et des soldats, ils appartenaient Ă  la tĂȘte de la sociĂ©tĂ© marseillaise. C’étaient d’anciens magistrats qui avaient donnĂ© la dĂ©mission de leur charge sous l’usurpateur ; de vieux officiers qui avaient dĂ©sertĂ© nos rangs pour passer dans ceux de l’armĂ©e de CondĂ© ; des jeunes gens Ă©levĂ©s par leur famille encore mal rassurĂ©e sur leur existence, malgrĂ© les quatre ou cinq remplaçants qu’elle avait payĂ©s, dans la haine de cet homme 116

dont cinq ans d’exil devaient faire un martyr, et quinze ans de Restauration un dieu.

On Ă©tait Ă  table, et la conversation roulait, brĂ»lante de toutes les passions, les passions de l’époque, passions d’autant plus terribles, vivantes et acharnĂ©es dans le Midi que depuis cinq cents ans les haines religieuses venaient en aide aux haines politiques.

L’Empereur, roi de l’üle d’Elbe aprĂšs avoir Ă©tĂ© souverain d’une partie du monde, rĂ©gnant sur une population de cinq Ă  six mille Ăąmes, aprĂšs avoir entendu crier : Vive NapolĂ©on ! par cent vingt millions de sujets et en dix langues diffĂ©rentes, Ă©tait traitĂ© lĂ  comme un homme perdu Ă  tout jamais pour la France et pour le trĂŽne. Les magistrats relevaient les bĂ©vues politiques ; les militaires parlaient de Moscou et de Leipsick ; les femmes, de son divorce avec JosĂ©phine. Il semblait Ă  ce monde royaliste, tout joyeux et tout triomphant non pas de la chute de l’homme, mais de l’anĂ©antissement du principe, que la vie recommençait pour lui, et qu’il sortait d’un rĂȘve pĂ©nible.

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Un vieillard, dĂ©corĂ© de la croix de Saint-Louis, se leva et proposa la santĂ© du roi Louis XVIII Ă  ses convives ; c’était le marquis de Saint-MĂ©ran.

À ce toast, qui rappelait Ă  la fois l’exilĂ© de Hartwell et le roi pacificateur de la France, la rumeur fut grande, les verres se levĂšrent Ă  la maniĂšre anglaise, les femmes dĂ©tachĂšrent leurs bouquets et en jonchĂšrent la nappe. Ce fut un enthousiasme presque poĂ©tique.

« Ils en conviendraient s’ils Ă©taient lĂ , dit la marquise de Saint-MĂ©ran, femme Ă  l’Ɠil sec, aux lĂšvres minces, Ă  la tournure aristocratique et encore Ă©lĂ©gante, malgrĂ© ses cinquante ans, tous ces rĂ©volutionnaires qui nous ont chassĂ©s et que nous laissons Ă  notre tour bien tranquillement conspirer dans nos vieux chĂąteaux qu’ils ont achetĂ©s pour un morceau de pain, sous la Terreur : ils en conviendraient, que le vĂ©ritable dĂ©vouement Ă©tait de notre cĂŽtĂ©, puisque nous nous attachions Ă  la monarchie croulante, tandis qu’eux, au contraire, saluaient le soleil levant et faisaient leur fortune, pendant que, nous, nous perdions la nĂŽtre ; ils en conviendraient que notre 118

roi, Ă  nous, Ă©tait bien vĂ©ritablement Louis le Bien-AimĂ©, tandis que leur usurpateur, Ă  eux, n’a jamais Ă©tĂ© que NapolĂ©on le Maudit ; n’est-ce pas, de Villefort ?

– Vous dites, madame la marquise ?...

Pardonnez-moi, je n’étais pas Ă  la conversation.

– Eh ! laissez ces enfants, marquise, reprit le vieillard qui avait portĂ© le toast ; ces enfants vont s’épouser, et tout naturellement ils ont Ă  parler d’autre chose que de politique.

– Je vous demande pardon, ma mĂšre, dit une jeune et belle personne aux blonds cheveux, Ă  l’Ɠil de velours nageant dans un fluide nacrĂ© ; je vous rends M. de Villefort, que j’avais accaparĂ© pour un instant. Monsieur de Villefort, ma mĂšre vous parle.

– Je me tiens prĂȘt Ă  rĂ©pondre Ă  madame si elle veut bien renouveler sa question que j’ai mal entendue, dit M. de Villefort.

– On vous pardonne, RenĂ©e, dit la marquise avec un sourire de tendresse qu’on Ă©tait Ă©tonnĂ© de voir fleurir sur cette sĂšche figure ; mais le cƓur 119

de la femme est ainsi fait, que si aride qu’il devienne au souffle des prĂ©jugĂ©s et aux exigences de l’étiquette, il y a toujours un coin fertile et riant : c’est celui que Dieu a consacrĂ© Ă  l’amour maternel. On vous pardonne... Maintenant je disais, Villefort, que les bonapartistes n’avaient ni notre conviction, ni notre enthousiasme, ni notre dĂ©vouement.

– Oh ! madame, ils ont du moins quelque chose qui remplace tout cela : c’est le fanatisme.

NapolĂ©on est le Mahomet de l’Occident ; c’est pour tous ces hommes vulgaires, mais aux ambitions suprĂȘmes, non seulement un lĂ©gislateur et un maĂźtre, mais encore c’est un type, le type de l’égalitĂ©.

– De l’égalitĂ© ! s’écria la marquise. NapolĂ©on, le type de l’égalitĂ© ! et que ferez-vous donc de M.

de Robespierre ? Il me semble que vous lui volez sa place pour la donner au Corse ; c’est cependant bien assez d’une usurpation, ce me semble.

– Non, madame, dit Villefort, je laisse chacun sur son piĂ©destal : Robespierre, place Louis XV, 120

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