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Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?

Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!

XCIV Le Squelette laboureur

I

Dans les planches d'anatomie

Qui traînent sur ces quais poudreux

Où maint livre cadavéreux

Dort comme une antique momie,

Dessins auxquels la gravité

Et le savoir d'un vieil artiste,

Bien que le sujet en soit triste,

Ont communiqué la Beauté,

On voit, ce qui rend plus complètes

Ces mystérieuses horreurs,

Bêchant comme des laboureurs,

Des Ecorchés et des Squelettes.

II

De ce terrain que vous fouillez,

Manants résignés et funèbres

De tout l'effort de vos vertèbres,

Ou de vos muscles dépouillés,

Dites, quelle moisson étrange,

Forçats arrachés au charnier,

Tirez-vous, et de quel fermier

Avez-vous à remplir la grange?

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 74 / 106

Voulez-vous (d'un destin trop dur Epouvantable et clair emblème!)

Montrer que dans la fosse même

Le sommeil promis n'est pas sûr;

Qu'envers nous le Néant est traître; Que tout, même la Mort, nous ment,

Et que sempiternellement

Hélas! il nous faudra peut-être

Dans quelque pays inconnu

Ecorcher la terre revêche

Et pousser une lourde bêche

Sous notre pied sanglant et nu?

XCV Le Crépuscule du Soir

Voici le soir charmant, ami du criminel; Il vient comme un complice, à pas de loup; le ciel Se ferme lentement comme une grande alcôve, Et l'homme impatient se change en bête fauve.

O soir, aimable soir, désiré par celui Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui Nous avons travaillé! - C'est le soir qui soulage Les esprits que dévore une douleur sauvage, Le savant obstiné dont le front s'alourdit, Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit.

Cependant des démons malsains dans l'atmosphère S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire, Et cognent en volant les volets et l'auvent.

A travers les lueurs que tourmente le vent La Prostitution s'allume dans les rues; Comme une fourmilière elle ouvre ses issues; Partout elle se fraye un occulte chemin, Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main; Elle remue au sein de la cité de fange Comme un ver qui dérobe à l'Homme ce qu'il mange.

On entend çà et là les cuisines siffler, Les théâtres glapir, les orchestres ronfler; Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices, S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices, Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci, Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 75 / 106

Et forcer doucement les portes et les caisses Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.

Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment, Et ferme ton oreille à ce rugissement.

C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent!

La sombre Nuit les prend à la gorge; ils finissent Leur destinée et vont vers le gouffre commun; L'hôpital se remplit de leurs soupirs. - Plus d'un Ne viendra plus chercher la soupe parfumée, Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.

Encore la plupart n'ont-ils jamais connu La douceur du foyer et n'ont jamais vécu!

Are sens