"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » 🌚🌚"La Vie est facile, ne t'inquiète pas" de Marie M. Martin-Lugand🌚🌚

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– Si tu veux.

– Il rentre quand, papa ?

– Je ne sais pas. Tu veux lui téléphoner ?

– Non !

– Si tu as envie de le faire, il ne faut pas avoir peur. Ton papa peut comprendre…

– Non, je veux la télé.

Il se débrouilla comme un chef pour lancer ses dessins animés. Vu l’heure, je décidai de lui préparer à dîner. Je cuisinai au son de ses éclats de rire, avec Postman Pat à mes pieds qui attendait que ça tombe dans sa gueule. Lorsque je me surprenais à sourire, je me répétais que ce n’était pas moi qui faisais tout ça.

Trois quarts d’heure plus tard, nous avions fini de manger – j’avais accompagné Declan –, la vaisselle était faite, il n’était pas loin de 21 heures, et toujours aucun signe de vie d’Edward. Declan était sur le canapé, devant les dessins animés.

– Il va falloir aller au lit, lui annonçai-je.

Il se ratatina.

– Ah…

Il s’extirpa des coussins, éteignit la télévision docilement. Toute joie de vivre avait quitté son visage, il semblait se recroqueviller sur lui-même.

– Je t’accompagne dans ta chambre.

Il hocha la tête. Une fois à l’étage, il alla se brosser les dents sans que j’aie à lui demander de le faire.

J’allumai une veilleuse sur sa table de nuit et retapai sa couette. Quand il arriva, il se mit à quatre pattes, et explora le dessous de son lit ; il en ressortit avec une grande écharpe à la main. Il n’était pas difficile de deviner à qui elle avait appartenu. Puis il se coucha.

– Je laisse la lumière allumée ?

– Oui, me répondit-il, d’une toute petite voix.

– Dors bien.

Je n’eus pas le temps de faire deux pas avant d’entendre les premiers sanglots.

– Reste avec moi.

Juste ce qui me terrorisait. Je commençai par me mettre à genoux près de sa tête, il la sortit de la couette, défiguré par le chagrin, ses grands yeux pleins de larmes, comme sidéré par le manque et la douleur, l’écharpe de sa mère contre lui. Doucement, j’approchai ma main, je la fixai pour mesurer la portée de mon geste ; je la passai dans ses cheveux. À mon contact, il ferma brièvement les yeux, puis les rouvrit, m’implorant de faire quelque chose pour atténuer sa souffrance. Je me posai une question.

Une seule. Une question interdite : qu’aurais-je fait si ç’avait été Clara ? Par la pensée, je suppliai ma fille de me pardonner cette trahison, c’était avec elle que j’aurais dû faire ça. Faire ce que j’avais refusé avec son petit corps mort, lui dire que tout allait bien se passer, qu’elle irait bien, que je serais toujours là pour elle. Je m’allongeai à côté de Declan et le pris contre moi, respirant son odeur d’enfant. Il se nicha, se frotta à moi, et pleura. Beaucoup, sans interruption. Il appelait sa mère, je murmurais : « Chut, chut, chut… »

Et puis des sons venus de très loin sortirent de ma bouche ; une petite berceuse que je chantais à Clara quand elle faisait un cauchemar. Ma voix ne trembla pas, alors que les larmes coulaient toutes seules sur mes joues. Nous pleurions tous les deux la même perte. Nous étions au même endroit, un gouffre où nous souffrions du manque. Les sanglots de Declan se calmèrent petit à petit.

– Tu es une maman, Diane ? me demanda-t-il en hoquetant.

– Pourquoi dis-tu ça ?

– Parce que tu fais comme ma maman…

Les enfants avaient un sixième sens pour trouver la fêlure. Ce petit garçon me prouvait que mes gestes, mes paroles étaient imprimés, marqués au fer rouge par la maternité, par celle que j’avais été, que je le veuille ou non.

– J’étais maman avant…

– Pourquoi avant ?

– Ma fille, Clara… elle est partie comme ta maman.

– Tu crois qu’elles sont ensemble ?

– Peut-être.

– Maman, elle est gentille avec elle, t’inquiète pas.

Je le serrai contre moi, et le berçai en pleurant silencieusement.

– Je peux encore avoir la chanson ?

Je rechantai. Sa respiration s’apaisa.

Une heure passa avant que j’entende la porte d’entrée s’ouvrir. Edward m’appela, je ne lui répondis pas, de crainte de réveiller Declan que je n’avais pas lâché une seule seconde. Edward monta quatre à quatre l’escalier, et se figea sur le seuil de la chambre de son fils. Il prit appui au chambranle de la porte, serra les poings, leva les yeux au ciel, cherchant certainement à échapper à cette scène.

Lui aussi souffrait de la situation. Je compris l’utilité du fauteuil dans la chambre, il devait passer ses nuits, là, à le veiller. Du regard, je lui intimai l’ordre de se taire. Dans son sommeil, Declan lutta légèrement lorsque je me détachai de lui. Je calai au plus près de son visage l’écharpe de sa mère, et me retins de déposer un baiser sur son front. J’en avais fait assez. Je passai devant Edward, hagarde. Il me suivit jusqu’au rez-de-chaussée. J’enfilai mon blouson et ouvris la porte d’entrée. Je lui tournais le dos quand il se décida à parler.

– Je suis désolé d’être rentré si tard. J’aurais voulu t’épargner ça.

– Il faut que je m’en aille.

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