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- Mais alors, si c’était son sac, c’est qu’el e l’a pris avec el e. Et si el e l’a pris, c’est qu’elle partait quelque part, non ? Monsieur Kellergan, je sais que c’est dur à imaginer, mais pensez-vous que Nola ait pu s’enfuir ?

- Je ne sais plus, Monsieur Goldman. La police m’a déjà posé la question il y a trente ans, et de nouveau il y a quelques jours. Mais il ne manque aucun objet ici. Ni vêtements, ni argent, rien. Regardez, sa tirelire est là, sur son étagère, toujours pleine.

(Il se saisit d’un pot à biscuits sur un rayonnage supérieur.) Regardez, il y a cent vingt dollars ! Cent vingt dol ars ! Pourquoi les aurait-el e laissés ici si el e avait fugué ? La police dit qu’il y avait ce maudit bouquin dans son sac. Est-ce que c’est vrai ?

- Oui.

Les questions continuaient à danser dans ma tête : pourquoi Nola aurait-elle fui sans emporter ni vêtements, ni argent ? Pourquoi n’aurait-el e emporté que ce manuscrit ?

Dans le garage, le disque termina de jouer sa dernière plage et le père se précipita pour le remettre au début. Je ne voulus pas le déranger plus longtemps : je le saluai et m’en al ai, prenant au passage une photographie de la Harley-Davidson.

De retour à Goose Cove, j’allai boxer sur la plage. À ma grande surprise, je fus bientôt rejoint par le sergent Gahalowood qui arriva de la maison. J’avais mes écouteurs dans les oreilles et je ne le remarquai que lorsqu’il me tapota les épaules.

- Vous êtes en forme, me dit-il en contemplant mon torse nu, essuyant sa main pleine de ma sueur sur son pantalon.

- J’essaie de me maintenir.

Je sortis mon enregistreur de ma poche pour l’éteindre.

- Un lecteur de minidisques ? fit-il de son ton désagréable. Savez-vous qu’Apple a révolutionné le monde et qu’on peut désormais stocker la musique de façon quasi il imitée sur un disque dur portable qu’on appelle iPod ?

- Je n’écoute pas de la musique, sergent.

- Qu’est-ce que vous écoutez en faisant votre sport, alors ?

- Peu importe. Dites-moi plutôt ce qui me vaut l’honneur de votre visite. Un dimanche de surcroît.

- J’ai reçu un appel du Chef Dawn : il m’a raconté l’incendie de vendredi soir. Il est inquiet et je dois avouer que je ne lui donne pas tort : je n’aime pas quand les affaires prennent ce genre de tournure.

- Êtes-vous en train de dire que vous vous inquiétez pour ma sécurité ?

- Pas le moins du monde. Je veux simplement éviter que tout ceci dégénère. On sait bien que les crimes d’enfants créent toujours énormément de remous au sein de la population. Je peux vous assurer que chaque fois qu’on parle de la gamine morte à la télé, il y a, à n’en pas douter, des tas de pères de famille parfaitement civilisés qui se disent prêts à al er couper les couilles de Quebert.

- Sauf que là, c’est moi qui étais visé.

- C’est justement pour ça que je suis là. Pourquoi ne pas m’avoir dit que vous aviez reçu une lettre anonyme ?

- Parce que vous m’avez foutu hors de votre bureau.

- Ce n’est pas faux.

- Je vous offre une bière, sergent ?

Il eut une brève hésitation puis il accepta. Nous remontâmes à la maison et j’allai chercher deux bouteilles que nous bûmes sur la terrasse. Je racontai comment la veille au soir, en rentrant de Grand Beach, j’avais croisé l’incendiaire.

- Impossible de le décrire, dis-je. Il était masqué. C’était une silhouette. Et de nouveau ce même message : Goldman, rentre chez toi. Ça fait le troisième.

- Le Chef Dawn m’en a parlé. Qui sait que vous menez votre propre enquête ?

- Tout le monde. Je veux dire : je passe ma journée à poser des questions à tous ceux que je rencontre. Ça pourrait être n’importe qui. Vous pensez à quoi ? Quelqu’un qui ne voudrait pas que je creuse cette histoire ?

- Quelqu’un qui ne voudrait pas que vous découvriez la vérité à propos de Nola.

Comment avance votre enquête d’ailleurs ?

- Mon enquête ? Parce que vous vous y intéressez à présent ?

- Peut-être. Disons que votre cote de crédibilité est montée en flèche depuis qu’on vous menace pour vous faire taire.

- J’ai parlé au père Kellergan. C’est un brave type. Il m’a montré la chambre de Nola. Je me doute que vous l’avez visitée aussi…

- Oui.

- Alors si c’est une fugue, comment expliquez-vous qu’el e n’ait rien emporté avec el e ? Ni vêtements, ni argent, ni rien.

- Parce que ce n’était pas une fugue, me dit Gahalowood.

- Mais alors, si c’était un enlèvement, pourquoi n’y aurait-il pas de traces de lutte ? Et pourquoi aurait-el e emporté ce sac avec ce manuscrit ?

- Il aurait suffi qu’el e connaisse son meurtrier. Peut-être même vivaient-ils une relation ensemble. Il sera alors apparu à sa fenêtre, comme il le faisait peut-être parfois, et il l’aura convaincue de le suivre. Peut-être juste pour faire quelques pas dehors.

- Vous parlez de Harry, là.

- Oui.

- Donc quoi ? Elle prend le manuscrit et sort par la fenêtre ?

- Qui vous dit qu’elle a emporté ce manuscrit ? Qui vous dit qu’elle a jamais eu ce manuscrit entre les mains ? Ça, c’est l’explication de Quebert, sa façon de justifier la présence de son manuscrit avec le cadavre de Nola.

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