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À ce moment précis entra un homme plus grand que tous les autres et qui avait une mine effrayante. Il était vieux et portait une longue barbe blanche.

– Pauvre diable, lui dit-il, tu ne tarderas pas à savoir ce que c’est que de frissonner : tu vas mourir !

– Pas si vite ! répondit le garçon. Pour que je meure, il faudrait d’abord que vous me teniez.

– Je finirai bien par t’avoir ! dit le monstrueux bonhomme.

– Tout doux, tout doux ! ne te gonfle pas comme ça ! je suis aussi fort que toi. Et même bien plus fort !

– C’est ce qu’on verra, dit le vieux. Si tu es plus fort que moi, je te laisserai partir. Viens, essayons !

Il le conduisit par un sombre passage dans une forge, prit une hache et d’un seul coup, enfonça une enclume dans le sol.

– Je ferai mieux, dit le jeune homme en s’approchant d’une autre enclume.

Le vieux se plaça à côté de lui, laissant pendre sa barbe blanche. Le garçon prit la hache, fendit l’enclume d’un seul coup et y coinça la barbe du vieux.

– Et voilà ! je te tiens ! dit-il, à toi de mourir maintenant !

Il saisit une barre de fer et se mit à rouer de coups le vieux jusqu’à ce que celui-ci éclatât en lamentations et le suppliât de s’arrêter en lui promettant mille trésors. Le jeune homme débloqua la hache et libéra le vieux qui le reconduisit au château et lui montra, dans une cave, trois caisses pleines d’or.

– Il y en a une pour les pauvres, une pour le roi et la troisième sera pour toi, lui dit-il.

Sur quoi, une heure sonna et le méchant esprit disparut. Le garçon se trouvait au milieu d’une profonde obscurité.

– Il faudra bien que je m’en sorte, dit-il. Il tâtonna autour de lui, retrouva le chemin de sa chambre et s’endormit auprès de son feu. Au matin, le roi arriva et dit :

– Alors, as-tu appris à frissonner ?

– Non, répondit le garçon, je ne sais toujours pas. J’ai vu mon cousin mort et un homme barbu est venu qui m’a montré beaucoup d’or. Mais personne ne m’a dit ce que signifie frissonner.

Le roi dit alors :

– Tu as libéré le château de ses fantômes et tu épouseras ma fille.

– Bonne chose ! répondit-il, mais je ne sais toujours pas frissonner.

On alla chercher l’or et les noces furent célébrées. Mais le jeune roi continuait à dire : « Si seulement j’avais peur, si seulement je pouvais frissonner ! » La reine finit par en être contrariée. Sa camériste dit :

– Je vais l’aider à frissonner.

Elle se rendit sur les bords du ruisseau qui coulait dans le jardin et se fit donner un plein seau de goujons. Durant la nuit, alors que son époux dormait, la princesse retira les couvertures et versa sur lui l’eau et les goujons, si bien que les petits poissons frétillaient tout autour de lui. Il s’éveilla et cria :

– Ah ! comme je frissonne, chère femme ! Ah ! Oui, maintenant je sais ce que c’est que de frissonner.

Tome II

Chapitre 1 La Huppe et le butor

Où menez-vous de préférence pacager votre troupeau ? demanda quelqu’un à un vieux vacher.

– Par ici, monsieur, où l’herbe n’est ni trop grasse, ni trop maigre ; autrement, ce n’est pas bon pour elles.

– Et pourquoi pas ? s’étonna le monsieur. – Entendez-vous là-bas, dans les humides pâtures, ce cri comme un mugissement sourd ? commença le berger. C’est le butor, qui était un berger jadis, tout comme la huppe. Je vais vous raconter l’histoire. Le butor faisait pacager ses vaches dans de vertes et grasses prairies où les fleurs poussaient en abondance ; et ses vaches, par conséquent, se firent du sang fort, devinrent indépendantes et sauvages. La huppe, par contre, menait les siennes sur la montagne haute et sèche, où le vent joue avec le sable ; et ses vaches en devinrent maigres et débiles. Le soir, quand les bergers font rentrer leurs troupeaux, le butor n’arrivait plus à rassembler ses bêtes exubérantes qui sautaient, bondissaient, gambadaient de tous côtés et s’enfuyaient à mesure. Il avait beau les appeler et crier. « Groupez-vous, groupez-vous toutes ! », cela ne servait à rien, et elles ne voulaient pas l’entendre. La huppe, de son côté, n’arrivait pas à les mettre debout : ses vaches étaient trop faibles et trop découragées pour se lever. « Hop ! hop 1 hop ! », leur criait-elle, « Hop ! hop ! hop ! », pour les faire lever, mais c’était en vain : les vaches restaient sur le sable et ne se levaient point. Voilà ce qu’il arrive quand on ne garde pas la juste mesure. Et même de nos jours, bien qu’ils ne gardent plus de troupeaux, vous pouvez entendre le butor qui appelle : « Groupez-vous ! Groupez-vous toutes ! », et la huppe lance toujours son cri. « Hop-hop-hop ! Hop-hop-hop ! Hop-hop-hop ! »

Chapitre 2 L’Intelligente fille du paysan

Il était une fois un pauvre paysan qui n’avait pas de terre, seulement une petite chaumière et une fille, enfant unique, qui lui dit un jour – « Nous devrions bien demander un bout de terre à cultiver, dans ses essarts, à notre seigneur le roi. » Sa Majesté, ayant appris quelle était leur pauvreté, leur fit don d’un coin de pré plutôt que d’une terre de friche, et tous deux, le père et sa fille, se mirent à labourer cette terre, afin d’y semer un peu de blé et d’autres choses. Ils allaient terminer ce labour, quand ils tombèrent sur un superbe mortier d’or pur qui était enfoui dans la terre.

– Écoute, dit le père à sa fille, puisque Sa Majesté le roi, dans sa grâce, nous a fait don de ce bout de terre, nous devrions, nous, lui porter le mortier. La fille s’y opposa et lui dit -

– Père, nous avons le mortier, c’est vrai, mais nous n’avons pas le pilon ; et comme on nous réclamera forcément le pilon avec le mortier, nous ferions beaucoup mieux de ne rien dire. Le père ne voulut rien entendre, prit le mortier et le porta à Sa Majesté le roi, en lui disant qu’il avait trouvé cet objet dans son bout de pré en le labourant, et qu’il voulait le lui offrir comme un respectueux témoignage de sa reconnaissance. Le roi prit le mortier, l’examine avec satisfaction, puis demanda au paysan s’il n’avait rien trouvé d’autre.

– Non, dit le paysan. Le roi lui dit qu’il lui fallait aussi apporter le pilon. Mais le paysan eut beau affirmer et soutenir qu’il ne l’avait pas trouvé, cela ne servit pas plus que s’il eût jeté ses paroles au vent ; et il fut arrêté et jeté en prison, où il devait rester tant que le pilon n’aurait pas été retrouvé. Il était au pain sec et à l’eau comme le sont les gens qu’on met au cachot, et les serviteurs qui apportaient chaque jour sa nourriture au prisonnier l’entendirent qui répétait sans cesse : « Ah ! si j’avais écouté ma fille ! Si seulement j’avais écouté ma fille ! » Ils s’en étonnèrent et allèrent rapporter au roi que le prisonnier n’arrêtait pas de se plaindre en disant. « Ah ! si j’avais écouté ma fille ! », alors qu’il refusait de manger et même de boire. Les serviteurs reçurent l’ordre d’amener le prisonnier devant le roi, et Sa Majesté lui demanda pourquoi il criait sans cesse : « Ah ! si seulement j’avais écouté ma fille ! »

– Ta fille, qu’est-ce qu’elle t’avait dit ? voulut savoir le roi. – Eh bien oui, dit le paysan, ma fille me l’avait bien dit. « N’apporte pas le mortier, sinon on va te réclamer le pilon. » – Quelle fille intelligente tu as ! Il faut que je la voie une fois, dit le roi.

Elle dut donc comparaître devant Sa Majesté, qui lui demanda si elle était aussi intelligente que cela, et qui lui dit qu’il avait une énigme à lui proposer. si elle savait y répondre, il serait prêt à l’épouser. Elle répondit aussitôt que oui, qu’elle voulait deviner.

– Bien, dit le roi, je t’épouserai si tu peux venir vers moi ni habillée, ni nue, ni à cheval, ni en voiture, ni par la route, ni hors de la route. Elle s’en alla, et une fois chez elle, elle se mit nue comme un ver ; ainsi elle n’était donc pas habillée. Elle prit alors un filet de pêche, dans lequel elle se mit et s’enroula ; et ainsi elle n’était pas nue. Elle loua un âne pour un peu d’argent, puis suspendit son filet à 1a queue de l’âne pour se faire tirer ainsi ; donc elle n’était pas à cheval, ni non plus en voiture. Ensuite, elle fit cheminer l’âne dans l’ornière, de telle manière qu’elle ne touchait le sol que du bout de l’orteil ; et ainsi elle n’allait ni par la route, ni hors de la route. Lorsqu’elle fut arrivée de cette manière, le roi déclara qu’elle avait résolu l’énigme et qu’il n’avait qu’une parole. Il libéra son père de la prison et fit d’elle la reine en l’épousant ; et il laissa entre ses mains tout le bien du royaume. Des années plus tard, un jour que le roi allait passer ses troupes en revue, il se trouva que des paysans, en revenant de vendre leur bois, s’arrêtèrent avec leurs chariots et leurs charrettes devant l’entrée du château, sur la place. Les uns avaient des attelages de bœufs, les autres de chevaux ; et l’un d’eux avait attelé trois chevaux, dont une jument qui mit bas à ce moment-là ; et le petit poulain, en se débattant, finit par aller tomber sous le ventre de deux bœufs attelés à la charrette qui stationnait devant. Ce fut l’origine d’une querelle entre les deux paysans lorsqu’ils revinrent à leurs voitures : celui des bœufs prétendant garder le poulain qui était sous le ventre de ses bêtes, et celui des chevaux le réclamant comme mis bas par sa jument. Des cris aux invectives, des invectives aux coups, la dispute s’envenima et fit un tel tapage que le roi dut intervenir et déclara qu’où était le Poulain, là il devait rester, décidant ainsi que le paysan aux bœufs aurait à lui ce poulain, qui pourtant n’était pas à lui. L’autre paysan, celui aux chevaux, s’en alla en pleurant et en se lamentant de la perte de son poulain ; et comme il avait entendu dire que la reine avait le cœur charitable, elle qui était d’origine paysanne au surplus, il alla la trouver pour lui demander son aide et la prier de faire qu’il pût rentrer en possession de son poulain.

– C’est possible, lui dit-elle, à la condition que tu ne ni trahisses point, et je vais te dire comment il faut faire. Demain matin de bonne heure, quand le roi sortira pour aller passe sa garde en revue, tu te tiendras sur son passage, en travers du chemin qu’il doit emprunter, et tu auras un grand filet de pêche que tu jetteras et retireras comme si tu pêchais dans l’eau faisant comme s’il était plein de poissons. Elle lui dit également ce qu’il lui faudrait répondre aux questions que le roi ne manquerait pas de lui faire poser. Le lendemain donc, quand passa le roi, le paysan était en train de pêcher sur le sec, lançant son filet et le ramassant pour secouer, avec tous les gestes du pêcheur heureux. Un rnessager fut dépêché vers ce fou pour lui demander, de la part du roi quelle était son idée.

– Je pêche, fut sa réponse. Le messager ne manqua pas de lui demander comment il pouvait pêcher, puisqu’il n’y avait pas d’eau.

– Aussi bien que deux bœufs peuvent avoir un poulain, répondit le paysan, aussi bien peut-on pêcher où il n’y a pas d’eau ; et c’est ce que je fais ! Le messager rapporta ces paroles au roi, qui fit venir le paysan, lui disant que cette réponse ne venait pas de lui et qu’il voulait savoir de qui il l’avait apprise. Le paysan ne voulut rien reconnaître et se borna à répéter. « Que Dieu vous garde ! La réponse vient de moi. » On le coucha sur une botte de paille et on le bâtonna si longtemps et si durement qu’il finit par admettre et par reconnaître que c’était Sa Majesté la reine qui l’avait conseillé. Le roi, dès qu’il fut de retour au château, alla trouver la reine et lui dit :

– Pourquoi cette conduite, d’une duplicité impardonnable ? Je ne veux plus de toi comme épouse ; tu as fini ton temps ici et tu vas retourner d’où tu viens, dans ta chaumière paysanne. Mais à titre de cadeau d’adieu, il lui permit d’emporter avec elle ce qu’elle choisirait comme la chose la plus précieuse et qu’elle aimait le mieux.

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