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- Vous n’êtes pas… ?

- Si, c’est lui, répondit Gahalowood, agacé.

- Alors… Que puis-je pour vous, Messieurs ?

Gahalowood débuta l’interrogatoire.

- Pasteur Lewis, si je ne me trompe pas, vous avez connu Nola Kel ergan.

- Oui. À vrai dire, j’ai surtout bien connu ses parents. Des gens charmants. Très proches de notre communauté.

- Qu’est-ce que « votre communauté » ?

- Nous sommes un courant pentecôtiste, sergent. Rien de plus. Nous avons des idéaux chrétiens et nous les partageons. Oui, je sais, certains disent que nous sommes une secte. Nous recevons la visite des services sociaux deux fois par an pour voir si les enfants sont scolarisés, correctement nourris ou maltraités. Ils viennent voir aussi si nous avons des armes ou si nous sommes des suprématistes blancs. Ça en devient ridicule. Nos enfants vont tous au lycée municipal, je n’ai jamais tenu une carabine de ma vie et je participe activement à la campagne électorale de Barack Obama dans notre comté. Que voulez-vous savoir, au juste ?

- Ce qui s’est passé en 1969, dis-je.

- Apollo 11 se pose sur la lune, répondit Lewis. Victoire majeure de l’Amérique sur l’ennemi soviétique.

- Vous savez très bien de quoi je parle. L’incendie chez les Kellergan. Que s’est-il réellement passé ? Qu’est-il arrivé à Louisa Kellergan ?

Alors que je n’avais pas prononcé le moindre mot, Lewis me dévisagea longuement et s’adressa à moi.

- Je vous ai beaucoup vu à la télévision ces derniers temps, Monsieur Goldman.

Je pense que vous êtes un bon écrivain, mais comment ne vous êtes-vous pas renseigné au sujet de Louisa ? Car j’imagine que c’est la raison pour laquel e vous êtes ici, hein ? Votre livre ne tient pas la route et, pour utiliser des termes très terre à terre, j’imagine que c’est la panique à bord. Est-ce correct ? Que venez-vous chercher ici ? La justification de vos mensonges ?

- La vérité, dis-je.

Il sourit tristement.

- La vérité ? Mais laquelle, Monsieur Goldman ? Celle de Dieu ou celle des hommes ?

- La vôtre. Quel e est votre vérité sur la mort de Louisa Kellergan ? David Kel ergan a-t-il tué sa femme ?

Le pasteur Lewis se leva du fauteuil dans lequel il était assis et alla fermer la porte de son bureau, qui était restée entrouverte. Il se posta ensuite devant la fenêtre et scruta l’extérieur. Cette scène me rappela immédiatement notre visite au Chef Pratt.

Gahalowood me fit un signe pour me dire qu’il prenait le relais.

- David était un homme si bon, finit par souffler Lewis.

- Était ? releva Gahalowood.

- Il y a trente-neuf ans que je ne l’ai pas vu.

- Battait-il sa fille ?

- Non ! Non. C’était un homme au cœur pur. Un homme de foi. Quand il a débarqué à Mt Pleasant, les travées étaient désertes. Six mois plus tard, il faisait salle comble le dimanche matin. Il n’aurait jamais pu faire le moindre mal à sa femme, ni à sa fille.

- Alors qui étaient-ils ? demanda doucement Gahalowood. Qui étaient les Kel ergan ?

Le pasteur Lewis appela sa femme. Il demanda du thé au miel pour tout le monde. Il retourna s’asseoir dans son fauteuil et nous regarda tour à tour. Il avait le regard tendre et la voix chaude. Il nous dit :

- Fermez les yeux, Messieurs. Fermez-les yeux. À présent, nous sommes à Jackson, Alabama, année 1953.

Jackson, Alabama, janvier 1953

C’était une histoire comme l’Amérique les aime. Un jour du début de l’année 1953, un jeune pasteur venu de Montgomery entra dans le bâtiment délabré du temple de Mt Pleasant, au centre de Jackson. C’était un jour de tempête : des rideaux d’eau tombaient du ciel, les rues étaient balayées par des bourrasques d’une rare violence. Les arbres se balançaient, des journaux arrachés au crieur réfugié sous le

store d’une devanture volaient dans les airs, tandis que les passants couraient d’abri en abri pour progresser à travers l’intempérie.

Le pasteur poussa la porte du temple, qui claqua sous l’effet du vent : l’intérieur était sombre, il faisait glacial. Il avança lentement le long des travées. La pluie s’infiltrait par le toit percé, formant des flaques éparses au sol. L’endroit était désert, il n’y avait pas le moindre fidèle et peu de signes d’occupation. À la place des cierges, il ne restait que quelques cadavres de cire. Il avança vers l’autel, puis avisant la chaire, il posa le pied sur la première marche de l’escalier en bois pour y monter.

- Ne faites pas ça !

La voix qui venait de jaillir du néant le fit sursauter. Il se retourna et vit alors un petit homme rond sortir de l’obscurité.

- Ne faites pas ça, répéta-t-il. Les escaliers sont vermoulus, vous risqueriez de vous rompre le cou. Vous êtes le révérend Kellergan ?

- Oui, répondit David, mal à l’aise.

- Bienvenue dans votre nouvelle paroisse, révérend. Je suis le pasteur Jeremy Lewis, je dirige la Communauté de la Nouvelle Église du Sauveur. Au départ de votre prédécesseur, on m’a demandé de veiller sur cette congrégation. Maintenant, el e est vôtre.

Les deux hommes échangèrent une poignée de main chaleureuse. David Kel ergan grelottait.

- Vous tremblez ? constata Lewis. Mais vous êtes mort de froid ! Venez, il y a un café à l’angle de la rue. Allons prendre un bon grog et nous parlerons.

C’est ainsi que Jeremy Lewis et David Kellergan firent connaissance. Installés dans le café proche, ils laissèrent passer la tempête.

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