- Benjamin Roth.
Je soupirai.
- Alors vous pensez que c’est Robert Quinn qui a tué Nola Kellergan ?
- Disons que tout est possible.
- Laissez-moi lui parler.
- Hors de question.
À cet instant, un homme entra dans le bureau sans frapper et Gahalowood se mit aussitôt au garde-à-vous. C’était Lansdane, le chef de la police d’État. Il avait l’air contrarié.
- J’ai passé la matinée au téléphone avec le gouverneur, des journalistes et cet avocat de malheur, Roth.
- Des journalistes ? À propos de quoi ?
- Ce type que vous avez arrêté cette nuit.
- Oui, Monsieur. Je crois que nous avons une piste sérieuse.
Le Chef posa une main amicale sur l’épaule de Gahalowood.
- Perry… On ne peut plus continuer.
- Comment ça ?
- Cette histoire n’en finit plus. Soyons sérieux, Perry : vous changez de coupable comme de chemise. Roth dit qu’il va faire un scandale. Le gouverneur veut que cela cesse. Il est temps de fermer le dossier.
- Mais Chef, nous avons des éléments nouveaux ! La mort de la mère de Nola, Robert Quinn qu’on arrête. On est sur le point de trouver quelque chose !
- D’abord c’était Quebert, après Caleb, maintenant le père, ou ce Quinn, ou Stern, ou le Bon Dieu. Le père, qu’a-t-on contre lui ? Rien. Stern ? Rien. Ce Robert Quinn ? Rien.
- Il y a ce foutu bidon d’essence…
- Roth dit qu’il n’aura pas de peine à convaincre un juge de l’innocence de Quinn.
Comptez-vous l’inculper formellement ?
- Bien entendu.
- Alors vous perdrez, Perry. Une fois de plus, vous perdrez. Vous êtes un bon flic, Perry. Le meilleur sans doute. Mais il faut savoir renoncer parfois.
- Mais Chef…
- N’al ez pas foutre votre fin de carrière en l’air, Perry… Je ne vais pas vous faire l’affront de vous retirer l’affaire sur-le-champ. Par amitié, je vous laisse vingt-quatre heures. À dix-sept heures demain, vous viendrez me trouver dans mon bureau et vous m’annoncerez officiel ement que vous bouclez l’affaire Kellergan. Ça vous laisse vingt-quatre heures pour dire à vos collègues que vous préférez renoncer et sauver les apparences. Prenez votre fin de semaine ensuite, emmenez votre famil e en week-end, vous le méritez bien.
- Chef, je…
- Il faut savoir renoncer, Perry. À demain.
Lansdane sortit du bureau et Gahalowood se laissa tomber dans son fauteuil.
Comme si cela ne suffisait pas, je reçus un appel sur mon portable de Roy Barnaski.
- Salut, Goldman, me dit-il, guilleret. Ça fera une semaine demain, comme vous le savez sûrement.
- Une semaine que quoi, Roy ?
- Une semaine. Le délai que je vous ai laissé avant de présenter à la presse les derniers développements à propos de Nola Kellergan. Vous n’aviez pas oublié ?
J’imagine que vous n’avez rien trouvé d’autre.
- Écoutez, on est sur une piste, Roy. Il serait peut-être bon de déplacer votre conférence de presse.
- Oh là là… Des pistes, des pistes, toujours des pistes, Goldman… Mais c’est la piste du cirque, oui ! Allons, allons, il est temps de cesser avec ces histoires. J’ai convoqué la presse pour demain à dix-sept heures. Je compte sur votre présence.
- Impossible. Je suis dans le New Hampshire.
- Quoi ? Goldman, vous êtes l’attraction ! J’ai besoin de vous !
- Désolé, Roy.
Je raccrochai.
- C’était qui ? demanda Gahalowood.
- Barnaski, mon éditeur. Il veut convoquer la presse demain en fin de journée pour le grand déballage : parler de la maladie de Nola et dire que mon livre est un livre génial parce qu’on y vit la double personnalité d’une gamine de quinze ans.