de ne jamais venir en seconde place.
Que lâhomme redoute la femme, quand elle aime : câest alors quâelle fait tous les sacrifices et toute autre chose lui paraĂźt sans valeur.
Que lâhomme redoute la femme, quand elle hait : car au fond du cĆur lâhomme nâest
que mĂ©chant, mais au fond du cĆur la femme est mauvaise.
Qui la femme hait-elle le plus ? â Ainsi parlait le fer Ă lâaimant : « Je te hais le plus parce que tu attires, mais que tu nâes pas assez fort pour attacher Ă toi. »
Le bonheur de lâhomme est : je veux ; le bonheur de la femme est : il veut.
« Voici, le monde vient dâĂȘtre parfait ! » â ainsi pense toute femme qui obĂ©it dans la plĂ©nitude de son amour.
Et il faut que la femme obĂ©isse et quâelle trouve une profondeur Ă sa surface. LâĂąme de
la femme est surface, une couche dâeau mobile et orageuse sur un bas-fond.
Mais lâĂąme de lâhomme est profonde, son flot mugit dans les cavernes souterraines : la
femme pressent la puissance de lâhomme, mais elle ne la comprend pas. â
Alors la vieille femme me répondit : « Zarathoustra a dit mainte chose gentille, surtout
pour celles qui sont assez jeunes pour les entendre.
Chose Ă©trange, Zarathoustra connaĂźt peu les femmes, et pourtant il dit vrai quand il parle dâelles ! Serait-ce parce que chez les femmes nulle chose nâest impossible ?
Et maintenant, reçois en récompense une petite vérité ! Je suis assez vieille pour te la
dire !
Enveloppe-la bien et clos-lui le bec : autrement elle criera trop fort, cette petite vérité. »
« Donne-moi, femme, ta petite vérité ! » dis-je. Et voici ce que me dit la vieille femme :
« Tu vas chez les femmes ? Nâoublie pas le fouet ! » â
Ainsi parlait Zarathoustra.
La morsure de la vipĂšre
Un jour Zarathoustra sâĂ©tait endormi sous un figuier, car il faisait chaud, et il avait ramenĂ© le bras sur son visage. Mais une vipĂšre le mordit au cou, ce qui fit pousser un cri de douleur Ă Zarathoustra. Lorsquâil eut enlevĂ© le bras de son visage, il regarda le serpent : alors le serpent reconnut les yeux de Zarathoustra, il se tordit maladroitement et voulut sâĂ©loigner. « Non point, dit Zarathoustra, je ne tâai pas encore remerciĂ© ! Tu mâas Ă©veillĂ© Ă temps, ma route est encore longue. » « Ta route est courte encore, dit tristement la vipĂšre ; mon poison tue. » Zarathoustra se prit Ă sourire. « Quand donc un dragon mourut-il du poison dâun serpent ? â dit-il. Mais reprends ton poison ! Tu nâen pas assez riche pour mâen faire hommage. » Alors derechef la vipĂšre sâenroula autour de son cou et elle lĂ©cha
sa blessure.
Un jour, comme Zarathoustra racontait ceci Ă ses disciples, ceux-ci lui demandĂšrent :
« Et quelle est la morale de ton histoire, Î Zarathoustra ? » Zarathoustra leur répondit :
Les bons et les justes mâappellent le destructeur de la morale : mon histoire est immorale.
Mais si vous avez un ennemi, ne lui rendez pas le bien pour le mal ; car il en serait humiliĂ©. DĂ©montrez-lui, au contraire, quâil vous a fait du bien.
Et plutĂŽt que dâhumilier, mettez-vous en colĂšre. Et lorsque lâon vous maudit, il ne me
plaßt pas que vous vouliez bénir. Maudissez plutÎt un peu de votre cÎté !
Et si lâon vous inflige une grande injustice, ajoutez-en vite cinq autres petites. Celui qui nâest opprimĂ© que par lâinjustice est affreux Ă voir.
Saviez-vous dĂ©jĂ cela ? Injustice partagĂ©e est demi-droit. Et celui qui peut porter lâinjustice doit prendre lâinjustice sur lui !
Il est plus humain de se venger un peu que de sâabstenir de la vengeance. Et si la punition nâest pas aussi un droit et un honneur accordĂ©s au transgresseur, je ne veux pas de votre punition.
Il est plus noble de se donner tort que de garder raison, surtout quand on a raison.
Seulement il faut ĂȘtre assez riche pour cela.
Je nâaime pas votre froide justice ; dans les yeux de vos juges passe toujours le regard
du bourreau et son couperet glacé.
Dites-moi donc oĂč se trouve la justice qui est lâamour avec des yeux clairvoyants.
Inventez-moi donc lâamour qui porte non seulement toutes les punitions, mais aussi toutes les fautes !
Inventez-moi donc la justice qui acquitte chacun sauf celui qui juge !
Voulez-vous que je vous dise encore cela ? Chez celui qui veut ĂȘtre juste au fond de lâĂąme, le mensonge mĂȘme devient philanthropie.
Mais comment saurais-je ĂȘtre juste au fond de lâĂąme ? Comment pourrais-je donner Ă chacun le sien ? Que ceci me suffise : je donne Ă chacun le mien.
Enfin, mes frĂšres, gardez-vous dâĂȘtre injustes envers les solitaires. Comment un solitaire pourrait-il oublier ? Comment pourrait-il rendre ?
Un solitaire est comme un puits profond. Il est facile dây jeter une pierre ; mais si elle
est tombĂ©e jusquâau fond, dites-moi donc, qui voudra la chercher ?
Gardez-vous dâoffenser le solitaire. Mais si vous lâavez offensĂ©, eh bien ! tuez-le aussi !
Ainsi parlait Zarathoustra.
De lâenfant et du mariage
Jâai une question pour toi seul, mon frĂšre. Je jette cette question comme une sonde dans
ton Ăąme, afin de connaĂźtre sa profondeur.
Tu es jeune et tu désires femme et enfant. Mais je te demande : es-tu un homme qui ait