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Partout oĂč j’ai trouvĂ© quelque chose de vivant, j’ai trouvĂ© de la volontĂ© de puissance ; et mĂȘme dans la volontĂ© de celui qui obĂ©it j’ai trouvĂ© la volontĂ© d’ĂȘtre maĂźtre.

Que le plus fort domine le plus faible, c’est ce que veut sa volontĂ© qui veut ĂȘtre maĂźtresse de ce qui est plus faible encore. C’est lĂ  la seule joie dont il ne veuille pas ĂȘtre privĂ©.

Et comme le plus petit s’abandonne au plus grand, car le plus grand veut jouir du plus

petit et le dominer, ainsi le plus grand s’abandonne aussi et risque sa vie pour la puissance.

C’est lĂ  l’abandon du plus grand : qu’il y ait tĂ©mĂ©ritĂ© et danger et que le plus grand joue sa vie.

Et oĂč il y a sacrifice et service rendu et regard d’amour, il y a aussi volontĂ© d’ĂȘtre maĂźtre. C’est sur des chemins dĂ©tournĂ©s que le plus faible se glisse dans la forteresse et jusque dans le cƓur du plus puissant – c’est lĂ  qu’il vole la puissance.

Et la vie elle-mĂȘme m’a confiĂ© ce secret : « Voici, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-mĂȘme.

« À vrai dire, vous appelez cela volontĂ© de crĂ©er ou instinct du but, du plus sublime, du

plus lointain, du plus multiple : mais tout cela n’est qu’une seule chose et un seul secret.

« Je prĂ©fĂšre disparaĂźtre que de renoncer Ă  cette chose unique, et, en vĂ©ritĂ©, oĂč il y a dĂ©clin et chute des feuilles, c’est lĂ  que se sacrifie la vie – pour la puissance !

« Qu’il faille que je sois lutte, devenir, but et entrave du but : hĂ©las ! celui qui devine ma volontĂ©, celui-lĂ  devine aussi les chemins tortueux qu’il lui faut suivre !

« Quelle que soit la chose que je crĂ©e et la façon dont j’aime cette chose, il faut que bientĂŽt j’en sois l’adversaire et l’adversaire de mon amour : ainsi le veut ma volontĂ©.

« Et toi aussi, toi qui cherches la connaissance, tu n’es que le sentier et la piste de ma

volonté : en vérité, ma volonté de puissance marche aussi sur les traces de ta volonté du

vrai !

« Il n’a assurĂ©ment pas rencontrĂ© la vĂ©ritĂ©, celui qui parlait de la « volontĂ© de vie », cette volontĂ© – n’existe pas.

« Car : ce qui n’est pas ne peut pas vouloir ; mais comment ce qui est dans la vie pourrait-il encore dĂ©sirer la vie !

« Ce n’est que lĂ  oĂč il y a de la vie qu’il y a de la volontĂ© : pourtant ce n’est pas la volontĂ© de vie, mais – ce que j’enseigne – la volontĂ© de puissance.

« Il y a bien des choses que le vivant apprĂ©cie plus haut que la vie elle-mĂȘme ; mais c’est dans les apprĂ©ciations elles-mĂȘmes que parle – la volontĂ© de puissance ! »

VoilĂ  l’enseignement que la vie me donna un jour : et c’est par cet enseignement, ĂŽ sages parmi les sages, que je rĂ©sous l’énigme de votre cƓur.

En vĂ©ritĂ©, je vous le dis : le bien et le mal qui seraient impĂ©rissables – n’existent pas ! Il faut que le bien et le mal se surmontent toujours de nouveau par eux-mĂȘmes.

Avec vos valeurs et vos paroles du bien et du mal, vous exercez la force, vous, les apprĂ©ciateurs de valeur : ceci est votre amour cachĂ©, l’éclat, l’émotion et le dĂ©bordement

de votre Ăąme.

Mais une puissance plus forte grandit dans vos valeurs, une nouvelle victoire sur soi-mĂȘme qui brise les Ɠufs et les coquilles d’Ɠufs.

Et celui qui doit ĂȘtre crĂ©ateur dans le bien et dans le mal : en vĂ©ritĂ©, celui-lĂ  commencera par dĂ©truire et par briser les valeurs.

Ainsi la plus grande malignitĂ© fait partie de la plus grande bĂ©nignitĂ© : mais cette bĂ©nignitĂ© est la bĂ©nignitĂ© du crĂ©ateur. –

Parlons-en, ĂŽ sages parmi les sages, quoi qu’il nous en coĂ»te ; car il est plus dur de se

taire ; toutes les vĂ©ritĂ©s que l’on a passĂ©es sous silence deviennent venimeuses.

Et que soit brisĂ© tout ce qui peut ĂȘtre brisĂ© par nos vĂ©ritĂ©s ! Il y a encore bien des maisons Ă  construire ! –

Ainsi parlait Zarathoustra.

Des hommes sublimes

Il y a une mer en moi, son fond est tranquille : qui donc devinerait qu’il cache des monstres plaisants !

InĂ©branlable est ma profondeur, mais elle brille d’énigmes et d’éclats de rire.

J’ai vu aujourd’hui un homme sublime, un homme solennel un expiateur de l’esprit : comme mon ñme s’est ri de sa laideur !

La poitrine en avant, semblable à ceux qui aspirent : il demeurait silencieux l’homme sublime :

OrnĂ© d’horribles vĂ©ritĂ©s, son butin de chasse, et riche de vĂȘtements dĂ©chirĂ©s ; il y avait

aussi sur lui beaucoup d’épines – mais je ne vis point de roses.

Il n’a pas encore appris le rire et la beautĂ©. Avec un air sombre, ce chasseur est revenu

de la forĂȘt de la connaissance.

Il est rentrĂ© de la lutte avec des bĂȘtes sauvages : mais son air sĂ©rieux reflĂšte encore la

bĂȘte sauvage – une bĂȘte insurmontĂ©e !

Il demeure lĂ , comme un tigre qui veut faire un bond ; mais je n’aime pas les Ăąmes tendues comme la sienne ; leurs rĂ©ticences me dĂ©plaisent.

Et vous me dites, amis, que « des goûts et des couleurs il ne faut pas discuter ». Mais

toute vie est lutte pour les goûts et les couleurs !

Le goĂ»t, c’est Ă  la fois le poids, la balance et le peseur ; et malheur Ă  toute chose vivante qui voudrait vivre sans la lutte Ă  cause des poids, des balances et des peseurs !

S’il se fatiguait de sa sublimitĂ©, cet homme sublime : c’est alors seulement que commencerait sa beautĂ©, – et c’est alors seulement que je voudrais le goĂ»ter, que je lui trouverais du goĂ»t.

Ce ne sera que lorsqu’il se dĂ©tournera de lui-mĂȘme, qu’il sautera par-dessus son ombre,

et, en vérité, ce sera dans son soleil.

Trop longtemps il Ă©tait assis Ă  l’ombre, l’expiateur de l’esprit a vu pĂąlir ses joues ; et l’attente l’a presque fait mourir de faim.

Il y a encore du mĂ©pris dans ses yeux et le dĂ©goĂ»t se cache sur ses lĂšvres. Il est vrai qu’il repose maintenant, mais son repos ne s’est pas encore Ă©tendu au soleil.

Are sens