– Trois jours. Ne t’inquiète pas, nous déménagerons à la date convenue.
– Ce n’est pas ça qui m’inquiète…
– Quoi, alors ?
– C’est toi.
– Ne t’en fais pas, je ne vais pas m’écrouler. La mort d’Abby n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu, j’y étais préparée. Et je compte respecter la promesse que je lui ai faite, ne pas pleurer et poursuivre ma vie.
– Vraiment ?
Je ne lui répondis pas. Il me tint contre lui toute la nuit. Le sommeil finit par m’emporter, et je réussis à dormir quelques heures. En ouvrant les yeux, la conscience de la perte d’Abby me coupa la respiration un instant. Je pris sur moi, et luttai contre la peine. Je devais assurer ma journée, préparer mon absence, et rassurer Olivier dont le masque d’inquiétude n’avait fait que se creuser durant la nuit.
Il ne me quitta pas des yeux lorsque nous prîmes notre petit déjeuner.
– À quelle heure décolles-tu ce soir ?
– 19 heures.
– Je vais me débrouiller pour t’accompagner.
– N’annule pas tes rendez-vous pour moi.
– J’y tiens, ne cherche pas à m’en empêcher.
Une demi-heure plus tard, il me laissait aux Gens. J’ouvris le café et m’activai immédiatement, au lieu de discuter avec mes clients du réveil comme je le faisais d’habitude ; je mis tout en ordre, vérifiai que Félix ne manquerait de rien et pris le temps d’appeler Judith. Elle avait une meilleure voix que la veille, Edward l’avait mise au courant de mon arrivée, je la sentais soulagée. Et puis elle me passa Jack sans que j’y sois préparée.
– Ma petite Française, comment vas-tu ?
– On s’en moque, de moi, c’est à toi qu’il faut demander ça.
– Tout va bien, nous avons eu notre temps. J’ai un message pour toi, mais tu le connais déjà.
– Oui, reniflai-je.
– Ça me touche que tu fasses le voyage, tu verras, ça t’apaisera.
– À demain, Jack.
Mes épaules s’affaissèrent en raccrochant.
– Ça veut dire quoi : à demain, Jack ?
Je sursautai en entendant Félix.
– Je prends l’avion ce soir : Abby est morte.
Je lui tournai le dos et me fis couler un café.
– Tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas aller à un enterrement en Irlande.
Il me prit par les épaules et me força à le regarder.
– Rien ne m’en empêche !
– Tout, justement ! Tu ne vas pas le supporter ! Merde ! Tout va bien dans ta vie, tu as Olivier, tu as Les Gens, tu as tourné la page. Oublie l’Irlande et ses habitants !
– Ne me demande pas l’impossible ! Et puis n’en fais pas tout un foin, je pars trois jours et je reviens pour le déménagement.
– Dans quel état ?
– Je n’en peux plus que tout le monde s’inquiète pour moi, toi, Olivier. Arrêtez de penser que je vais m’écrouler à la première épreuve. Je ne suis plus la même, j’ai pris ma vie en main, je vais bien, je sais ce que je veux. Et ce que je veux, ce que mon cœur me dicte, c’est d’aller dire au revoir à Abby, et d’être aux côtés de ces gens que j’aime.
– Et le môme, il fait partie des gens que tu aimes ?
Son attaque me fit reculer et bafouiller.
– Je ne sais pas… Declan est…
– Le fils d’Edward ! Voilà ce qu’il est !
Je regardai mes pieds. Félix m’écrasa contre lui.
– Tu fais chier, Diane. Va t’embrouiller la tête, et je te récupérerai.
– Il n’y aura rien à récupérer.
– Arrête de jouer les idiotes, ça te va très mal.