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Cependant, Ă  peine le pouvoir impĂ©rial fut-il rĂ©tabli, c’est-Ă -dire Ă  peine l’empereur habita-t-il ces Tuileries que Louis XVIII venait de quitter, et eut-il lancĂ© ses ordres nombreux et divergents de ce petit cabinet oĂč nous avons, Ă  la suite de 266

Villefort, introduit nos lecteurs, et sur la table de noyer duquel il retrouva, encore tout ouverte et Ă  moitiĂ© pleine, la tabatiĂšre de Louis XVIII, que Marseille, malgrĂ© l’attitude de ses magistrats, commença Ă  sentir fermenter en elle ces brandons de guerre civile toujours mal Ă©teints dans le Midi ; peu s’en fallut alors que les reprĂ©sailles n’allassent au-delĂ  de quelques charivaris dont on assiĂ©gea les royalistes enfermĂ©s chez eux, et des affronts publics dont on poursuivit ceux qui se hasardaient Ă  sortir.

Par un revirement tout naturel, le digne armateur, que nous avons dĂ©signĂ© comme appartenant au parti populaire, se trouva Ă  son tour en ce moment, nous ne dirons pas tout-puissant, car M. Morrel Ă©tait un homme prudent et lĂ©gĂšrement timide, comme tous ceux qui ont fait une lente et laborieuse fortune commerciale, mais en mesure, tout dĂ©passĂ© qu’il Ă©tait par les zĂ©lĂ©s bonapartistes qui le traitaient de modĂ©rĂ©, en mesure, dis-je, d’élever la voix pour faire entendre une rĂ©clamation ; cette rĂ©clamation, comme on le devine facilement, avait trait Ă  DantĂšs.

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Villefort Ă©tait demeurĂ© debout, malgrĂ© la chute de son supĂ©rieur, et son mariage, en restant dĂ©cidĂ©, Ă©tait cependant remis Ă  des temps plus heureux. Si l’empereur gardait le trĂŽne, c’était une autre alliance qu’il fallait Ă  GĂ©rard, et son pĂšre se chargerait de la lui trouver ; si une seconde Restauration ramenait Louis XVIII en France, l’influence de M. de Saint-MĂ©ran doublait, ainsi que la sienne, et l’union redevenait plus sortable que jamais.

Le substitut du procureur du roi Ă©tait donc momentanĂ©ment le premier magistrat de Marseille, lorsqu’un matin sa porte s’ouvrit, et on lui annonça M. Morrel.

Un autre se fĂ»t empressĂ© d’aller au-devant de l’armateur, et, par cet empressement, eĂ»t indiquĂ© sa faiblesse ; mais Villefort Ă©tait un homme supĂ©rieur qui avait, sinon la pratique, du moins l’instinct de toutes choses. Il fit faire antichambre Ă  Morrel, comme il eĂ»t fait sous la Restauration, quoiqu’il n’eĂ»t personne prĂšs de lui, mais par la simple raison qu’il est d’habitude qu’un substitut du procureur du roi fasse faire antichambre ; puis, 268

aprĂšs un quart d’heure qu’il employa Ă  lire deux ou trois journaux de nuances diffĂ©rentes, il ordonna que l’armateur fĂ»t introduit.

M. Morrel s’attendait Ă  trouver Villefort abattu : il le trouva comme il l’avait vu six semaines auparavant, c’est-Ă -dire calme, ferme et plein de cette froide politesse, la plus infranchissable de toutes les barriĂšres qui sĂ©parent l’homme Ă©levĂ© de l’homme vulgaire.

Il avait pĂ©nĂ©trĂ© dans le cabinet de Villefort, convaincu que le magistrat allait trembler Ă  sa vue, et c’était lui, tout au contraire, qui se trouvait tout frissonnant et tout Ă©mu devant ce personnage interrogateur, qui l’attendait le coude appuyĂ© sur son bureau.

Il s’arrĂȘta Ă  la porte. Villefort le regarda, comme s’il avait quelque peine Ă  le reconnaĂźtre.

Enfin, aprùs quelques secondes d’examen et de silence, pendant lesquelles le digne armateur tournait et retournait son chapeau entre ses mains :

« Monsieur Morrel, je crois ? dit Villefort.

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– Oui, monsieur, moi-mĂȘme, rĂ©pondit l’armateur.

– Approchez-vous donc, continua le magistrat, en faisant de la main un signe protecteur, et dites-moi à quelle circonstance je dois l’honneur de votre visite.

– Ne vous en doutez-vous point, monsieur ?

demanda Morrel.

– Non, pas le moins du monde ; ce qui n’empĂȘche pas que je ne sois tout disposĂ© Ă  vous ĂȘtre agrĂ©able, si la chose Ă©tait en mon pouvoir.

– La chose dĂ©pend entiĂšrement de vous, monsieur, dit Morrel.

– Expliquez-vous donc, alors.

– Monsieur, continua l’armateur, reprenant son assurance Ă  mesure qu’il parlait, et affermi d’ailleurs par la justice de sa cause et la nettetĂ© de sa position, vous vous rappelez que, quelques jours avant qu’on apprit le dĂ©barquement de Sa MajestĂ© l’empereur, j’étais venu rĂ©clamer votre indulgence pour un malheureux jeune homme, un marin, second Ă  bord de mon brick ; il Ă©tait 270

accusĂ©, si vous vous le rappelez, de relations avec l’üle d’Elbe : ces relations, qui Ă©taient un crime Ă  cette Ă©poque, sont aujourd’hui des titres de faveur. Vous serviez Louis XVIII alors, et ne l’avez pas mĂ©nagĂ©, monsieur ; c’était votre devoir. Aujourd’hui, vous servez NapolĂ©on, et vous devez le protĂ©ger ; c’est votre devoir encore.

Je viens donc vous demander ce qu’il est devenu. »

Villefort fit un violent effort sur lui mĂȘme.

« Le nom de cet homme ? demanda-t-il : ayez la bonté de me dire son nom.

– Edmond DantĂšs. »

Évidemment, Villefort eĂ»t autant aimĂ©, dans un duel, essuyer le feu de son adversaire Ă  vingt-cinq pas, que d’entendre prononcer ainsi ce nom Ă  bout portant ; cependant il ne sourcilla point.

« De cette façon, se dit en lui-mĂȘme Villefort, on ne pourra point m’accuser d’avoir fait de l’arrestation de ce jeune homme une question purement personnelle. »

« DantÚs ? répéta-t-il, Edmond DantÚs, dites-271

vous ?

– Oui, monsieur. »

Villefort ouvrit alors un gros registre placĂ© dans un casier voisin, recourut Ă  une table, de la table passa Ă  des dossiers, et, se retournant vers l’armateur :

« Êtes-vous bien sĂ»r de ne pas vous tromper, monsieur ? » lui dit-il de l’air le plus naturel.

Si Morrel eĂ»t Ă©tĂ© un homme plus fin ou mieux Ă©clairĂ© sur cette affaire, il eĂ»t trouvĂ© bizarre que le substitut du procureur du roi daignĂąt lui rĂ©pondre sur ces matiĂšres complĂštement Ă©trangĂšres Ă  son ressort ; et il se fĂ»t demandĂ© pourquoi Villefort ne le renvoyait point aux registres d’écrou, aux gouverneurs de prison, au prĂ©fet du dĂ©partement. Mais Morrel, cherchant en vain la crainte dans Villefort, n’y vit plus, du moment oĂč toute crainte paraissait absente, que la condescendance : Villefort avait rencontrĂ© juste.

« Non, monsieur, dit Morrel, je ne me trompe pas ; d’ailleurs, je connais le pauvre garçon depuis dix ans, et il est Ă  mon service depuis 272

quatre. Je vins, vous en souvenez-vous ? il y a six semaines, vous prier d’ĂȘtre clĂ©ment, comme je viens aujourd’hui vous prier d’ĂȘtre juste pour le pauvre garçon ; vous me reçûtes mĂȘme assez mal et me rĂ©pondĂźtes en homme mĂ©content. Ah ! c’est que les royalistes Ă©taient durs aux bonapartistes en ce temps-lĂ  !

– Monsieur, rĂ©pondit Villefort arrivant Ă  la parade avec sa prestesse et son sang-froid ordinaires, j’étais royaliste alors que je croyais les Bourbons non seulement les hĂ©ritiers lĂ©gitimes du trĂŽne, mais encore les Ă©lus de la nation ; mais le retour miraculeux dont nous venons d’ĂȘtre tĂ©moins m’a prouvĂ© que je me trompais. Le gĂ©nie de NapolĂ©on a vaincu : le monarque lĂ©gitime est le monarque aimĂ©.

– À la bonne heure ! s’écria Morrel avec sa bonne grosse franchise, vous me faites plaisir de me parler ainsi, et j’en augure bien pour le sort d’Edmond.

– Attendez donc, reprit Villefort en feuilletant un nouveau registre, j’y suis : c’est un marin, n’est-ce pas, qui Ă©pousait une Catalane ? Oui, 273

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