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- Dans le New Hampshire. Je dois al er défendre Harry.

Douglas répondit avec ce bon sens très terre à terre qui caractérise les natifs du Midwest :

- Surtout pas, Marc. Ne va pas là-bas. Ne va pas te fourrer dans ce merdier.

- Harry m’a téléphoné…

- Quand ? Aujourd’hui ?

- Vers une heure cet après-midi. J’imagine que j’étais le coup de fil auquel il avait droit. Je dois al er le soutenir ! C’est très important.

- Important ? Ce qui est important c’est ton second bouquin. J’espère que tu ne m’as pas mené en bateau et que tu auras bien un manuscrit pour la fin du mois.

Barnaski est sur le point de te lâcher. Est-ce que tu te rends compte de ce qui va arriver à Harry ? Ne te fous pas dans ce merdier, Marc, t’es trop jeune ! Ne bousille pas ta carrière.

Je ne répondis rien. À la télévision, l’assistant du procureur de l’État venait de se présenter devant un parterre de journalistes. Il énuméra les charges qui pesaient sur Harry : enlèvement au premier degré et double meurtre au premier degré. Harry était officiellement accusé d’avoir assassiné Deborah Cooper et Nola Kellergan. Et pour l’enlèvement et les meurtres, cumulés ensemble, il encourait la peine de mort.

La chute de Harry ne faisait que commencer. Les images de l’audience préliminaire qui se tint le lendemain firent le tour du pays. Sous l’œil de dizaines de caméras de télévision et les rafales des flashs de photographes, on le vit arriver dans la sal e du tribunal, menotté et encadré par des policiers. Il avait l’air très éprouvé : la mine sombre, pas rasé, les cheveux ébouriffés, la chemise déboutonnée, les yeux gonflés.

Benjamin Roth, son avocat, était à ses côtés. Roth était un praticien réputé de Concord, qui l’avait souvent conseil é par le passé et que je connaissais un peu pour l’avoir croisé quelquefois à Goose Cove.

Le miracle de la télévision permit à toute l’Amérique de suivre en direct cette audience qui vit Harry plaider non coupable des crimes dont on l’accusait, et le juge prononcer sa mise en détention provisoire dans la prison d’État pour hommes du New Hampshire. Ce n’était que le début de la tempête : à cet instant, j’avais encore l’espoir naïf d’une issue rapide, mais une heure après l’audience, je reçus un appel de Benjamin Roth.

- Harry m’a donné votre numéro, me dit-il. Il a insisté pour que je vous téléphone, il veut vous dire qu’il est innocent et qu’il n’a tué personne.

- Je sais qu’il est innocent ! Répondis-je. J’en suis persuadé. Comment va-t-il ?

- Mal, comme vous pouvez l’imaginer. Les flics lui ont mis la pression. Il a reconnu avoir eu une histoire avec Nola, l’été qui a précédé sa disparition.

- J’étais au courant pour Nola. Mais pour le reste ?

Roth hésita une seconde avant de répondre :

- Il nie. Mais…

Il s’interrompit.

- Mais quoi ? Demandai-je, inquiet.

- Marcus, je ne vous cache pas que ça va être difficile. Ils ont du lourd.

- Qu’est-ce que vous entendez par du lourd ? Parlez, bon sang ! Je dois savoir !

- Ça doit rester entre nous. Personne ne doit l’apprendre.

- Je ne dirai rien. Vous pouvez avoir confiance.

- Avec les restes de la gamine, les enquêteurs ont retrouvé le manuscrit des Origines du mal.

- Quoi ?

- Comme je vous dis : le manuscrit de ce foutu bouquin était enterré avec elle.

Harry est dans un sacré pétrin.

- S’en est-il expliqué ?

- Oui. Il dit qu’il a écrit ce livre pour el e. Qu’elle était toujours fourrée chez lui, à Goose Cove, et qu’il arrivait qu’elle emprunte ses feuil ets pour les lire. Il dit que quelques jours avant de disparaître, elle avait pris le manuscrit avec elle.

- Quoi ? M’écriai-je. Il a écrit ce bouquin pour el e ?

- Oui. Il ne faut à aucun prix que cela s’ébruite. Je vous laisse imaginer le scandale si les médias apprenaient que l’un des livres les plus vendus de ces cinquante dernières années en Amérique n’est pas le simple récit d’une histoire d’amour, comme tout le monde se l’imagine, mais le fruit d’une relation amoureuse illégale entre un type de trente-quatre ans et une fille de quinze…

- Pensez-vous pouvoir le faire libérer sous caution ?

- Sous caution ? Vous n’avez pas compris la gravité de la situation, Marcus : il n’y a pas de liberté sous caution lorsqu’on parle de crime capital. Harry risque une

injection létale. D’ici une dizaine de jours, il sera présenté à un grand jury qui décidera de la poursuite des charges et de la tenue d’un procès. Ce n’est souvent qu’une formalité, il n’y a aucun doute qu’il y aura un procès. D’ici six mois, peut-être un an.

- Et entre-temps ?

- Il devra rester en prison.

- Mais s’il est innocent ?

- C’est la loi. Je vous le répète, la situation est très grave. On l’accuse d’avoir assassiné deux personnes.

Je m’effondrai dans mon canapé. Il fallait que je parle à Harry.

- Dites-lui de m’appeler ! Insistai-je auprès de Roth. C’est très important.

- Je lui ferai le message…

- Dites-lui que je dois impérativement lui parler et que j’attends son appel !

Immédiatement après avoir raccroché, je ressortis Les Origines du mal de ma bibliothèque. En première page, il y avait la dédicace du Maître : À Marcus, mon plus brillant élève.

Avec toutes mes amitiés

H.L. Quebert, mai 1999

Je me replongeai dans ce livre que je n’avais plus rouvert depuis des années.

C’était une histoire d’amour, mêlant récit et passages épistolaires; l’histoire d’un homme et d’une femme qui s’aimaient sans avoir vraiment le droit de s’aimer. Ainsi avait-il écrit ce livre pour cette mystérieuse fille dont je ne savais encore rien. Lorsque, au cœur de la nuit, j’eus terminé de le relire, je m’arrêtai longuement sur le titre. Et pour la première fois je m’interrogeai sur sa signification : pourquoi Les Origines du mal ? De quel mal Harry parlait-il ?

Il s’écoula trois jours, pendant lesquels les analyses ADN et les empreintes dentaires confirmèrent que le squelette découvert à Goose Cove était bien celui de Nola Kellergan. L’examen des ossements permit d’établir qu’il s’agissait d’un enfant d’une quinzaine d’années, ce qui indiquait que Nola était morte plus ou moins au moment de sa disparition. Mais surtout, une fracture de l’arrière de son crâne permettait d’affirmer avec certitude, même plus de trente ans après les faits, que la victime était morte d’au moins un coup qu’elle avait reçu : Nola Kellergan avait été battue à mort.

Je n’avais aucune nouvelle de Harry. J’essayai pourtant d’entrer en contact avec lui via la police d’État, la prison ou encore Roth, mais sans succès. Je tournais en rond dans mon appartement, j’étais taraudé par des milliers de questions, j’étais tracassé par son mystérieux appel. À la fin du week-end, n’y tenant plus, je considérai que je n’avais guère d’autre choix que d’aller voir ce qui se passait dans le New Hampshire.

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