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« Alors le jeune homme, un lâche comme on en trouve souvent, perdit la tête et il répétait, paraît-il, devenu furieux tout à coup : « Mais cachez-vous, qu’il ne vous trouve pas. Vous allez me mettre sans pain pour toute ma vie. Vous allez briser ma carrière... Cachez-vous donc ! »

« On entendait la clef qui tournait de nouveau dans la serrure.

« Hortense courut à la lucarne qui donnait sur la rue, l’ouvrit brusquement, puis d’une voix basse et résolue :

« – Vous viendrez me ramasser quand il sera parti, dit-elle.

« Et elle sauta.

«

Le père Grabu ne trouva personne et redescendit, fort surpris.

« Un quart d’heure plus tard, M. Sigisbert entrait chez moi et me contait son aventure. La jeune fille était restée au pied du mur incapable de se lever, étant tombée de deux étages. J’allai la 107

chercher avec lui. Il pleuvait à verse, et j’apportai chez moi cette malheureuse dont la jambe droite était brisée à trois places, et dont les os avaient crevé les chairs. Elle ne se plaignait pas et disait seulement avec une admirable résignation. : « Je suis punie, bien punie ! »

« Je fis venir du secours et les parents de l’ouvrière, à qui je contai la fable d’une voiture emportée qui l’avait renversée et estropiée devant ma porte.

« On me crut, et la gendarmerie chercha en vain, pendant un mois, l’auteur de cet accident.

« Voilà ! Et je dis que cette femme fut une héroïne, de la race de celles qui accomplissent les plus belles actions historiques.

« Ce fut là son seul amour. Elle est morte vierge. C’est une martyre, une grande âme, une Dévouée sublime ! Et si je ne l’admirais pas absolument je ne vous aurais pas conté cette histoire, que je n’ai jamais voulu dire à personne pendant sa vie, vous comprenez pourquoi. »

Le médecin s’était tu. Maman pleurait. Papa 108

prononça quelques mots que je ne saisis pas bien ; puis ils s’en allèrent.

Et je restai à genoux sur ma bergère, sanglotant, pendant que j’entendais un bruit étrange de pas lourds et de heurts dans l’escalier.

On emportait le corps de Clochette.

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Le marquis de Fumerol

Roger de Tourneville, au milieu du cercle de ses amis, parlait, à cheval sur une chaise, il tenait un cigare à la main, et, de temps en temps, aspirait et soufflait un petit nuage de fumée.

... Nous étions à table quand on apporta une lettre. Papa l’ouvrit. Vous connaissez bien papa qui croit faire l’intérim du Roy, en France. Moi, je l’appelle don Quichotte parce qu’il s’est battu pendant douze ans contre le moulin à vent de la République sans bien savoir si c’était au nom des Bourbons ou bien au nom des Orléans.

Aujourd’hui il tient la lance au nom des Orléans seuls, parce qu’il n’y a plus qu’eux. Dans tous les cas, papa se croit le premier gentilhomme de France, le plus connu, le plus influent, le chef du parti ; et comme il est sénateur inamovible il considère les Rois des environs comme ayant des trônes peu sûrs.

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Quant à maman, c’est l’âme de papa, c’est l’âme de la royauté et de la religion, le bras droit de Dieu sur terre, et le fléau des mal-pensants.

Donc on apporta une lettre pendant que nous étions à table. Papa l’ouvrit, la lut, puis il regarda maman et lui dit : « Ton frère est à l’article de la mort. » Maman pâlit. Presque jamais on ne parlait de mon oncle dans la maison. Moi je ne le connaissais pas du tout. Je savais seulement par la voix publique qu’il avait mené et menait encore une vie de polichinelle. Ayant mangé sa fortune avec un nombre incalculable de femmes, il n’avait conservé que deux maîtresses, avec lesquelles il vivait dans un petit appartement, rue des Martyrs.

Ancien pair de France, ancien colonel de cavalerie, il ne croyait, disait-on, ni à Dieu ni à diable. Doutant donc de la vie future, il avait abusé, de toutes les façons, de la vie présente ; et il était devenu la plaie vive du cœur de maman.

Elle dit : « Donnez-moi cette lettre, Paul. »

Quand elle eut fini de la lire, je la demandai à mon tour. La voici :

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« Monsieur le comte, je croi devoir vou faire asavoir que votre bôfrère le marqui de Fumerol, va mourir. Peut etre voudré vous prendre des disposition, et ne pas oublié que je vous ai prévenu.

« Votre servante,

« MÉLANI. »

Papa murmura : « Il faut aviser. Dans ma situation, je dois veiller sur les derniers moments de votre frère. »

Maman reprit : « Je vais faire chercher l’abbé Poivron et lui demander conseil. Puis j’irai trouver mon frère avec l’abbé et Roger. Vous, Paul, restez ici. Il ne faut pas vous compromettre.

Une femme peut faire et doit faire ces choses-là.

Mais pour un homme politique dans votre position, c’est autre chose. Un adversaire aurait beau jeu à se servir contre vous de la plus louable de vos actions.

Vous avez raison, dit mon père. Faites 112

suivant votre inspiration, ma chère amie.

Un quart d’heure plus tard, l’abbé Poivron entrait dans le salon, et la situation fut exposée, analysée, discutée sous toutes ses faces.

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