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- Le monde entier est en train de devenir un McDonald’s, Monsieur Goldman.

- Mais qu’est-il arrivé à la paroisse ?

- Pendant des années, elle se portait à merveille. Puis il y a eu la disparition de ma Nola, et tout a changé. Enfin une seule chose a changé : j’ai cessé de croire en Dieu. Si Dieu existait vraiment, les enfants ne pourraient pas disparaître. Je me suis mis à faire n’importe quoi, mais personne n’a osé me mettre à la porte. Peu à peu, la communauté s’est de nouveau dispersée. Il y a quinze ans, la paroisse d’Aurora a fusionné avec cel e de Montburry, pour des raisons économiques. Ils ont vendu le bâtiment. Les fidèles vont à Montburry maintenant le dimanche. Après la disparition, je n’ai plus jamais été en mesure de reprendre mes fonctions, même si je n’ai officiellement démissionné que six ans plus tard. La paroisse me verse toujours une pension. Et el e m’a cédé la maison pour une bouchée de pain.

David Kellergan me décrivit ensuite les années de vie heureuse et insouciante à Aurora. Les plus belles de sa vie selon lui. Il se rappelait ces soirs d’été où il autorisait Nola à veil er pour lire sous la marquise; il aurait voulu que les étés ne finissent jamais.

Il me raconta également que sa fil e mettait consciencieusement de côté l’argent qu’elle gagnait au Clark’s tous les samedis; elle disait qu’avec cette somme, elle irait en Californie pour devenir une actrice. Lui-même était si fier d’aller au Clark’s et d’entendre combien les clients, combien la mère Quinn étaient satisfaits d’elle. Pendant longtemps, après sa disparition, il s’était demandé si el e était partie en Californie.

- Pourquoi partie ? demandai-je. Vous voulez dire qu’el e aurait fugué ?

- Fugué ? Pourquoi aurait-elle fugué ? s’indigna-t-il.

- Et Harry Quebert ? Vous le connaissez bien ?

- Non. À peine. Je l’ai croisé quelques fois.

- À peine ? m’étonnai-je. Pourtant vous habitez la même ville depuis trente ans.

- Je ne connais pas tout le monde, Monsieur Goldman. Et puis, vous savez, je vis plutôt reclus. Est-ce que tout ceci est la vérité ? Harry Quebert et Nola ? A-t-il écrit ce livre pour el e ? Qu’est-ce que ce livre signifie, Monsieur Goldman ?

- Pour être très franc avec vous, je crois que votre fille aimait Harry et que c’était réciproque. Ce livre raconte l’histoire d’un amour impossible entre deux personnes qui ne sont pas issues de la même classe sociale.

- Je sais, s’écria-t-il. Je sais ! Mais alors quoi, Quebert a remplacé perversion par classe sociale pour se donner une dignité, et il a vendu des mil ions de bouquins ? Un bouquin qui raconte des histoires obscènes avec ma fil e, avec ma petite Nola, que toute l’Amérique a lu et magnifié pendant trente ans !

Le révérend Kel ergan s’était emporté, ses derniers mots avaient été prononcés dans un accès de violence que je n’aurais jamais pu soupçonner de la part d’un homme d’apparence si frêle. Il se tut un instant et tourna en rond dans la pièce comme s’il avait besoin d’évacuer sa colère. La musique hurlait toujours en arrière-fond sonore. Je lui dis :

- Harry Quebert n’a pas tué Nola.

- Comment pouvez-vous en être si sûr ?

- On n’est jamais sûr de rien, Monsieur Kellergan. C’est pour ça que l’existence est parfois si compliquée.

Il eut une moue.

- Que voulez-vous savoir, Monsieur Goldman ? Si vous êtes ici, c’est que vous devez avoir des questions à me poser ?

- J’essaie de comprendre ce qui a pu se passer. Le soir où votre fil e a disparu, vous n’avez rien entendu ?

- Rien.

- Certains voisins ont déclaré à l’époque avoir entendu des cris.

- Des cris ? Il n’y a pas eu de cris. Il n’y avait jamais de cris dans cette maison.

Pourquoi y en aurait-il eu d’ailleurs ? Ce jour-là, j’étais occupé dans le garage. Toute l’après-midi. Sur le coup de dix-neuf heures, j’ai commencé à préparer le repas. Je suis al é la chercher dans sa chambre pour qu’elle m’aide, mais elle n’y était plus. Je me suis d’abord dit qu’elle était peut-être partie faire un tour, bien que ce ne fût pas dans ses habitudes. J’ai attendu un peu et puis, comme je m’inquiétais, je suis allé faire le tour du quartier. Je n’ai pas fait cent mètres sur le trottoir que je suis tombé sur un attroupement : les voisins venaient se prévenir mutuellement qu’une jeune femme avait été vue à Side Creek en sang, et que des véhicules de police affluaient de toute la région et bouclaient les environs. Je me suis rué dans la première maison pour téléphoner à la police, pour les prévenir que c’était peut-être Nola… Sa chambre était au rez-de-chaussée, Monsieur Goldman. J’ai passé plus de trente ans à me demander ce que ma fil e était devenue. Et je me suis longtemps dit que si j’avais eu d’autres enfants, je les aurais fait dormir dans le grenier. Mais il n’y a pas eu d’autres enfants.

- Avez-vous remarqué un comportement étrange chez votre fille, l’été de sa disparition ?

- Non. Je ne sais plus. Je ne crois pas. Voilà une autre question que je me pose souvent et à laquel e je ne peux pas répondre.

Il se souvenait néanmoins que cet été-là, alors que les vacances scolaires venaient de débuter, Nola lui avait parfois semblé très mélancolique. Il avait mis ça sur le compte de l’adolescence. Je demandai ensuite à pouvoir visiter la chambre de sa fille; il m’y escorta en gardien de musée, m’ordonnant : « Surtout, ne touchez à rien. »

Depuis la disparition, il avait laissé la pièce intacte. Tout était là : le lit, l’étagère remplie de poupées, la petite bibliothèque, le pupitre sur lequel étaient étalés pêle-mêle des stylos, une longue règle en fer et des feuilles de papier jauni. C’était du papier de correspondance, le même que celui sur lequel avait été écrit le mot à Harry.

- Elle trouvait ce papier dans une papeterie de Montburry, m’expliqua le père lorsqu’il vit que je m’y intéressais. Elle l’adorait. Elle en avait toujours sur elle, elle l’utilisait pour ses notes, pour laisser un mot. Ce papier, c’était elle. Elle en avait toujours plusieurs blocs de réserve.

Il y avait également, rangée dans un coin de la chambre, une Remington portable.

- C’était la sienne ? demandai-je.

- La mienne. Mais el e s’en servait aussi. L’été de la disparition, elle l’utilisait très souvent. Elle disait qu’elle avait des documents importants à taper. Il lui arrivait même régulièrement de l’emporter hors de la maison. Je lui proposais de l’emmener, mais el e ne voulait jamais. Elle partait à pied, la traînant à bout de bras.

- La chambre était donc telle quelle au moment de la disparition de votre fille ?

- Tout était exactement dans cette disposition. Cette pièce vide, c’est cel e que

j’ai vue en venant la chercher. La fenêtre était grande ouverte et un vent léger faisait s’agiter les rideaux.

- Vous pensez que quelqu’un s’est introduit dans sa chambre, ce soir-là, et l’a emmenée de force ?

- Je ne saurais pas vous dire. Je n’ai rien entendu. Mais comme vous pouvez le voir, il n’y avait aucune trace de lutte.

- La police a retrouvé un sac avec el e. Un sac avec son nom frappé à l’intérieur.

- Oui, on m’a même demandé de l’identifier. C’était mon cadeau pour son quinzième anniversaire. Elle avait vu ce sac à Montburry, un jour où nous y étions ensemble. Je me rappelle encore la boutique, dans la rue principale. J’y étais retourné le lendemain pour l’acheter. Et j’avais fait frapper son nom à l’intérieur, chez un sellier.

J’essayai d’étayer une hypothèse :

Are sens