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Tout homme d’esprit qu’il Ă©tait, Louis XVIII aimait la plaisanterie facile.

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« Sire, dit M. de Blacas, ne fĂ»t-ce que pour rassurer un fidĂšle serviteur, Votre MajestĂ© ne pourrait-elle pas envoyer dans le Languedoc, dans la Provence et dans le DauphinĂ© des hommes sĂ»rs qui lui feraient un rapport sur l’esprit de ces trois provinces ?

– Conimus surdis, rĂ©pondit le roi, tout en continuant d’annoter son Horace.

– Sire, rĂ©pondit le courtisan en riant, pour avoir l’air de comprendre l’hĂ©mistiche du poĂšte de VĂ©nouse, Votre MajestĂ© peut avoir parfaitement raison en comptant sur le bon esprit de la France ; mais je crois ne pas avoir tout Ă  fait tort en craignant quelque tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e.

– De la part de qui ?

– De la part de Bonaparte, ou du moins de son parti.

– Mon cher Blacas, dit le roi, vous m’empĂȘchez de travailler avec vos terreurs.

– Et moi, Sire, vous m’empĂȘchez de dormir avec votre sĂ©curitĂ©.

– Attendez, mon cher, attendez, je tiens une 211

note trÚs heureuse sur le Pastor quum traheret ; attendez, et vous continuerez aprÚs. »

Il se fit un instant de silence, pendant lequel Louis XVIII inscrivit, d’une Ă©criture qu’il faisait aussi menue que possible, une nouvelle note en marge de son Horace ; puis, cette note inscrite :

« Continuez, mon cher duc, dit-il en se relevant de l’air satisfait d’un homme qui croit avoir eu une idĂ©e lorsqu’il a commencĂ© l’idĂ©e d’un autre. Continuez, je vous Ă©coute.

– Sire, dit Blacas, qui avait eu un instant l’espoir de confisquer Villefort Ă  son profit, je suis forcĂ© de vous dire que ce ne sont point de simples bruits dĂ©nuĂ©s de tout fondement, de simples nouvelles en l’air, qui m’inquiĂštent. C’est un homme bien-pensant mĂ©ritant toute ma confiance, et chargĂ© par moi de surveiller le Midi (le duc hĂ©sita en prononçant ces mots), qui arrive en poste pour me dire : Un grand pĂ©ril menace le roi. Alors, je suis accouru, Sire.

– Mala ducis avi domum, continua Louis XVIII en annotant.

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– Votre MajestĂ© m’ordonne-t-elle de ne plus insister sur ce sujet ?

– Non, mon cher duc, mais allongez la main.

– Laquelle ?

– Celle que vous voudrez, là-bas, à gauche.

– Ici, Sire ?

– Je vous dis Ă  gauche et vous cherchez Ă  droite ; c’est Ă  ma gauche que je veux dire : lĂ  ; vous y ĂȘtes ; vous devez trouver le rapport du ministre de la Police en date d’hier... Mais, tenez, voici M. DandrĂ© lui-mĂȘme... n’est-ce pas, vous dites M. DandrĂ© ? interrompit Louis XVIII, s’adressant Ă  l’huissier qui venait en effet d’annoncer le ministre de la Police.

– Oui, Sire, M. le baron DandrĂ©, reprit l’huissier.

– C’est juste, baron, reprit Louis XVIII avec un imperceptible sourire ; entrez, baron, et racontez au duc ce que vous savez de plus rĂ©cent sur M. de Bonaparte. Ne nous dissimulez rien de la situation, quelque grave qu’elle soit. Voyons, l’üle d’Elbe est-elle un volcan, et allons-nous en 213

voir sortir la guerre flamboyante et toute hérissée : belle, horrida bella ? »

M. DandrĂ© se balança fort gracieusement sur le dos d’un fauteuil auquel il appuyait ses deux mains et dit :

« Votre MajestĂ© a-t-elle bien voulu consulter le rapport d’hier ?

– Oui, oui ; mais dites au duc lui-mĂȘme, qui ne peut le trouver, ce que contenait le rapport ; dĂ©taillez-lui ce que fait l’usurpateur dans son Ăźle.

– Monsieur, dit le baron au duc, tous les serviteurs de Sa MajestĂ© doivent s’applaudir des nouvelles rĂ©centes qui nous parviennent de l’üle d’Elbe. Bonaparte... »

M. DandrĂ© regarda Louis XVIII qui, occupĂ© Ă  Ă©crire une note, ne leva pas mĂȘme la tĂȘte.

« Bonaparte, continua le baron, s’ennuie mortellement ; il passe des journĂ©es entiĂšres Ă  regarder travailler ses mineurs de Porto-Longone.

– Et il se gratte pour se distraire, dit le roi.

– Il se gratte ? demanda le duc ; que veut dire votre MajestĂ© ?

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– Eh oui, mon cher duc ; oubliez-vous donc que ce grand homme, ce hĂ©ros, ce demi-dieu est atteint d’une maladie de peau qui le dĂ©vore, prurigo ?

– Il y a plus, monsieur le duc, continua le ministre de la Police, nous sommes Ă  peu prĂšs sĂ»rs que dans peu de temps l’usurpateur sera fou.

– Fou ?

– Fou Ă  lier : sa tĂȘte s’affaiblit, tantĂŽt il pleure des larmes, tantĂŽt il rit Ă  gorge dĂ©ployĂ©e ; d’autres fois, il passe des heures sur le rivage Ă  jeter des cailloux dans l’eau, et lorsque le caillou a fait cinq ou six ricochets, il paraĂźt aussi satisfait que s’il avait gagnĂ© un autre Marengo ou un nouvel Austerlitz. VoilĂ , vous en conviendrez, des signes de folie.

– Ou de sagesse, monsieur le baron, ou de sagesse, dit Louis XVIII en riant : c’était en jetant des cailloux Ă  la mer que se rĂ©crĂ©aient les grands capitaines de l’AntiquitĂ© ; voyez Plutarque, Ă  la vie de Scipion l’Africain. »

M. de Blacas demeura rĂȘveur entre ces deux 215

Are sens

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