– Diane ne tenait plus debout, Edward a filé une patate à un type qui louchait trop sur elle. Il a été obligé de la porter sur son épaule. C’était à mourir de rire, elle gesticulait dans tous les sens en braillant contre lui, et Edward ne bronchait pas, imperturbable.
Abby et Jack nous scrutèrent alternativement, et finirent par éclater de rire. Nous nous regardâmes, gênés dans un premier temps, avant de suivre le fou rire général.
– C’est quoi, filer une patate ? demanda Declan.
– C’est se battre, lui répondit Judith.
– Waouh, papa, tu t’es déjà battu ?
– Si ça n’était arrivé qu’une fois…, embraya Jack. Fiston, ton père se battait déjà à ton âge.
– Pourquoi tu lui racontes ça ? rétorqua Edward.
– Tu m’apprendras, papa ?
Le père et le fils se fixèrent. Pour la première fois, Edward eut un regard tendre envers Declan avant de se tourner vers sa sœur.
– Allez-y maintenant si vous voulez, je m’occupe de ranger ici.
Il se leva, passa la main dans les cheveux de son fils, et lui demanda de l’aider à débarrasser. Ce fut plus fort que moi, je les fixai jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans la cuisine. Judith se racla la gorge.
– Prête à faire la bringue ?
– C’est parti !
L’une après l’autre, nous embrassâmes Abby et Jack qui nous remercièrent mille fois pour la soirée.
Edward et Declan sortirent de la cuisine, Judith alla les embrasser. Je me contentai de leur envoyer un signe de la main.
– Soyez prudentes, nous dit Edward.
– Tu n’auras pas besoin de te battre, lui répondis-je du tac au tac.
À l’instant même, je regrettai ma phrase.
Nous arrivâmes au pub en riant et en sautillant. En y pénétrant, je ne pus m’empêcher de penser à voix haute :
– Qu’est-ce qu’on est bien ici !
– Je savais que tu reviendrais, me taquina Judith.
Le barman nous fit de grands signes derrière le comptoir. Nous allâmes à sa rencontre, malgré le manque de place. L’affaire fut réglée en deux temps, trois mouvements ; il dégagea d’autorité deux clients pour nous libérer des tabourets. Sans nous consulter, il nous servit à chacune une pinte de Guinness. C’était l’ambiance pub du samedi avec un concert. Le groupe enchaînait les reprises pour le plaisir de tous. Nous nous joignîmes aux autres clients pour chanter à tue-tête. Je retrouvais cette ambiance que j’avais tant aimée… et dont je n’avais pas assez profité l’année précédente.
– J’ai une question hyper importante à te poser, me dit brusquement Judith.
– Je t’écoute.
– Félix est-il toujours gay ?
Je pouffai.
– Plus que jamais, finis-je par lui répondre.
– Merde ! Parce que c’est l’homme de ma vie, tu t’en rends compte, au moins ?
Elle me prit par le bras, et nous récupérâmes nos places au comptoir, où elle commanda notre troisième ou quatrième pinte, je commençais à ne plus savoir ! Le quart d’heure qui suivit, j’eus droit aux dernières aventures de Judith-qui-tombe-amoureuse-tous-les-jours. Mon téléphone sonna, interrompant notre conversation. C’était Olivier.
– Attends deux minutes, lui dis-je, avant de m’adresser à Judith. Excuse-moi…
Elle ricana gentiment et fit un signe de tête vers le coin fumeurs dehors. Je chopai mes cigarettes et traversai le pub, suivie de près par Judith, qui entama la conversation avec les autres fumeurs.
– Ça y est ! Je suis là.
– Tu es où ? Il y a un de ces bruits !
– Au pub avec Judith. Il y a un concert, comme tous les samedis soir.
– Tu as retrouvé ta copine ?
– Oui, on a passé une journée magnifique. Abby était heureuse, c’était génial !
– Tu te sens bien, là-bas…
Une pointe de culpabilité me traversa, j’avais oublié de l’appeler aujourd’hui, toute à ma joie de retrouver Judith.
– C’est vrai… et toi, comment vas-tu ?
– Très bien, ici, tout est OK. Là, je suis chez moi, et je glande tout seul. Je ne vais pas t’embêter plus longtemps…