Que veux-tu, toi qui guettes sur les chemins, que veux-tu, – de moi ?…
Comment ?
Une rançon !
Que veux-tu comme rançon ?
Demande beaucoup – ma fierté te le conseille !
et parle brièvement – c’est le conseil de mon autre fierté !
Ah ! Ah !
C’est moi – moi que tu veux ?
moi – tout entier ?…
Ah ! Ah !
Et tu me martyrises, fou que tu es,
tu tortures ma fierté ?
Donne-moi de l’ amour,
– Qui me chauffe encore ?
qui m’aime encore ? –
Donne des mains chaudes,
donne des cœurs-réchauds,
donne-moi, à moi le plus solitaire,
que la glace, hélas ! la glace fait
sept fois languir après des ennemis,
après des ennemis même,
donne, oui abandonne-
toi – à moi,
toi le plus cruel ennemi ! –
Parti !
Il a fui lui-même,
mon seul compagnon,
mon grand ennemi,
mon inconnu,
mon dieu-bourreau !…
– Non !
Reviens !
avec tous les supplices !
Ô reviens
au dernier de tous les solitaires !
Toutes mes larmes prennent
vers toi leur cours !
Et la dernière flamme de mon cœur –
s’éveille pour toi !
Ô, reviens,
Mon dieu inconnu ! ma douleur !
mon dernier bonheur !
2.
– Mais en cet endroit Zarathoustra ne put se contenir plus longtemps, il prit sa canne et
frappa de toutes ses forces sur celui qui se lamentait. « Arrête-toi ! lui cria-t-il, avec un rire courroucé, arrête-toi, histrion ! Faux monnayeur ! Menteur incarné ! Je te reconnais bien !
Je veux te mettre le feu aux jambes, sinistre enchanteur, je sais trop bien en faire cuire à ceux de ton espèce ! »
– « Cesse, dit le vieillard en se levant d’un bond, ne me frappe plus, ô Zarathoustra !
Tout cela n’a été qu’un jeu !
Ces choses-là font partie de mon art ; j’ai voulu te mettre à l’épreuve, en te donnant cette preuve ! Et, en vérité, tu as bien pénétré mes pensées !
Mais toi aussi – ce n’est pas une petite preuve que tu m’as donnée de toi-même. Tu es dur, sage Zarathoustra ! Tu frappes durement avec tes « vérités », ton bâton noueux me force à confesser – cette vérité ! »