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Il est certain qu’on y trouve des perles : c’est ce qui fait qu’ils ressemblent d’autant plus à de durs crustacés. Chez eux j’ai souvent trouvé au lieu d’âme de l’écume salée.

Ils ont pris à la mer sa vanité ; la mer n’est-elle pas le paon le plus vain entre tous les

paons ?

Même devant le buffle le plus laid, elle étale sa roue ; elle déploie sans se lasser la soie et l’argent de son éventail de dentelles.

Le buffle regarde avec colère, son âme est tout près du sable, plus près encore du fourré,

mais le plus près du marécage.

Que lui importe la beauté et la mer et la splendeur du paon ! Tel est le symbole que je

dédie aux poètes.

En vérité leur esprit lui-même est le paon le plus vain entre tous les paons et une mer de

vanité !

L’esprit du poète veut des spectateurs : ne fût-ce que des buffles ! –

Pourtant je me suis fatigué de cet esprit : et je vois venir un temps où il sera fatigué de lui-même.

J’ai déjà vu les poètes se transformer et diriger leur regard contre eux-mêmes.

J’ai vu venir des expiateurs de l’esprit : c’est parmi les poètes qu’ils sont nés. –

Ainsi parlait Zarathoustra.

Des grands événements

Il y a une île dans la mer – non loin des Îles Bienheureuses de Zarathoustra – où se dresse un volcan perpétuellement empanaché de fumée. Le peuple, et surtout les vieilles femmes

parmi le peuple, disent de cette île qu’elle est placée comme un rocher devant la porte de

l’enfer : mais la voie étroite qui descend à cette porte traverse elle-même le volcan.

À cette époque donc, tandis que Zarathoustra séjournait dans les Îles Bienheureuses, il

arriva qu’un vaisseau jeta son ancre dans l’île où se trouve la montagne fumante ; et son

équipage descendit à terre pour tirer des lapins. Pourtant à l’heure de midi, tandis que le capitaine et ses gens se trouvaient de nouveau réunis, ils virent soudain un homme traverser l’air en s’approchant d’eux et une voix prononça distinctement ces paroles : « Il est temps il est grand temps ! » Lorsque la vision fut le plus près d’eux – elle passait très vite pareille à une ombre dans la direction du volcan – ils reconnurent avec un grand effarement que c’était Zarathoustra ; car ils l’avaient tous déjà vu, excepté le capitaine lui-même, ils l’aimaient, comme le peuple aime, mêlant à parties égales l’amour et la crainte.

« Voyez donc ! dit le vieux pilote, voilà Zarathoustra qui va en enfer ! » –

Et à l’époque où ces matelots atterrissaient à l’île de flammes, le bruit courut que Zarathoustra avait disparu ; et lorsque l’on s’informa auprès de ses amis, ils racontèrent qu’il avait pris le large pendant la nuit, à bord d’un vaisseau, sans dire où il voulait aller.

Ainsi se répandit une certaine inquiétude ; mais après trois jours cette inquiétude s’augmenta de l’histoire des marins – et tout le peuple se mit à raconter que le diable avait emporté Zarathoustra. Il est vrai que ses disciples ne firent que rire de ces bruits et l’un d’eux dit même : « Je crois plutôt encore que c’est Zarathoustra qui a emporté le diable. »

Mais, au fond de l’âme, ils étaient tous pleins d’inquiétude et de langueur : leur joie fut donc grande lorsque, cinq jours après, Zarathoustra parut au milieu d’eux.

Et ceci est le récit de la conversation de Zarathoustra avec le chien de feu :

La terre, dit-il, a une peau ; et cette peau a des maladies. Une de ces maladies s’appelle

par exemple : « homme ».

Et une autre de ces maladies s’appelle « chien de feu » : c’est à propos de ce chien que

les hommes se sont dit et se sont laissé dire bien des mensonges.

C’est pour approfondir ce secret que j’ai passé la mer : et j’ai vu la vérité nue, en vérité ! Pieds nus jusqu’au cou.

Je sais maintenant ce qui en est du chien de feu ; et aussi de tous les démons de révolte

et d’immondice, dont les vieilles femmes ne sont pas seules à avoir peur.

Sors de ta profondeur, chien de feu ! me suis-je écrié, et avoue combien ta profondeur

est profonde ! D’où tires-tu ce que tu craches sur nous ?

Tu bois abondamment à la mer : c’est ce que révèle le sel de ta faconde ! En vérité, pour

un chien des profondeurs, tu prends trop ta nourriture de la surface !

Je te tiens tout au plus pour le ventriloque de la terre, et toujours, lorsque j’ai entendu parler les démons de révolte et d’immondice, je les ai trouvés semblables à toi, avec ton

sel, tes mensonges et ta platitude.

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