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Pencroff, Harbert et Gédéon Spilett, quand ils furent de retour à Granite-House, firent connaître à l’ingénieur ce qui s’était passé, et celui-ci approuva leurs dispositions pour le présent et pour l’avenir. Il promit même au marin d’étudier la portion du canal située entre l’îlot et la côte, afin de voir s’il ne serait pas possible d’y créer un port artificiel au moyen de barrages. De cette façon, le Bonadventure serait toujours à portée, sous les yeux des colons, et au besoin sous clé.

Le soir même, on envoya un télégramme à Ayrton pour le prier de ramener du corral une couple de chèvres que Nab voulait acclimater sur les prairies du plateau. Chose singulière, Ayrton n’accusa pas réception de la dépêche, ainsi qu’il avait l’habitude de le faire. Cela ne laissa pas d’étonner l’ingénieur. Mais il pouvait se faire qu’Ayrton ne fût pas en ce moment au corral, ou même qu’il fût en route pour revenir à Granite-House. En effet, deux jours s’étaient écoulés depuis son départ, et il avait été décidé que le 10 au soir, ou le 11 au plus tard, dès le matin, il serait de retour.

Les colons attendirent donc qu’Ayrton se montrât sur les hauteurs de Grande-vue. Nab et Harbert veillèrent même aux approches du pont, afin de le baisser dès que leur compagnon se présenterait.

Mais, vers dix heures du soir, il n’était aucunement question d’Ayrton. On jugea donc convenable de lancer une nouvelle dépêche, demandant une réponse immédiate.

Le timbre de Granite-House resta muet.

Alors l’inquiétude des colons fut grande. Que s’était-il passé ? Ayrton n’était-il donc plus au corral, ou, s’il s’y trouvait encore, n’avait-il plus la liberté de ses mouvements ? Devait-on aller au corral par cette nuit obscure ?

On discuta. Les uns voulaient partir, les autres rester.

« Mais, dit Harbert, peut-être quelque accident s’est-il produit dans l’appareil télégraphique et ne fonctionne-t-il plus ?

– Cela se peut, dit le reporter.

– Attendons à demain, répondit Cyrus Smith. Il est possible, en effet, qu’Ayrton n’ait pas reçu notre dépêche, ou même que nous n’ayons pas reçu la sienne. »

On attendit, et, cela se comprend, non sans une certaine anxiété.

Dès les premières lueurs du jour, – 11 novembre, – Cyrus Smith lançait encore le courant électrique à travers le fil et ne recevait aucune réponse.

Il recommença : même résultat.

« En route pour le corral ! dit-il.

– Et bien armés ! » ajouta Pencroff.

Il fut aussitôt décidé que Granite-House ne resterait pas seul et que Nab y demeurerait. Après avoir accompagné ses compagnons jusqu’au creek glycérine, il relèverait le pont, et, embusqué derrière un arbre, il guetterait soit leur retour, soit celui d’Ayrton. Au cas où les pirates se présenteraient et essayeraient de franchir le passage, il tenterait de les arrêter à coups de fusil, et, en fin de compte, il se réfugierait dans Granite-House, où, l’ascenseur une fois relevé, il serait en sûreté.

Cyrus Smith, Gédéon Spilett, Harbert et Pencroff devaient se rendre directement au corral, et, s’ils n’y trouvaient point Ayrton, battre le bois dans les environs.

À six heures du matin, l’ingénieur et ses trois compagnons avaient passé le creek glycérine, et Nab se postait derrière un léger épaulement que couronnaient quelques grands dragonniers, sur la rive gauche du ruisseau.

Les colons, après avoir quitté le plateau de Grande-vue, prirent immédiatement la route du corral.

Ils portaient le fusil sur le bras, prêts à faire feu à la moindre démonstration hostile. Les deux carabines et les deux fusils avaient été chargés à balle. De chaque côté de la route, le fourré était épais et pouvait aisément cacher des malfaiteurs, qui, grâce à leurs armes, eussent été véritablement redoutables.

Les colons marchaient rapidement et en silence. Top les précédait, tantôt courant sur la route, tantôt faisant quelque crochet sous bois, mais toujours muet et ne paraissant rien pressentir d’insolite.

Et l’on pouvait compter que le fidèle chien ne se laisserait pas surprendre et qu’il aboierait à la moindre apparence de danger. En même temps que la route, Cyrus Smith et ses compagnons suivaient le fil télégraphique qui reliait le corral et Granite-House. Après avoir marché pendant deux milles environ, ils n’y avaient encore remarqué aucune solution de continuité. Les poteaux étaient en bon état, les isoloirs intacts, le fil régulièrement tendu. Toutefois, à partir de ce point, l’ingénieur observa que cette tension paraissait être moins complète, et enfin, arrivé au poteau n° 74, Harbert, qui tenait les devants, s’arrêta en criant : « le fil est rompu ! »

Ses compagnons pressèrent le pas et arrivèrent à l’endroit où le jeune garçon s’était arrêté.

Là, le poteau renversé se trouvait en travers de la route. La solution de continuité du fil était donc constatée, et il était évident que les dépêches de Granite-House n’avaient pu être reçues au corral, ni celles du corral à Granite-House.

« Ce n’est pas le vent qui a renversé ce poteau, fit observer Pencroff.

– Non, répondit Gédéon Spilett. La terre a été creusée à son pied, et il a été déraciné de main d’homme.

– En outre, le fil est brisé, ajouta Harbert, en montrant les deux bouts du fil de fer, qui avait été violemment rompu.

– La cassure est-elle fraîche ? demanda Cyrus Smith.

– Oui, répondit Harbert, et il y a certainement peu de temps que la rupture a été produite.

– Au corral ! Au corral ! » s’écria le marin.

Les colons se trouvaient alors à mi-chemin de Granite-House et du corral. Il leur restait donc encore deux milles et demi à franchir. Ils prirent le pas de course. En effet, on devait craindre que quelque grave événement ne se fût accompli au corral. Sans doute, Ayrton avait pu envoyer un télégramme qui n’était pas arrivé, et ce n’était pas là la raison qui devait inquiéter ses compagnons, mas, circonstance plus inexplicable, Ayrton, qui avait promis de revenir la veille au soir, n’avait pas reparu. Enfin, ce n’était pas sans motif que toute communication avait été interrompue entre le corral et Granite-House, et quels autres que les convicts avaient intérêt à interrompre cette communication ?

Les colons couraient donc, le cœur serré par l’émotion. Ils s’étaient sincèrement attachés à leur nouveau compagnon. Allaient-ils le trouver frappé de la main même de ceux dont il avait été autrefois le chef ?

Bientôt ils arrivèrent à l’endroit où la route longeait ce petit ruisseau dérivé du creek rouge, qui irriguait les prairies du corral. Ils avaient alors modéré leur pas, afin de ne pas se trouver essoufflés au moment où la lutte allait peut-être devenir nécessaire. Les fusils n’étaient plus au cran de repos, mais armés. Chacun surveillait un côté de la forêt. Top faisait entendre quelques sourds grognements qui n’étaient pas de bon augure. Enfin, l’enceinte palissadée apparut à travers les arbres. On n’y voyait aucune trace de dégâts. La porte en était fermée comme à l’ordinaire. Un silence profond régnait dans le corral. Ni les bêlements accoutumés des mouflons, ni la voix d’Ayrton ne se faisaient entendre.

« Entrons ! » dit Cyrus Smith.

Et l’ingénieur s’avança, pendant que ses compagnons, faisant le guet à vingt pas de lui, étaient prêts à faire feu.

Cyrus Smith leva le loquet intérieur de la porte, et il allait repousser un des battants, quand Top aboya avec violence. Une détonation éclata au-dessus de la palissade, et un cri de douleur lui répondit.

Harbert, frappé d’une balle, gisait à terre !


CHAPITRE VII

Au cri d’Harbert, Pencroff, laissant tomber son arme, s’était élancé vers lui.

« Ils l’ont tué ! s’écria-t-il ! Lui, mon enfant ! Ils l’ont tué ! »

Cyrus Smith, Gédéon Spilett s’étaient précipités vers Harbert. Le reporter écoutait si le cœur du pauvre enfant battait encore.

« Il vit, dit-il. Mais il faut le transporter…

– À Granite-House ? C’est impossible ! répondit l’ingénieur.

– Au corral, alors ! s’écria Pencroff.

– Un instant », dit Cyrus Smith.

Et il s’élança sur la gauche de manière à contourner l’enceinte. Là, il se vit en présence d’un convict qui, l’ajustant, lui traversa le chapeau d’une balle. Quelques secondes après, avant même qu’il eût eu le temps de tirer son second coup, il tombait, frappé au cœur par le poignard de Cyrus Smith, plus sûr encore que son fusil.

Pendant ce temps, Gédéon Spilett et le marin se hissaient aux angles de la palissade, ils en enjambaient le faîte, ils sautaient dans l’enceinte, ils renversaient les étais qui maintenaient la porte intérieurement, ils se précipitaient dans la maison qui était vide, et, bientôt, le pauvre Harbert reposait sur le lit d’Ayrton. Quelques instants après, Cyrus Smith était près de lui.

À voir Harbert inanimé, la douleur du marin fut terrible. Il sanglotait, il pleurait, il voulait se briser la tête contre la muraille. Ni l’ingénieur ni le reporter ne purent le calmer. L’émotion les suffoquait eux-mêmes. Ils ne pouvaient parler.

Toutefois, ils firent tout ce qui dépendait d’eux pour disputer à la mort le pauvre enfant qui agonisait sous leurs yeux. Gédéon Spilett, après tant d’incidents dont sa vie avait été semée, n’était pas sans avoir quelque pratique de médecine courante.

Il savait un peu de tout, et maintes circonstances s’étaient déjà rencontrées dans lesquelles il avait dû soigner des blessures produites soit par une arme blanche, soit par une arme à feu. Aidé de Cyrus Smith, il procéda donc aux soins que réclamait l’état d’Harbert.

Are sens