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chose pour les temps stériles, une bonne consolation pour le sommeil hivernal et les sédentaires.

« Au fond tout est immobile » – : mais le vent du dégel élève sa protestation contre cette parole !

Le vent du dégel, un taureau qui ne laboure point, – un taureau furieux et destructeur qui brise la glace avec des cornes en colère ! La glace cependant – brise les passerelles !

Ô mes frères ! tout ne coule-t-il pas maintenant ? Toutes les balustrades et toutes les passerelles ne sont-elles pas tombées à l’eau ? Qui se tiendrait encore au « bien » et au

« mal » ?

« Malheur à nous ! Gloire à nous ! Le vent du dégel souffle ! » – Prêchez ainsi, mes frères, à travers toutes les rues.

9.

Il y a une vieille folie qui s’appelle bien et mal. La roue de cette folie a tourné jusqu’à présent autour des devins et des astrologues.

Jadis on croyait aux devins et aux astrologues ; et c’est pourquoi l’on croyait que tout était fatalité : « Tu dois, car il le faut ! »

Puis on se méfia de tous les devins et de tous les astrologues et c’est pourquoi l’on crut que tout était liberté : « Tu peux, car tu veux ! »

Ô mes frères ! sur les étoiles et sur l’avenir on n’a fait jusqu’à présent que des suppositions sans jamais savoir : et c’est pourquoi sur le bien et le mal on n’a fait que des suppositions sans jamais savoir !

10.

« Tu ne déroberas point ! Tu ne tueras point ! » Ces paroles étaient appelées saintes jadis : devant elles on courbait les genoux et l’on baissait la tête, et l’on ôtait ses souliers.

Mais je vous demande : où y eut-il jamais de meilleurs brigands et meilleurs assassins

dans le monde, que les brigands et les assassins provoqués par ces saintes paroles ?

N’y a-t-il pas dans la vie elle-même – le vol et l’assassinat ? Et, en sanctifiant ces paroles, n’a-t-on pas assassiné la vérité elle-même ?

Ou bien était-ce prêcher la mort que de sanctifier tout ce qui contredisait et déconseillait la vie ? – Ô mes frères, brisez, brisez-moi les vieilles tables.

11.

Ceci est ma pitié à l’égard de tout le passé que je le vois abandonné, – abandonné à la

grâce, à l’esprit et à la folie de toutes les générations de l’avenir, qui transformeront tout ce qui fut en un pont pour elles-mêmes !

Un grand despote pourrait venir, un démon malin qui forcerait tout le passé par sa grâce

et par sa disgrâce : jusqu’à ce que le passé devienne pour lui un pont, un signal, un héros et un cri de coq.

Mais ceci est l’autre danger et mon autre pitié : – les pensées de celui qui fait partie de la populace ne remontent que jusqu’à son grand-père, – mais avec le grand-père finit le temps.

Ainsi tout le passé est abandonné : car il pourrait arriver un jour que la populace devînt

maître et qu’elle noyât dans des eaux basses l’époque tout entière.

C’est pourquoi, mes frères, il faut une nouvelle noblesse, adversaire de tout ce qui est populace et despote, une noblesse qui écrirait de nouveau le mot « noble » sur des tables

nouvelles.

Car il faut beaucoup de nobles pour qu’il y ait de la noblesse ! Ou bien, comme j’ai dit jadis en parabole : « Ceci précisément est de la divinité, qu’il y ait beaucoup de dieux, mais pas de Dieu ! »

12.

Ô mes frères ! je vous investis d’une nouvelle noblesse que je vous révèle : vous devez

être pour moi des créateurs et des éducateurs, – des semeurs de l’avenir, –

– en vérité, non d’une noblesse que vous puissiez acheter comme des épiciers avec de

l’or d’épicier : car ce qui a son prix a peu de valeur.

Ce n’est pas votre origine qui sera dorénavant votre honneur, mais c’est votre but qui vous fera honneur ! Votre volonté et votre pas en avant qui veut vous dépasser vous-mêmes, – que ceci soit votre nouvel honneur !

En vérité, votre honneur n’est pas d’avoir servi un prince – qu’importent encore les princes ! – ou bien d’être devenu le rempart de ce qui est, afin que ce qui est soit plus solide !

Non que votre race soit devenue courtisane à la cour et que vous ayez appris à être multicolores comme le flamant, debout pendant de longues heures sur les bords plats de l’étang.

Car savoir se tenir debout est un mérite chez les courtisans ; et tous les courtisans croient que la permission d’être assis sera une des félicités dont ils jouiront après la mort !

Ce n’est pas non plus qu’un esprit qu’ils appellent saint ait conduit vos ancêtres en des

terres promises, que je ne loue pas ; car dans le pays où a poussé le pire de tous les arbres, la croix, – il n’y a rien à louer !

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