Nola cacha sa poitrine.
- Ne regarde pas !
- Mais j’ai vu ! Tu as des marques…
- C’est rien.
- Ce n’est pas rien ! Qu’est-ce que c’est ?
- Maman m’a frappée samedi.
- Quoi ? Ne dis pas de sottises…
- C’est la vérité, non ! C’est elle qui me dit que je suis une méchante fille.
- Mais enfin qu’est-ce que tu me racontes ?
- C’est la vérité ! Pourquoi personne ne veut me croire !
Nancy n’osa plus poser de questions et changea de sujet. Après leur baignade, el es allèrent chez les Hattaway. Nancy s’empara du baume de pharmacie dans la salle de bains de sa mère et en appliqua sur les seins meurtris de son amie.
- Nola, dit-elle, pour ta mère… je crois que tu devrais al er parler avec quelqu’un.
Au lycée, peut-être que Madame Sanders, l’infirmière…
- On oublie ça, Nancy. S’il te plaît…
En repensant à son dernier été avec Nola, Nancy eut les larmes aux yeux.
- Que s’était-il passé en Alabama ? demandai-je.
- Je n’en sais rien. Je ne l’ai jamais su. Nola ne me l’a jamais dit.
- Est-ce lié à leur départ ?
- Je ne sais pas. J’aimerais pouvoir vous aider, mais je ne sais pas.
- Et ce chagrin d’amour, saviez-vous de qui il s’agissait ?
- Non, répondit Nancy.
Je me doutais qu’il était lié à Harry; j’avais cependant besoin de savoir si elle-
même le savait.
- Mais vous étiez au courant qu’el e voyait quelqu’un, dis-je. Si je ne me trompe pas, c’était l’époque où vous vous serviez d’alibi mutuel pour aller voir des garçons.
Elle esquissa un sourire.
- Je vois que vous êtes bien renseigné… Les premières fois où nous l’avons fait, c’était pour aller passer une journée à Concord. Pour nous, Concord, c’était la grande aventure, il y avait toujours quelque chose à y faire. Nous avions l’impression d’être des grandes dames. Ensuite nous avons remis ça, moi pour aller seule sur le bateau de mon petit ami de l’époque, et elle pour… Vous savez, à l’époque je me doutais déjà que Nola voyait un homme plus âgé. Elle m’en parlait à demi-mot.
- Donc vous saviez, pour elle et Harry Quebert…
Elle répondit spontanément :
- Mon Dieu, non !
- Comment ça, non ? Vous venez de me dire que Nola voyait un homme plus âgé.
Il y eut un silence gênant. Je compris alors que Nancy avait connaissance d’une information qu’elle n’avait aucune envie de partager.
- Qui était cet homme ? demandai-je. Ce n’était pas Harry Quebert, hein ?
Madame Hattaway, je sais que vous ne me connaissez pas, que je débarque comme ça et que je vous force à fouiller dans votre mémoire. Si j’avais plus de temps devant moi, je ferais les choses mieux. Mais le temps presse : Harry Quebert croupit en prison alors que j’ai la conviction qu’il n’a pas tué Nola. Donc, si vous savez quelque chose qui peut m’aider, vous devez me le dire.
- J’ignorais tout pour Harry, confia-t-elle. Nola ne me l’a jamais dit. Je l’ai appris par la télévision il y a dix jours, comme tout le monde… Mais el e m’a parlé d’un homme. Oui, je savais qu’elle avait eu une liaison avec un homme beaucoup plus âgé.
Mais cet homme n’était pas Harry Quebert.
Je restai complètement abasourdi.
- Mais quand était-ce ? demandai-je.
- Je ne me rappelle plus de toute l’histoire en détail, cela fait trop longtemps, mais je puis vous assurer qu’à l’été 1975, l’été où Harry Quebert a débarqué ici, Nola a entretenu une relation avec un homme d’une quarantaine d’années.
- Quarante ans ? Est-ce que vous vous rappelez de son nom ?
- Ça, je ne risque pas de l’oublier. C’était Elijah Stern, probablement un des hommes les plus riches du New Hampshire.