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de sa vertu il voudra vivre encore et ne plus vivre.

J’aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. Il y a plus de vertus en une vertu qu’en deux vertus, c’est un nœud où s’accroche la destinée.

J’aime celui dont l’âme se dépense, celui qui ne veut pas qu’on lui dise merci et qui ne

restitue point : car il donne toujours et ne veut point se conserver.

J’aime celui qui a honte de voir le dé tomber en sa faveur et qui demande alors : suis-je

donc un faux joueur ? – car il veut périr.

J’aime celui qui jette des paroles d’or au-devant de ses œuvres et qui tient toujours plus

qu’il ne promet : car il veut son déclin.

J’aime celui qui justifie ceux de l’avenir et qui délivre ceux du passé, car il veut que ceux d’aujourd’hui le fassent périr.

J’aime celui qui châtie son Dieu, parce qu’il aime son Dieu : car il faut que la colère de

son Dieu le fasse périr.

J’aime celui dont l’âme est profonde, même dans la blessure, celui qu’une petite aventure peut faire périr : car ainsi, sans hésitation, il passera le pont.

J’aime celui dont l’âme déborde au point qu’il s’oublie lui-même, et que toutes choses

soient en lui : ainsi toutes choses deviendront son déclin.

J’aime celui qui est libre de cœur et d’esprit : ainsi sa tête ne sert que d’entrailles à son cœur, mais son cœur l’entraîne au déclin.

J’aime tous ceux qui sont comme de lourdes gouttes qui tombent une à une du sombre

nuage suspendu sur les hommes : elles annoncent l’éclair qui vient, et disparaissent en visionnaires.

Voici, je suis un visionnaire de la foudre, une lourde goutte qui tombe de la nue : mais

cette foudre s’appelle le Surhomme.

5.

Quand Zarathoustra eut dit ces mots, il considéra de nouveau le peuple et se tut, puis il

dit à son cœur : « Les voilà qui se mettent à rire ; ils ne me comprennent point, je ne suis pas la bouche qu’il faut à ces oreilles.

Faut-il d’abord leur briser les oreilles, afin qu’ils apprennent à entendre avec les yeux ?

Faut-il faire du tapage comme les cymbales et les prédicateurs de carême ? Ou n’ont-ils foi que dans les bègues ?

Ils ont quelque chose dont ils sont fiers. Comment nomment-ils donc ce dont ils sont fiers ? Ils le nomment civilisation, c’est ce qui les distingue des chevriers.

C’est pourquoi ils n’aiment pas, quand on parle d’eux, entendre le mot de « mépris ». Je

parlerai donc à leur fierté.

Je vais donc leur parler de ce qu’il y a de plus méprisable : je veux dire le dernier homme. »

Et ainsi Zarathoustra se mit à parler au peuple :

Il est temps que l’homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l’homme plante le

germe de sa plus haute espérance.

Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et

aucun grand arbre ne pourra plus y croître.

Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne jettera plus par-dessus les hommes la

flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer !

Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une

étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos.

Malheur ! Les temps son proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde.

Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même.

Voici ! Je vous montre le dernier homme.

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