"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » "Les Fleurs du mal" de Charles Baudelaire

Add to favorite "Les Fleurs du mal" de Charles Baudelaire

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

Un cadavre sans tête épanche, comme un fleuve, Sur l'oreiller désaltéré

Un sang rouge et vivant, dont la toile s'abreuve Avec l'avidité d'un pré.

Semblable aux visions pâles qu'enfante l'ombre Et qui nous enchaînent les yeux,

La tête, avec l'amas de sa crinière sombre Et de ses bijoux précieux,

Sur la table de nuit, comme une renoncule, Repose; et, vide de pensers,

Un regard vague et blanc comme le crépuscule S'échappe des yeux révulsés.

Sur le lit, le tronc nu sans scrupules étale Dans le plus complet abandon

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 88 / 106

La secrète splendeur et la beauté fatale Dont la nature lui fit don;

Un bas rosâtre, orné de coins d'or, à la jambe, Comme un souvenir est resté;

La jarretière, ainsi qu'un œil secret qui flambe, Darde un regard diamanté.

Le singulier aspect de cette solitude Et d'un grand portrait langoureux,

Aux yeux provocateurs comme son attitude, Révèle un amour ténébreux,

Une coupable joie et des fêtes étranges Pleines de baisers infernaux,

Dont se réjouissait l'essaim des mauvais anges Nageant dans les plis des rideaux;

Et cependant, à voir la maigreur élégante De l'épaule au contour heurté,

La hanche un peu pointue et la taille fringante Ainsi qu'un reptile irrité,

Elle est bien jeune encor! - Son âme exaspérée Et ses sens par l'ennui mordus

S'étaient-ils entr'ouverts à la meute altérée Des désirs errants et perdus?

L'homme vindicatif que tu n'as pu, vivante, Malgré tant d'amour, assouvir,

Combla-t-il sur ta chair inerte et complaisante L'immensité de son désir?

Réponds, cadavre impur! et par tes tresses roides Te soulevant d'un bras fiévreux,

Dis-moi, tête effrayante, a-t-il sur tes dents froides Collé les suprêmes adieux?

- Loin du monde railleur, loin de la foule impure, Loin des magistrats curieux,

Dors en paix, dors en paix, étrange créature, Dans ton tombeau mystérieux;

Ton époux court le monde, et ta forme immortelle Veille près de lui quand il dort;

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 89 / 106

Autant que toi sans doute il te sera fidèle, Et constant jusques à la mort.

CXI Femmes damnées

Comme un bétail pensif sur le sable couchées, Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers, Et leurs pieds se cherchent et leurs mains rapprochées Ont de douces langueurs et des frissons amers.

Les unes, cœurs épris des longues confidences, Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux, Vont épelant l'amour des craintives enfances Et creusent le bois vert des jeunes arbrisseaux; D'autres, comme des sœurs, marchent lentes et graves A travers les rochers pleins d'apparitions, Où saint Antoine a vu surgir comme des laves Les seins nus et pourprés de ses tentations; Il en est, aux lueurs des résines croulantes, Qui dans le creux muet des vieux antres païens T'appellent au secours de leurs fièvres hurlantes, O Bacchus, endormeur des remords anciens!

Et d'autres, dont la gorge aime les scapulaires, Qui, recélant un fouet sous leurs longs vêtements, Mêlent, dans le bois sombre et les nuits solitaires, L'écume du plaisir aux larmes des tourments.

O vierges, ô démons, ô monstres, ô martyres, De la réalité grands esprits contempteurs, Chercheuses d'infini dévotes et satyres, Tantôt pleines de cris, tantôt pleines de pleurs, Vous que dans votre enfer mon âme a poursuivies, Pauvres sœurs, je vous aime autant que je vous plains, Pour vos mornes douleurs, vos soifs inassouvies, Et les urnes d'amour dont vos grands cœurs sont pleins.

CXII Les Deux Bonnes Soeurs

La Débauche et la Mort sont deux aimables filles,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 90 / 106

Prodigues de baisers et riches de santé, Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles Sous l'éternel labeur n'a jamais enfanté.

Au poète sinistre, ennemi des familles, Favori de l'enfer, courtisan mal renté, Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles Un lit que le remords n'a jamais fréquenté.

Et la bière et l'alcôve en blasphèmes fécondes Nous offrent tour à tour, comme deux bonnes sœurs, De terribles plaisirs et d'affreuses douceurs.

Quand veux-tu m'enterrer, Débauche aux bras immondes?

Are sens

Copyright 2023-2059 MsgBrains.Com