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- Je ne sais pas ! Peut-être que Nola a parlé de nous à certaines de ses amies…

- Mais estimez-vous probable que quelqu’un ait été au courant ? poursuivit Roth.

Il y eut un silence. Harry avait un air triste et brisé qui me déchirait le cœur.

- Allons, insista Roth pour le pousser à parler, je sens bien que vous ne me dites pas tout. Comment voulez-vous que je vous défende si vous me cachez certaines informations.

- Il… Il y a eu ces lettres anonymes.

- Quelles lettres anonymes ?

- Juste après la disparition de Nola, j’ai commencé à recevoir des lettres anonymes. Je les trouvais à chaque fois dans l’encadrement de ma porte d’entrée, de retour d’une absence. À l’époque, ça m’a foutu une sacrée trouille. Ça voulait dire que quelqu’un m’espionnait, qu’on guettait mes absences. À un moment donné, j’avais tellement peur, que j’appelais systématiquement la police lorsque j’en trouvais une. Je disais qu’il me semblait avoir vu un rôdeur, une patrouille venait, et ça me rassurait.

Bien sûr, je ne pouvais pas mentionner le véritable motif de mon inquiétude.

- Mais qui a pu vous envoyer ces lettres ? demanda Roth. Qui savait pour vous et Nola ?

- Je n’en ai pas la moindre idée. Ça a duré en tout cas six mois. Ensuite, plus rien.

- Vous les avez conservées ?

- Oui. Chez moi. Entre les pages d’une grande encyclopédie, dans mon bureau.

J’imagine que la police ne les a pas trouvées car personne ne m’en a parlé.

De retour à Goose Cove, je mis immédiatement la main sur l’encyclopédie à laquel e il faisait référence. Dissimulée entre les pages, je trouvai une enveloppe en kraft contenant une dizaine de petites feuil es. Des lettres, sur du papier jauni. Un message identique et tapé à la machine à écrire figurait sur chacune d’entre elles : Je sais ce que vous avez fait à cette gamine de 15 ans.

Et bientôt toute la ville saura.

Quelqu’un était donc au courant pour Harry et Nola.

Quelqu’un qui avait gardé le silence pendant trente-trois ans.

Durant les deux jours qui suivirent, je m’efforçai d’interroger toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, auraient pu connaître Nola. Erne Pinkas, une fois de plus, me fut d’une aide précieuse dans cette entreprise : ayant retrouvé, dans les archives de la bibliothèque, le yearbook du lycée d’Aurora, année 1975, il parvint à me

dresser, grâce à l’annuaire et à Internet, une liste des coordonnées actuelles d’une grande partie de ceux des anciens camarades de classe qui vivaient encore dans la région. Malheureusement, cette démarche ne fut guère fructueuse : tous ces gens avaient certes aujourd’hui la cinquantaine, mais ils n’avaient à me raconter que des souvenirs d’enfants, sans grand intérêt pour l’avancée de l’enquête. Jusqu’à ce que je réalise que l’un des noms de la liste ne m’était pas inconnu : Nancy Hattaway. Celle dont Harry m’avait dit qu’elle avait servi d’alibi à Nola lors de leur escapade à Rockland.

D’après les informations fournies par Pinkas, Nancy Hattaway tenait un magasin de couture et de patchworks, situé dans un complexe industriel un peu en dehors de la ville, sur la route 1, en direction du Massachusetts. Je m’y rendis pour la première fois le jeudi 26 juin 2008. C’était une jolie boutique à la devanture pleine de couleurs, coincée entre un snack et une quincaillerie. La seule personne que je trouvai à l’intérieur fut une dame dans le début de la cinquantaine, les cheveux grisonnants et courts. Elle était assise à un bureau, des lunettes de lecture sur les yeux, et après qu’elle m’eut salué courtoisement, je lui demandai :

- Êtes-vous Nancy Hattaway ?

- C’est moi-même, répondit-elle en se levant. Est-ce qu’on se connaît ? Votre visage me dit quelque chose.

- Je m’appelle Marcus Goldman. Je suis…

- Écrivain, me coupa-t-elle. Ça me revient, maintenant. On dit que vous posez beaucoup de questions sur Nola.

Elle semblait sur la défensive. D’ail eurs, elle ajouta immédiatement :

- J’imagine que vous n’êtes pas là pour mes patchworks.

- Effectivement. Et il est également exact que je m’intéresse à la mort de Nola Kel ergan.

- En quoi cela me concerne ?

- Si vous êtes bien celle que je crois, vous avez très bien connu Nola. Quand vous aviez quinze ans.

- Qui vous a dit ça ?

- Harry Quebert.

Elle se leva de sa chaise et se dirigea d’un pas décidé vers la porte. Je pensais qu’elle al ait me demander de partir, mais elle apposa le panneau fermé contre la vitrine et poussa le loquet de l’entrée. Puis el e se tourna vers moi et me demanda :

- Votre café, Monsieur Goldman, vous l’aimez comment ?

Nous passâmes plus d’une heure dans son arrière-boutique.

Elle était bien la Nancy dont m’avait parlé Harry, l’amie de Nola à l’époque. Elle ne s’était jamais mariée et elle avait conservé son nom.

- Vous n’avez jamais quitté Aurora ? lui demandai-je.

- Jamais. Je suis beaucoup trop attachée à cette ville. Comment m’avez-vous trouvée ?

- Internet, je crois. Internet fait des miracles.

Elle acquiesça.

- Alors ? me demanda-t-elle. Qu’est-ce que vous voulez savoir au juste, Monsieur Goldman ?

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