ceux qui l’ont créé. Respect mutuel, c’est là le mariage, respect de ceux qui veulent d’une telle volonté.
Que ceci soit le sens et la vérité de ton mariage. Mais ce que les inutiles appellent mariage, la foule des superflus ! – comment appellerai-je cela ?
Hélas ! cette pauvreté de l’âme à deux ! Hélas ! cette impureté de l’âme à deux ! Hélas,
ce misérable contentement à deux !
Mariage, c’est ainsi qu’ils appellent tout cela ; et ils disent que leurs unions ont été scellées dans le ciel.
Eh bien, je n’en veux pas de ce ciel des superflus ! Non, je n’en veux pas de ces bêtes
empêtrées dans le filet céleste !
Loin de moi aussi le Dieu qui vient en boitant pour bénir ce qu’il n’a pas uni !
Ne riez pas de pareils mariages ! Quel est l’enfant qui n’aurait pas raison de pleurer sur
ses parents ?
Cet homme me semblait respectable et mûr pour saisir le sens de la terre : mais lorsque
je vis sa femme, la terre me sembla une demeure pour les insensés.
Oui, je voudrais que la terre fût secouée de convulsions quand je vois un saint s’accoupler à une oie.
Tel partit comme un héros en quête de vérités, et il ne captura qu’un petit mensonge paré. Il appelle cela son mariage.
Tel autre était réservé dans ses relations et difficile dans son choix. Mais d’un seul coup
il a gâté à tout jamais sa société. Il appelle cela son mariage.
Tel autre encore cherchait une servante avec les vertus d’un ange. Mais soudain il devint la servante d’une femme, et maintenant il lui faudrait devenir ange lui-même.
Je n’ai vu partout qu’acheteurs pleins de précaution et tous ont des yeux rusés. Mais le
plus rusé lui-même achète sa femme comme chat en poche.
Beaucoup de courtes folies – c’est là ce que vous appelez amour. Et votre mariage met
fin à beaucoup de courtes folies, par une longue sottise.
Votre amour de la femme et l’amour de la femme pour l’homme : oh ! que ce soit de la
pitié pour des dieux souffrants et voilés ! Mais presque toujours c’est une bête qui devine l’autre.
Cependant votre meilleur amour n’est qu’une métaphore extasiée et une douloureuse ardeur. Il est un flambeau qui doit éclairer pour vous les chemins supérieurs.
Un jour vous devrez aimer par delà vous-mêmes ! Apprenez donc d’abord à aimer !
C’est pourquoi il vous fallut boire l’amer calice de votre amour.
Il y a de l’amertume dans le calice, même dans le calice du meilleur amour. C’est ainsi
qu’il éveille en toi le désir du Surhomme, c’est ainsi qu’il éveille en toi la soif, ô créateur !
Soif du créateur, flèche et désir du Surhomme : dis-moi, mon frère, est-ce là ta volonté
du mariage ?
Je sanctifie telle volonté et un tel mariage. –
Ainsi parlait Zarathoustra.
De la mort volontaire
Il y en a beaucoup qui meurent trop tard et quelques-uns qui meurent trop tôt. La doctrine
qui dit : « Meurs à temps ! » semble encore étrange.
Meurs à temps : voilà ce qu’enseigne Zarathoustra.
Il est vrai que celui qui n’a jamais vécu à temps ne saurait mourir à temps. Qu’il ne soit
donc jamais né ! – Voilà ce que je conseille aux superflus.
Mais les superflus eux-mêmes font les importants avec leur mort, et la noix la plus creuse prétend être cassée.
Ils accordent tous de l’importance à la mort : mais pour eux la mort n’est pas encore une