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– qui s’aiment avec le grand amour, avec le grand mĂ©pris ! » Ainsi parle Zarathoustra,

l’impie. –

Mais pourquoi parler, quand personne n’a mes oreilles ! Il est encore une heure trop tît pour moi.

Je suis parmi ce peuple mon propre précurseur, mon propre chant du coq dans les rues

obscures.

Mais leur heure vient ! Et vient aussi la mienne ! D’heure en heure ils deviennent plus petits, plus pauvres, plus stĂ©riles, – pauvre herbe ! pauvre terre !

BientĂŽt ils seront devant moi comme de l’herbe sĂšche, comme une steppe, et, en vĂ©ritĂ©, fatiguĂ©s d’eux-mĂȘmes, – et plutĂŽt que d’eau, altĂ©rĂ©s de feu !

Ô heure bienheureuse de la foudre ! Ô mystĂšre d’avant midi ! – un jour je ferai d’eux des feux courants et des prophĂštes aux langues de flammes : – ils prophĂ©tiseront avec des

langues de flammes : il vient, il est proche, le Grand Midi !

Ainsi parlait Zarathoustra.

Sur le mont des oliviers

L’hiver, hĂŽte malin, est assis dans ma demeure mes mains sont bleues de l’étreinte de son

amitié.

Je l’honore, cet hĂŽte malin, mais j’aime Ă  le laisser seul. J’aime Ă  lui Ă©chapper ; et si l’on court bien, on finit par y parvenir.

Avec les pieds chauds, les pensĂ©es chaudes, je cours oĂč le vent se tient coi, – vers le coin ensoleillĂ© de ma montagne des Oliviers.

C’est là que je ris de mon hîte rigoureux, et je lui suis reconnaissant d’attraper chez moi les mouches et de faire beaucoup de petits bruits.

Car il n’aime pas Ă  entendre bourdonner une mouche, ou mĂȘme deux ; il rend solitaire

jusqu’à la rue, en sorte que le clair de lune se met à avoir peur la nuit.

Il est un hĂŽte dur, – mais je l’honore, et je ne prie pas le dieu ventru du feu, comme font les effĂ©minĂ©s.

Il vaut encore mieux claquer des dents que d’adorer les idoles ! – telle est ma nature. Et

j’en veux surtout à toutes les idoles du feu, qui sont ardentes, bouillonnantes et mornes.

Quand j’aime quelqu’un, je l’aime en hiver mieux qu’en Ă©tĂ© ; je me moque mieux de mes ennemis, je m’en moque avec le plus de courage, depuis que l’hiver est dans la maison.

Avec courage, en vĂ©ritĂ©, mĂȘme quand je me blottis dans mon lit : – car alors mon bonheur enfoui rit et fanfaronne encore, et mon rĂȘve mensonger se met Ă  rire lui aussi.

Pourquoi ramper ? jamais encore, de toute ma vie, je n’ai rampĂ© devant les puissants ; et

si j’ai jamais menti, ce fut par amour. C’est pourquoi je suis content mĂȘme dans un lit d’hiver.

Un lit simple me rĂ©chauffe mieux qu’un lit luxueux, car je suis jaloux de ma pauvretĂ©.

Et c’est en hiver que ma pauvretĂ© m’est le plus fidĂšle.

Je commence chaque jour par une mĂ©chancetĂ©, je me moque de l’hiver en prenant un bain froid : c’est ce qui fait grogner mon ami sĂ©vĂšre.

J’aime aussi Ă  le chatouiller avec un petit cierge : afin qu’il permette enfin au ciel de sortir de l’aube cendrĂ©e.

Car c’est surtout le matin que je suis mĂ©chant : Ă  la premiĂšre heure, quand les seaux grincent Ă  la fontaine, et que les chevaux hennissent par les rues grises : – j’attends alors avec impatience que le ciel s’illumine, le ciel d’hiver Ă  la barbe grise, le vieillard Ă  la tĂȘte blanche, – le ciel d’hiver, silencieux, qui laisse parfois mĂȘme le soleil dans le silence.

Est-ce de lui que j’appris les longs silences illuminĂ©s ? Ou bien est-ce de moi qu’il les a appris ? Ou bien chacun de nous les a-t-il inventĂ©s lui-mĂȘme ?

Toutes les bonnes choses ont une origine multiple, – toutes les bonnes choses folñtres sautent de plaisir dans l’existence : comment ne feraient-elles cela qu’une seule fois !

Le long silence, lui aussi, est une bonne chose folñtre. Et pareil à un ciel d’hiver, mon visage est limpide et le calme est dans mes yeux :

– comme le ciel d’hiver je cache mon soleil et mon inflexible volontĂ© de soleil : en vĂ©ritĂ© j’ai bien appris cet art et cette malice d’hiver !

C’était mon art et ma plus chĂšre mĂ©chancetĂ© d’avoir appris Ă  mon silence de ne pas se

trahir par le silence.

Par le bruit des paroles et des dĂ©s je m’amuse Ă  duper les gens solennels qui attendent :

je veux que ma volonté et mon but échappent à leur sévÚre attention.

Afin que personne ne puisse regarder dans l’abĂźme de mes raisons et de ma derniĂšre volontĂ©, – j’ai inventĂ© le long et clair silence.

J’ai trouvĂ© plus d’un homme malin qui voilait son visage et qui troublait ses

profondeurs, afin que personne ne puisse regarder au travers et voir jusqu’au fond.

Mais c’est justement chez lui que venaient les gens rusĂ©s et mĂ©fiants, amateurs de difficultĂ©s : on lui pĂȘchait ses poissons les plus cachĂ©s !

Cependant, ceux qui restent clairs, et braves, et transparents – sont ceux que leur silence trahit le moins : ils sont si profonds que l’eau la plus claire ne rĂ©vĂšle pas ce qu’il y a au fond.

Silencieux ciel d’hiver Ă  la barbe de neige, tĂȘte blanche aux yeux clairs au-dessus de moi ! Ô divin symbole de mon Ăąme et de la pĂ©tulance de mon Ăąme !

Et ne faut-il pas que je monte sur des Ă©chasses, pour qu’ils ne voient pas mes longues jambes, – tous ces tristes envieux autour de moi ?

Toutes ces Ăąmes enfumĂ©es, renfermĂ©es, usĂ©es, moisies, aigries – comment leur envie saurait-elle supporter mon bonheur ?

C’est pourquoi je ne leur montre que l’hiver et la glace qui sont sur mes sommets – je

ne leur montre pas que ma montagne est entourée de toutes les ceintures de soleil !

Ils n’entendent siffler que mes tempĂȘtes hivernales : et ne savent pas que je passe aussi sur de chaudes mers, pareil Ă  des vents du sud langoureux, lourds et ardents.

Ils ont pitiĂ© de mes accidents et de mes hasards : – mais mes paroles disent : « Laissez

Are sens