"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » 💚💚,,Madame Bovary'' - Gustave Flaubert

Add to favorite 💚💚,,Madame Bovary'' - Gustave Flaubert

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

– Moi, dit-il, j’ai eu des affaires. J’ai Ă©tĂ© malade.

– Gravement ? s’écria-t-elle.

– Eh bien ! fit Rodolphe en s’asseyant Ă  ses cĂŽtĂ©s sur un tabouret, non !... C’est que je n’ai pas voulu revenir.

– Pourquoi ?

– Vous ne devinez pas ?

Il la regarda encore une fois, mais d’une façon si violente qu’elle baissa la tĂȘte en rougissant. Il reprit :

– Emma...

– Monsieur ! fit-elle en s’écartant un peu.

– Ah ! vous voyez bien, rĂ©pliqua-t-il d’une voix mĂ©lancolique, que j’avais raison de vouloir ne pas revenir ; car ce nom, ce nom qui remplit mon Ăąme et qui m’est Ă©chappĂ©, vous me l’interdisez ! Madame Bovary !... Eh ! tout le 319

monde vous appelle comme cela !... Ce n’est pas votre nom, d’ailleurs ; c’est le nom d’un autre !

Il répéta :

– D’un autre !

Et il se cacha la figure entre les mains.

– Oui, je pense à vous continuellement !...

Votre souvenir me dĂ©sespĂšre ! Ah ! pardon !... Je vous quitte... Adieu !... J’irai loin... si loin, que vous n’entendrez plus parler de moi !... Et cependant... aujourd’hui... je ne sais quelle force encore m’a poussĂ© vers vous ! Car on ne lutte pas contre le ciel, on ne rĂ©siste point au sourire des anges ! on se laisse entraĂźner par ce qui est beau, charmant, adorable !

C’était la premiĂšre fois qu’Emma s’entendait dire ces choses ; et son orgueil, comme quelqu’un qui se dĂ©lasse dans une Ă©tuve, s’étirait mollement et tout entier Ă  la chaleur de ce langage.

– Mais si je ne suis pas venu, continua-t-il, si je n’ai pu vous voir, ah ! du moins j’ai bien contemplĂ© ce qui vous entoure. La nuit, toutes les nuits, je me relevais, j’arrivais jusqu’ici, je 320

regardais votre maison, le toit qui brillait sous la lune, les arbres du jardin qui se balançaient Ă  votre fenĂȘtre, et une petite lampe, une lueur, qui brillait Ă  travers les carreaux, dans l’ombre. Ah !

vous ne saviez guĂšre qu’il y avait lĂ , si prĂšs et si loin, un pauvre misĂ©rable...

Elle se tourna vers lui avec un sanglot.

– Oh ! vous ĂȘtes bon ! dit-elle.

– Non, je vous aime, voilà tout ! Vous n’en

doutez pas ! Dites-le-moi ; un mot ! un seul mot !

Et Rodolphe, insensiblement, se laissa glisser du tabouret jusqu’à terre ; mais on entendit un bruit de sabots dans la cuisine, et la porte de la salle, il s’en aperçut, n’était pas fermĂ©e.

– Que vous seriez charitable, poursuivit-il en se relevant, de satisfaire une fantaisie !

C’était de visiter sa maison ; il dĂ©sirait la connaĂźtre ; et, madame Bovary n’y voyant point d’inconvĂ©nient, ils se levaient tous les deux, quand Charles entra.

– Bonjour, docteur, lui dit Rodolphe.

Le médecin, flatté de ce titre inattendu, se 321

rĂ©pandit en obsĂ©quiositĂ©s, et l’autre en profita pour se remettre un peu.

– Madame m’entretenait, fit-il donc, de sa santĂ©...

Charles l’interrompit : il avait mille inquiĂ©tudes, en effet ; les oppressions de sa femme recommençaient. Alors Rodolphe

demanda si l’exercice du cheval ne serait pas bon.

– Certes ! excellent, parfait !... VoilĂ  une idĂ©e ! Tu devrais la suivre.

Et, comme elle objectait qu’elle n’avait point de cheval, M. Rodolphe en offrit un ; elle refusa ses offres ; il n’insista pas ; puis, afin de motiver sa visite, il conta que son charretier, l’homme Ă  la saignĂ©e, Ă©prouvait toujours des Ă©tourdissements.

– J’y passerai, dit Bovary.

– Non, non, je vous l’enverrai ; nous viendrons, ce sera plus commode pour vous.

– Ah ! fort bien. Je vous remercie.

Et, dùs qu’ils furent seuls :

322

– Pourquoi n’acceptes-tu pas les propositions de M. Boulanger, qui sont si gracieuses ?

Elle prit un air boudeur, chercha mille excuses, et dĂ©clara finalement que cela peut-ĂȘtre semblerait drĂŽle.

– Ah ! je m’en moque pas mal ! dit Charles en faisant une pirouette. La santĂ© avant tout ! Tu as tort !

– Et comment veux-tu que je monte à cheval,

puisque je n’ai pas d’amazone ?

– Il faut t’en commander une ! rĂ©pondit-il.

L’amazone la dĂ©cida.

Quand le costume fut prĂȘt, Charles Ă©crivit Ă  M. Boulanger que sa femme Ă©tait Ă  sa disposition, et qu’ils comptaient sur sa complaisance.

Le lendemain, Ă  midi, Rodolphe arriva devant la porte de Charles avec deux chevaux de maĂźtre.

L’un portait des pompons roses aux oreilles et une selle de femme en peau de daim.

Rodolphe avait mis de longues bottes molles, se disant que sans doute elle n’en avait jamais vu de pareilles ; en effet, Emma fut charmĂ©e de sa 323

Are sens