"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Add to favorite Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

plus devant lui que de quoi effrayer les oiseaux.

En vĂ©ritĂ©, je suis moi-mĂȘme un oiseau effrayĂ© qui, un jour, vous a vus nus et sans couleurs ; et je me suis enfui lorsque ce squelette m’a fait des gestes d’amour.

Car je prĂ©fĂ©rerais ĂȘtre manƓuvre dans l’enfer et chez les ombres du passĂ© ! – Les habitants de l’enfer ont plus de consistance que vous !

C’est pour moi l’amertume de mes entrailles de ne pouvoir vous supporter ni nus, ni habillĂ©s, vous autres hommes actuels !

Tout ce qui est inquiĂ©tant dans l’avenir, et tout ce qui a jamais Ă©pouvantĂ© des oiseaux

égarés, inspire en vérité plus de quiétude et plus de calme que votre « réalité ».

Car c’est ainsi que vous parlez : « Nous sommes entiĂšrement faits de rĂ©alitĂ©, sans croyance et sans superstition. » C’est ainsi que vous vous rengorgez, sans mĂȘme avoir de

gorge !

Oui, comment pourriez-vous croire, bariolĂ©s comme vous l’ĂȘtes ! – vous qui ĂȘtes des peintures de tout ce qui a jamais Ă©tĂ© cru.

Vous ĂȘtes des rĂ©futations mouvantes de la foi elle-mĂȘme ; et la rupture de toutes les pensĂ©es. Êtres peu dignes de foi, c’est ainsi que je vous appelle. Vous les « hommes de la rĂ©alitĂ© » !

Toutes les Ă©poques dĂ©blatĂšrent les unes contre les autres dans vos esprits ; et les rĂȘves et les bavardages de toutes les Ă©poques Ă©taient plus rĂ©els encore que votre raison Ă©veillĂ©e !

Vous ĂȘtes stĂ©riles : c’est pourquoi vous manquez de foi. Mais celui qui devait crĂ©er possĂ©dait toujours ses rĂȘves et ses Ă©toiles – et il avait foi en la foi ! –

Vous ĂȘtes des portes entr’ouvertes oĂč attendent les fossoyeurs. Et cela est votre rĂ©alitĂ© :

« Tout vaut la peine de disparaßtre. »

Ah ! Comme vous voilà debout devant moi, hommes stériles, squelettes vivants ! Et il y

en a certainement parmi vous qui s’en sont rendu compte eux-mĂȘmes.

Ils disaient : « Un dieu m’aurait-il enlevĂ© quelque chose pendant que je dormais ? En

vérité, il y aurait de quoi en faire une femme !

La pauvreté de mes cÎtes est singuliÚre ! » Ainsi parla déjà maint homme actuel.

Oui, vous me faites rire, hommes actuels ! et surtout quand vous vous Ă©tonnez de vous-

mĂȘmes !

Malheur Ă  moi si je ne pouvais rire de votre Ă©tonnement et s’il me fallait avaler tout ce

que vos écuelles contiennent de répugnant !

Mais je vous prends Ă  la lĂ©gĂšre, puisque j’ai des choses lourdes Ă  porter ; et que m’importe si des mouches se posent sur mon fardeau !

En vĂ©ritĂ© mon fardeau n’en sera pas plus lourd ! Et ce n’est pas de vous, mes contemporains, que me viendra la grande fatigue. –

HĂ©las ! oĂč dois-je encore monter avec mon dĂ©sir ? Je regarde du haut de tous les sommets pour m’enquĂ©rir de patries et de terres natales.

Mais je n’en ai trouvĂ© nulle part : je suis errant dans toutes les villes, et, Ă  toutes les portes, je suis sur mon dĂ©part.

Les hommes actuels vers qui tout Ă  l’heure mon cƓur Ă©tait poussĂ© sont maintenant pour

moi des Ă©trangers qu’excitent mon rire ; je suis chassĂ© des patries et des terres natales.

Je n’aime donc plus que le pays de mes enfants, la terre inconnue parmi les mers lointaines : c’est elle que ma voile doit chercher sans cesse.

Je veux me racheter auprĂšs de mes enfants d’avoir Ă©tĂ© le fils de mes pĂšres : je veux racheter de tout l’avenir – ce prĂ©sent ! –

Ainsi parlait Zarathoustra.

De l’immaculĂ©e connaissance

Lorsque hier la lune s’est levĂ©e, il me semblait qu’elle voulĂ»t mettre au monde un soleil,

tant elle s’étalait Ă  l’horizon, lourde et pleine.

Mais elle mentait avec sa grossesse ; et plutît encore je croirais à l’homme dans la lune

qu’à la femme.

Il est vrai qu’il est trĂšs peu homme lui aussi, ce timide noctambule. En vĂ©ritĂ©, il passe

sur les toits avec une mauvaise conscience.

Car il est plein de convoitise et de jalousie, ce moine dans la lune ; il convoite la terre et toutes les joies de ceux qui aiment.

Non, je ne l’aime pas, ce chat de gouttiĂšres ; ils me dĂ©goĂ»tent, tous ceux qui Ă©pient les

fenĂȘtres entr’ouvertes.

Pieux et silencieux, il passe sur des tapis d’étoiles : – mais je dĂ©teste tous les hommes

qui marchent sans bruit, et qui ne font pas mĂȘme sonner leurs Ă©perons.

Les pas d’un homme loyal parlent ; mais le chat marche Ă  pas furtifs. Voyez, la lune s’avance, dĂ©loyale comme un chat. –

Je vous donne cette parabole, Ă  vous autres hypocrites sensibles, vous qui cherchez la

« connaissance pure » ! C’est vous que j’appelle – lascifs !

Vous aimez aussi la terre et tout ce qui est terrestre : je vous ai bien devinĂ©s ! – mais il y a dans votre amour de la honte et de la mauvaise conscience, – vous ressemblez Ă  la lune.

On a persuadĂ© Ă  votre esprit de mĂ©priser tout ce qui est terrestre, mais on n’a pas persuadĂ© vos entrailles : pourtant elles sont ce qu’il y a de plus fort en vous !

Et maintenant votre esprit a honte d’obĂ©ir Ă  vos entrailles et il suit des chemins dĂ©robĂ©s

Are sens