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- On m’avait dit que Mt Pleasant n’allait pas bien, sourit David Kel ergan, un peu décontenancé, mais je dois dire que je ne m’attendais pas à ça.

- Oui. Je ne vous cache pas que vous vous apprêtez à prendre les commandes d’une paroisse en piteux état. Les paroissiens ne viennent plus, ils ne font plus de dons.

Le bâtiment est en ruine. Il y a du boulot. J’espère que ça ne vous effraie pas.

- Vous verrez, révérend Lewis, il en faut plus pour m’effrayer.

Lewis avait souri. Il était déjà séduit par la forte personnalité et le charisme de son jeune interlocuteur.

- Êtes-vous marié ? lui demanda-t-il.

- Non, révérend Lewis. Encore célibataire.

Le nouveau pasteur Kel ergan passa six mois à faire le tour de chaque maisonnée de la paroisse pour se présenter aux fidèles et les convaincre de retourner sur les bancs de Mt Pleasant le dimanche. Puis il leva des fonds pour refaire le toit du temple et, comme il n’avait pas servi en Corée, il participa à l’effort de guerre en mettant sur pied un programme de réinsertion pour les vétérans. Certains se portèrent volontaires ensuite pour participer à la réfection de la salle paroissiale attenante. Peu à peu, la vie communautaire reprit, le temple de Mt Pleasant retrouva de sa splendeur et rapidement, David Kellergan fut considéré comme l’étoile montante de Jackson. Des notables, membres de la paroisse, le voyaient en politique. On disait qu’il pourrait décrocher la municipalité. Peut-être viser ensuite un mandat fédéral. Sénateur, qui sait.

Il en avait le potentiel.

Un soir de la fin de l’année 1953, David Kel ergan al a dîner dans un petit restaurant proche du temple. Il s’installa au comptoir, comme il le faisait souvent. À côté de lui, une jeune femme qu’il n’avait pas remarquée se retourna soudain et, le reconnaissant, lui sourit.

- Bonjour, révérend, dit-el e.

Il sourit en retour, un peu emprunté.

- Excusez-moi, Mademoiselle, mais est-ce qu’on se connaît ?

Elle éclata de rire et fit jouer ses boucles blondes.

- Je suis membre de votre paroisse. Je m’appelle Louisa. Louisa Bonneville.

Confus de ne pas la reconnaître, il rougit, et elle en rit de plus bel e. Il al uma une cigarette pour se donner un peu de contenance.

- Je peux en avoir une ? demanda-t-elle.

Il lui tendit son paquet.

- Vous ne direz pas que je fume, hein, révérend ? dit Louisa.

Il sourit.

- C’est promis.

Louisa était la fille d’un notable de la paroisse. David et elle commencèrent à se fréquenter. Ils tombèrent bientôt amoureux. Tout le monde disait qu’ils formaient un couple superbe et épanoui. Ils se marièrent au cours de l’été 1955. Ils respiraient le bonheur. Ils voulaient beaucoup d’enfants, ils en voulaient au moins six, trois garçons et trois filles, des enfants gais et rieurs qui feraient vivre la maison de Lower Street dans laquel e le jeune couple Kel ergan venait d’emménager. Mais Louisa ne parvenait pas à tomber enceinte. Elle consulta plusieurs spécialistes, d’abord sans succès. Finalement, l’été 1959, son médecin lui annonça la bonne nouvelle : elle était enceinte.

Le 12 avril 1960, à l’hôpital général de Jackson, Louisa Kel ergan donna naissance à son premier et unique enfant.

- C’est une fil e, annonça le médecin à David Kellergan, qui faisait les cent pas dans le couloir.

- Une fille ! s’exclama le révérend Kel ergan, irradiant de bonheur.

Il s’empressa de rejoindre sa femme qui tenait le nouveau-né contre el e. Il l’enlaça et regarda le bébé aux yeux encore clos. On lui devinait déjà des cheveux blonds, comme sa mère.

- Si nous l’appelions Nola ? proposa Louisa.

Le révérend trouva que c’était un très joli prénom et il acquiesça.

- Bienvenue, Nola, dit-il à sa fille.

Durant les années qui suivirent, la famille Kellergan fut citée en exemple en toutes occasions. La bonté du père, la douceur de la mère et leur fille merveil euse.

David Kellergan ne s’économisait pas : il fourmil ait d’idées et de projets, toujours soutenu par sa femme. Les dimanches d’été, ils al aient régulièrement pique-niquer à la Communauté de la Nouvelle Église du Sauveur, par amitié pour le pasteur Jeremy Lewis, avec qui David Kel ergan avait gardé des liens étroits depuis leur rencontre, presque dix ans plus tôt, par un jour de tempête. Les gens qui les fréquentèrent à cette période considéraient tous avec admiration le bonheur de la famil e Kel ergan.

- Je n’ai jamais connu de gens qui avaient l’air plus heureux qu’eux, nous dit le pasteur Lewis. David et Louisa éprouvaient l’un pour l’autre un amour spectaculaire.

C’était fou. Comme s’ils avaient été conçus par le Seigneur pour s’aimer. Et ils étaient des parents formidables. Nola était une petite fille extraordinaire, vive, délicieuse.

C’était une famil e qui vous donnait envie d’en avoir une et vous donnait un espoir éternel en le genre humain. C’était beau de voir ça. Surtout dans cette saloperie d’Alabama des années 1960, tourmenté par la ségrégation.

- Mais tout a basculé, dit Gahalowood.

- Oui.

- Comment ?

Il y eut un long silence. Le visage du pasteur Lewis se décomposa. Il se leva encore, incapable de tenir en place, et il fit quelques pas dans la pièce.

- Pourquoi devoir parler de tout cela ? demanda-t-il. C’était il y a si longtemps…

- Révérend Lewis : que s’est-il passé en 1969 ?

Are sens