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– Peut-être faudrait-il nous arrêter un jour ou deux, reprit le docteur.

– S’arrêter ! s’écria Hatteras, quand la vie de dix-huit hommes tient à notre retour !

– Cependant… fit le docteur.

– Clawbonny, Bell, écoutez-moi, reprit Hatteras ; il ne nous reste pas pour vingt jours de vivres ! Voyez si nous pouvons perdre un instant !

Ni le docteur, ni Bell, ne répondirent un seul mot, et le traîneau reprit sa marche un moment interrompue.

Le soir, on s’arrêta au pied d’un monticule de glace dans lequel Bell tailla promptement une caverne ; les voyageurs s’y réfugièrent ; le docteur passa la nuit à soigner Simpson ; le scorbut exerçait déjà sur le malheureux ses affreux ravages, et les souffrances amenaient une plainte continuelle sur ses lèvres tuméfiées.

– Ah ! monsieur Clawbonny !

– Du courage, mon garçon ! disait le docteur.

– Je n’en reviendrai pas ! je le sens ! je n’en puis plus ! j’aime mieux mourir !

À ces paroles désespérées, le docteur répondait par des soins incessants ; quoique brisé lui-même des fatigues du jour, il employait la nuit à composer quelque potion calmante pour le malade ; mais déjà le lime-juice restait sans action, et les frictions n’empêchaient pas le scorbut de s’étendre peu à peu.

Le lendemain, il fallait replacer cet infortuné sur le traîneau, quoiqu’il demandât à rester seul, abandonné, et qu’on le laissât mourir en paix ; puis on reprenait cette marche effroyable au milieu de difficultés sans cesse accumulées.

Les brumes glacées pénétraient ces trois hommes jusqu’aux os ; la neige, le grésil, leur fouettaient le visage ; ils faisaient le métier de bête de somme, et n’avaient plus une nourriture suffisante.

Duk, semblable à son maître, allait et venait, bravant les fatigues, toujours alerte, découvrant de lui-même la meilleure route à suivre ; on s’en remettait à son merveilleux instinct.

Pendant la matinée du 23 janvier, au milieu d’une obscurité presque complète, car la lune était nouvelle Duk avait pris les devants ; durant plusieurs heures on le perdit de vue ; l’inquiétude prit Hatteras, d’autant plus que de nombreuses traces d’ours sillonnaient le sol ; il ne savait trop quel parti prendre, quand des aboiements se firent entendre avec force.

Hatteras hâta la marche du traîneau, et bientôt il rejoignit le fidèle animal au fond d’une ravine.

Duk, en arrêt, immobile comme s’il eût été pétrifié, aboyait devant une sorte de cairn, fait de quelques pierres à chaux recouvertes d’un ciment de glace.

– Cette fois, dit le docteur en détachant ses courroies, c’est un cairn, il n’y a pas à s’y tromper.

– Que nous importe ? répondit Hatteras.

– Hatteras, si c’est un cairn, il peut contenir un document précieux pour nous ; il renferme peut-être un dépôt de provisions, et cela vaut la peine d’y regarder.

– Et quel Européen aurait poussé jusqu’ici ? fit Hatteras en haussant les épaules.

– Mais à défaut d’Européens, répliqua le docteur, les Esquimaux n’ont-ils pu faire une cache en cet endroit, et y déposer les produits de leur pêche ou de leur chasse ? c’est assez leur habitude, ce me semble.

– Eh bien ! voyez, Clawbonny, répondit Hatteras ; mais je crains bien que vous n’en soyez pour vos peines.

Clawbonny et Bell, armés de pioches, se dirigèrent vers le cairn. Duk continuait d’aboyer avec fureur. Les pierres à chaux étaient fortement cimentées par la glace ; mais quelques coups ne tardèrent pas à les éparpiller sur le sol.

– Il y a évidemment quelque chose, dit le docteur.

– Je le crois, répondit Bell.

Ils démolirent le cairn avec rapidité. Bientôt une cachette fut découverte ; dans cette cachette se trouvait un papier tout humide. Le docteur s’en empara, le cœur palpitant. Hatteras accourut, prit le document et lut :

« Altam…, Porpoise, 13 déc… 1860, 12° long… 8°35’ lat… »

Le Porpoise, dit le docteur.

Le Porpoise, répéta Hatteras ! Je ne connais pas de navire de ce nom à fréquenter ces mers.

– Il est évident, reprit le docteur, que des navigateurs, des naufragés peut-être, ont passé là depuis moins de deux mois.

– Cela est certain, répondit Bell.

– Qu’allons-nous faire ? demanda le docteur.

– Continuer notre route, répondit froidement Hatteras. Je ne sais ce qu’est ce navire le Porpoise, mais je sais que le brick le Forward attend notre retour.

Chapitre 31 LA MORT DE SIMPSON

Le voyage fut repris ; l’esprit de chacun s’emplissait d’idées nouvelles et inattendues, car une rencontre dans ces terres boréales est l’événement le plus grave qui puisse se produire. Hatteras fronçait le sourcil avec inquiétude.

« Le Porpoise ! se demandait-il ; qu’est-ce que ce navire ? Et que vient-il faire si près du pôle ? »

À cette pensée, un frisson le prenait en dépit de la température. Le docteur et Bell, eux, ne songeaient qu’aux deux résultats que pouvait amener la découverte de ce document : sauver leurs semblables ou être sauvés par eux.

Mais les difficultés, les obstacles, les fatigues revinrent bientôt, et ils ne durent songer qu’à leur propre situation, si dangereuse alors.

La situation de Simpson empirait ; les symptômes d’une mort prochaine ne purent être méconnus par le docteur. Celui-ci n’y pouvait rien ; il souffrait cruellement lui-même d’une ophtalmie douloureuse qui pouvait aller jusqu’à la cécité, s’il n’y prenait garde. Le crépuscule donnait alors une quantité suffisante de lumière, et cette lumière, réfléchie par les neiges, brûlait les yeux ; il était difficile de se protéger contre cette réflexion, car les verres des lunettes, se couvrant d’une croûte glacée, devenaient opaques et interceptaient la vue. Or, il fallait veiller avec soin aux moindres accidents de la route et les relever du plus loin possible ; force était donc de braver les dangers de ophtalmie ; cependant le docteur et Bell, se couvrant les yeux, laissaient tour à tour à chacun d’eux le soin de diriger le traîneau.

Celui-ci glissait mal sur ses châssis usés ; le tirage devenait de plus en plus pénible ; les difficultés du terrain ne diminuaient pas ; on avait affaire à un continent de nature volcanique, hérissé et sillonné de crêtes vives ; les voyageurs avaient dû, peu à peu, s’élever à une hauteur de quinze cents pieds pour franchir le sommet des montagnes. La température était la plus âpre ; les rafales et les tourbillons s’y déchaînaient avec une violence sans égale, et c’était un triste spectacle que celui de ces infortunés se traînant sur ces cimes désolées.

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