– Merci pour Declan.
Toujours sans lui faire face, je balayai ses remerciements d’un mouvement de la main.
– Diane, regarde-moi.
– Non.
Il m’attrapa délicatement par le bras, me retourna et me découvrit, ravagée par les larmes.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Que t’arrive-t-il ?
Il allait prendre mon visage entre ses grandes mains quand je me dégageai vivement.
– Ne me touche pas s’il te plaît… Rien, il ne s’est rien passé. Declan a été adorable.
Je courus jusqu’à ma voiture et roulai à toute vitesse vers chez Abby et Jack. Je restai de longues minutes effondrée sur mon volant. Les enfants apportaient trop de souffrance, trop de chagrin, vivants comme morts. La douleur de Declan m’était insupportable, j’aurais tant voulu l’aider, mais c’était au-dessus de mes forces, et je refusais de trahir Clara. Elle allait croire que je l’abandonnais encore une fois. Je l’avais abandonnée en la laissant partir en voiture, je l’avais abandonnée en n’allant pas lui dire au revoir, je ne pouvais pas l’abandonner en jouant à ça avec Declan ou n’importe quel enfant. Je n’en avais pas le droit.
En arrivant dans le séjour, je trouvai Abby, en robe de chambre, assise dans un rocking-chair devant un feu de cheminée. Elle me fit signe d’approcher, je titubai jusqu’à elle, m’écroulai par terre et posai ma tête sur ses genoux. Elle me caressait les cheveux, je fixais les flammes.
– Je veux ma fille, Abby.
– Je sais… tu es courageuse. Tu as dû faire beaucoup de bien à Declan.
– Il a tellement mal.
– Comme toi.
Plusieurs minutes passèrent.
– Et toi, tes rendez-vous ?
– Je suis fatiguée, je m’éteins tranquillement.
Je serrai plus étroitement ses genoux.
– Non, pas toi… Tu n’as pas le droit de nous laisser.
– C’est normal que je m’en aille, Diane. Et puis je veillerai sur eux tous. Tranquillise-toi. Pleure maintenant, ça soulage.
Le lendemain, je décidai de passer la journée avec Abby et Jack. J’éprouvais le besoin de me concentrer sur la raison essentielle de mon séjour à Mulranny et pas sur Declan et son père. Les jours défilaient à toute vitesse ; mon temps aux côtés d’Abby était compté. Judith arrivait dans moins de vingt-quatre heures, ensuite, ça sentirait la fin. Elle était fatiguée par sa journée de la veille, aussi nous restâmes toute la journée à la maison. En fin d’après-midi, Jack partit marcher sur la plage, il ne pouvait passer une journée entière enfermé chez lui, l’appel du grand air était plus fort que tout.
Nous étions installées toutes les deux dans le séjour, une tasse de thé à la main, quand elle m’interrogea :
– Quels sont tes projets ?
– Oh… je ne sais pas trop… je crois que je vais continuer comme ça. Je suis bien dans mon café, j’en suis propriétaire, maintenant…
– Et ton petit fiancé ?
Elle me souriait.
– Olivier n’est pas mon fiancé, Abby.
– Ah, les jeunes d’aujourd’hui ! Tu es heureuse avec lui ? Il est gentil avec toi, au moins ?
– Je n’aurais pas pu trouver plus gentil ni plus respectueux que lui.
– C’est une bonne chose… J’espère qu’Edward trouvera le même bonheur que toi…
Elle riva son regard au mien. Je savais à quoi elle pensait, et je refusais d’avoir cette conversation.
– S’il te plaît, Abby…
– Ne t’inquiète pas, je ne t’embêterai pas. Mais nous nous faisons tellement de souci pour lui et pour Declan. Edward a beaucoup souffert de la perte de sa mère, et du comportement odieux de mon frère, son père… Quand je le vois aujourd’hui… Je sais ce qu’il va faire pour ne pas commettre les mêmes erreurs
: il va s’oublier au profit de son fils.
– Il est fort, je suis certaine qu’il s’en sortira…
Son attachement profond à Edward et à Judith était aussi charnel que celui d’une mère pour ses enfants.
Une question me brûlait les lèvres.
– C’est parce que vous vous êtes occupés d’eux que vous n’avez pas eu d’enfant à vous, avec Jack ?
– Non… ça remonte à si loin, et pourtant…
Son regard se perdit dans le vague, et fut traversé par une vague de tristesse.