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- Taisez-vous !

- Elle souffrait de psychose infantile. Elle était sujette à des crises de schizophrénie. Le 30 août 1969, elle a mis le feu à la chambre de sa mère.

- Non ! hurla David Kel ergan. Vous mentez !

- Ce soir-là, vous avez trouvé Nola qui chantait sous le porche. Vous avez fini par comprendre ce qui s’était passé. Et vous l’avez exorcisée. En pensant lui faire du bien. Mais ça a été une catastrophe. Elle s’est mise à être sujette à des épisodes de dédoublement de personnalité pendant lesquels elle essayait de se punir el e-même.

Alors vous avez fui loin de l’Alabama, vous avez traversé le pays en espérant laisser les fantômes derrière vous, mais le fantôme de votre femme vous a poursuivi parce qu’elle existait toujours dans la tête de Nola.

Une larme roula sur sa joue.

- Elle avait parfois des crises, s’étrangla-t-il. Je ne pouvais rien faire. Elle se battait elle-même. Elle était la fil e et la mère. Elle se donnait des coups, puis elle se suppliait elle-même d’arrêter.

- Alors vous mettiez la musique et vous vous enfermiez dans le garage, parce que c’était insupportable.

- Oui ! Oui ! Insupportable ! Mais je ne savais que faire. Ma fil e, ma fil e chérie, el e était tellement malade.

Il se mit à sangloter. Travis le regardait, épouvanté par ce qu’il était en train de découvrir.

- Pourquoi ne pas l’avoir fait soigner ? demanda Gahalowood.

- J’avais peur qu’on me l’enlève. Qu’on l’enferme ! Et puis avec le temps, les crises s’espaçaient. Il me sembla même, durant quelques années, que le souvenir de l’incendie s’estompait et j’ai même été jusqu’à penser que ces épisodes disparaîtraient complètement. C’est allé de mieux en mieux. Jusqu’à l’été 1975. Soudain, sans que je comprenne pourquoi, elle a été de nouveau sujette à des séries de crises violentes.

- À cause de Harry, dit Gahalowood. La rencontre avec Harry a été un trop-plein d’émotions pour elle.

- Ce fut un été épouvantable, dit le père Kel ergan. Je sentais venir les crises. Je pouvais presque les prédire. C’était atroce. Elle s’infligeait des coups de règle sur les doigts et sur les seins. Elle remplissait un bac d’eau et plongeait la tête dedans, en suppliant sa mère d’arrêter. Et sa mère, par sa propre voix, la traitait de tous les noms.

- Ces noyades, c’est ce que vous lui aviez vous-même fait subir ?

- Jeremy Lewis jurait qu’il n’y avait que ça à faire ! On m’avait dit que Lewis se prétendait exorciste, mais nous n’en avions jamais parlé ensemble. Et puis soudain, le voilà qui décrète que le Malin avait pris possession du corps de Nola et qu’il fal ait l’en délivrer. J’ai accepté uniquement pour qu’il ne dénonce pas Nola à la police. Jeremy était complètement fou, mais qu’aurais-je pu faire d’autre ? Je n’avais pas le choix… Ils mettent les enfants en prison dans ce pays !

- Et les fugues ? demanda Gahalowood.

- Il lui est arrivé de fuguer. Une fois, pendant toute une semaine. Je me rappelle, c’était à la toute fin juil et 1975. Que devais-je faire ? Appeler la police ? Pour leur dire quoi ? Que ma fille sombrait dans la folie ? Je m’étais dit que j’attendrais la fin de la semaine avant de donner l’alerte. J’ai passé une semaine à la chercher partout, nuit et jour. Et puis el e est revenue.

- Et le 30 août, que s’est-il passé ?

- Elle a eu une crise très violente. Je ne l’avais jamais vue dans un tel état. J’ai essayé de la calmer, mais rien n’y faisait. Alors je suis allé me terrer dans le garage pour réparer cette maudite moto. J’ai mis la musique le plus fort possible. Je suis resté caché une bonne partie de l’après-midi. La suite, vous la connaissez : lorsque je suis al é la voir, el e n’était plus là. Je suis d’abord sorti faire le tour du quartier, et j’ai entendu dire qu’une fille avait été vue en sang à proximité de Side Creek. J’ai compris que la situation était grave.

- À quoi avez-vous pensé ?

- Pour être honnête, j’ai d’abord pensé que Nola s’était enfuie de la maison et qu’elle portait les stigmates de ce qu’el e venait de se faire subir à el e-même. Je pensais que Deborah Cooper avait peut-être vu Nola en pleine crise. Après tout, c’était le 30 août, la date de l’incendie de notre maison de Jackson.

- Avait-elle déjà eu des épisodes violents à cette même date ?

- Non.

- Alors, qu’est-ce qui aurait pu déclencher une pareil e crise ?

David Kellergan hésita un instant avant de répondre. Travis Dawn comprit qu’il

fallait l’inciter à parler.

- Si tu sais quelque chose, David, tu dois nous le dire. C’est très important. Fais-le pour Nola.

- Lorsque je suis entré dans sa chambre, ce jour-là, et qu’elle n’y était pas, j’ai trouvé une enveloppe décachetée sur son lit. Une enveloppe à son nom. Elle contenait une lettre. Je pense que c’est cette lettre qui a provoqué la crise. C’était une lettre de rupture.

- Une lettre ? Mais tu ne nous as jamais parlé de cette lettre ! s’exclama Travis.

- Parce que c’était une lettre écrite par un homme dont l’écriture indiquait qu’il n’était visiblement pas en âge de vivre une histoire d’amour avec ma fil e. Que voulais-tu ? Que toute la ville pense que Nola était une traînée ? À ce moment-là, j’étais certain que la police la retrouverait et la ramènerait à la maison. Alors je l’aurais fait soigner pour de bon ! Pour de bon !

- Et qui était l’auteur de cette lettre de rupture ? demanda Gahalowood.

- C’était Harry Quebert.

Nous restâmes tous interdits. Le père Kel ergan se leva et disparut un instant avant de revenir avec une boîte en carton pleine de lettres.

- Je les ai retrouvées après sa disparition, cachées dans sa chambre, derrière une latte bancale. Nola entretenait une correspondance avec Harry Quebert.

Gahalowood prit une lettre au hasard et la parcourut rapidement.

- Comment savez-vous que c’était avec Harry Quebert ? interrogea-t-il. Elles ne sont pas signées…

- Parce que… Parce que ce sont les textes qui figurent dans son livre.

Je fouil ai dans le carton : il contenait effectivement la correspondance des Origines du mal, du moins les lettres reçues par Nola. Il y avait tout : les lettres à propos d’eux, les lettres de la clinique de Charlotte’s Hil . Je retrouvais cette écriture limpide et parfaite du manuscrit, j’en étais presque terrifié : tout ceci était bien réel.

- Voici la fameuse dernière lettre, dit le père Kel ergan en tendant une enveloppe à Gahalowood.

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