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- Des ennuis ? Mais quels ennuis ? Vous ne pouvez pas partir ! Harry, vous ne pouvez pas partir ! Si vous partez, je vais mourir !

- Non ! Ne dis jamais ça !

Elle tomba à genoux.

- Ne partez pas, Harry ! Au nom du Ciel ! Je ne suis rien sans vous !

Il se laissa tomber au sol à côté d’elle.

- Nola… Il faut que je te dise… J’ai menti depuis le début. Je ne suis pas un écrivain célèbre… J’ai menti ! J’ai menti sur tout ! Sur moi, sur ma carrière ! Je n’ai plus d’argent ! Plus rien ! Je n’ai pas les moyens de rester plus longtemps dans cette maison. Je ne peux plus rester à Aurora.

- Nous trouverons une solution ! Je n’ai aucun doute que vous allez devenir un écrivain très célèbre. Vous allez gagner beaucoup d’argent ! Votre premier livre était formidable, et ce livre que vous écrivez en ce moment avec tant d’ardeur, ce sera un grand succès, j’en suis certaine ! Je ne me trompe jamais !

- Ce livre, Nola, ce ne sont que des horreurs. Ce ne sont que des mots horribles.

- Que sont des mots horribles ?

- Des mots sur toi que je ne devrais pas écrire. Mais c’est à cause de ce que je ressens.

- Et que ressentez-vous, Harry ?

- De l’amour. Tel ement d’amour !

- Mais alors ces mots, faites-en de beaux mots ! Mettez-vous au travail ! Écrivez de beaux mots !

Elle le prit par la main, elle l’installa sur la terrasse. Elle lui apporta ses feuillets,

ses carnets, ses stylos. Elle fit du café, fit jouer un disque d’opéra et ouvrit les fenêtres du salon pour qu’il l’entende bien. Elle savait que la musique l’aidait à se concentrer.

Docilement, il rassembla ses esprits et se mit à tout recommencer; il se mit à écrire un roman d’amour, comme si Nola et lui, c’était possible. Il écrivit pendant deux bonnes heures, les mots venaient d’eux-mêmes, les phrases se dessinaient parfaitement, naturellement, jaillissant de son stylo qui dansait sur le papier. Pour la première fois depuis qu’il était là, il eut l’impression que son roman était véritablement en train de naître.

Lorsqu’il leva les yeux de sa feuil e, il remarqua que Nola, installée sur un fauteuil en osier, en retrait pour ne pas le déranger, s’était endormie. Le soleil était superbe, il faisait très chaud. Et soudain, avec son roman, avec Nola, avec cette maison au bord de l’océan, il lui sembla que sa vie était une vie merveilleuse. Il lui sembla même que quitter Aurora n’était pas une mauvaise chose : il terminerait son roman à New York, il deviendrait un grand écrivain, et il attendrait Nola. Au fond, partir ne signifiait pas la perdre. Au contraire peut-être. Dès la fin de son lycée, elle pourrait venir à l’université à New York. Et ils seraient ensemble. D’ici là, ils s’écriraient, ils se verraient pendant les vacances. Les années s’écouleraient et bientôt, leur amour ne serait plus un amour interdit. Il réveilla Nola, doucement. Elle sourit et s’étira.

- Avez-vous bien écrit ?

- Très.

- Formidable ! Pourrais-je lire ?

- Bientôt. C’est promis.

Un vol de mouettes passa au-dessus de l’eau.

- Mettez des mouettes ! Mettez des mouettes dans votre roman !

- Il y en aura à chaque page, Nola. Et si nous partions quelques jours faire ce voyage à Martha’s Vineyard ? Il y a une chambre de libre la semaine prochaine.

Elle rayonna :

- Oui ! Partons ! Partons ensemble.

- Mais que diras-tu à tes parents ?

- Ne vous inquiétez pas, Harry chéri. Je m’occupe de mes parents. Souciez-vous d’écrire votre chef-d’œuvre et de m’aimer. Alors vous restez ?

- Non, Nola. Je dois partir à la fin du mois parce que je ne peux plus payer cette maison.

- La fin du mois ? Mais c’est maintenant.

- Je sais.

Ses yeux se mouillèrent de larmes :

- Ne partez pas, Harry !

- New York, ce n’est pas loin. Tu viendras me rendre visite. Nous nous écrirons.

Nous nous téléphonerons. Et pourquoi ne viendrais-tu pas à l’université là-bas ? Tu m’as dit que tu rêvais de voir New York.

- L’université ? Mais c’est dans trois ans ! Trois ans sans vous, je ne peux pas, Harry ! Je ne tiendrai pas le coup !

- Ne t’en fais pas, le temps passera vite. Quand on s’aime, le temps vole.

- Ne me quittez pas, Harry. Je ne veux pas que Martha’s Vineyard soit notre voyage d’adieu.

- Nola, je n’ai plus d’argent. Je ne peux plus rester ici.

- Non Harry, pitié. Nous trouverons une solution. Est-ce que vous m’aimez ?

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