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seulement... ces demoiselles sont auprès de lui.

– Quelles demoiselles ?

– Mais... mais... ses bonnes amies donc.

– Ah !

Maman était devenue toute rouge.

L’abbé Poivron avait baissé les yeux.

Cela commençait à m’amuser et je dis :

– Si j’entrais le premier ? Je verrai comment il 116

me recevra et je pourrai peut-être préparer son cœur.

Maman, qui n’y entendait pas malice, répondit :

– Oui, mon enfant.

Mais une porte s’ouvrit quelque part et une voix, une voix de femme cria :

– Mélanie !

La grosse bonne s’élança, répondit :

– Qu’est-ce qu’il faut, mamzelle Claire ?

– L’omelette, bien vite.

– Dans une minute, mamzelle.

Et revenant vers nous, elle expliqua cet appel :

C’est une omelette au fromage qu’elles m’ont commandée pour deux heures comme collation.

Et tout de suite elle cassa les œufs dans un saladier et se mit à les battre avec ardeur.

Moi, je sortis sur l’escalier et je tirai la sonnette afin d’annoncer mon arrivée officielle.

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Mélanie m’ouvrit, me fit asseoir dans une antichambre, alla dire à mon oncle que j’étais là, puis revint me prier d’entrer.

L’abbé se cacha derrière la porte pour paraître au premier signe.

Assurément, je fus surpris en voyant mon oncle. Il était très beau, très solennel, très chic, ce vieux viveur.

Assis, presque couché dans un grand fauteuil, les jambes enveloppées d’une couverture, les mains, de longues mains pâles, pendantes sur les bras du siège, il attendait la mort avec une dignité biblique. Sa barbe blanche tombait sur sa poitrine, et ses cheveux, tout blancs aussi, la rejoignaient sur les joues.

Debout, derrière son fauteuil, comme pour le défendre contre moi, deux jeunes femmes, deux grasses petites femmes, me regardaient avec des yeux hardis de filles. En jupe et en peignoir, bras nus, avec des cheveux noirs à la diable sur la nuque, chaussées de savates orientales à broderies d’or qui montraient les chevilles et les bas de soie, elles avaient l’air, auprès de ce 118

moribond, des figures immorales d’une peinture symbolique. Entre le fauteuil et le lit, une petite table portant une nappe, deux assiettes, deux verres, deux fourchettes et deux couteaux, attendait l’omelette au fromage commandée tout à l’heure à Mélanie.

Mon oncle dit d’une voix faible, essoufflée, mais nette :

– Bonjour, mon enfant. Il est tard pour me venir voir. Notre connaissance ne sera pas longue.

Je balbutiai : « Mon oncle, ce n’est pas ma faute... »

Il répondit : – Non. Je le sais. C’est la faute de ton père et de ta mère plus que la tienne...

Comment vont-ils ?

– Pas mal, je vous remercie. Quand ils ont appris que vous étiez malade, ils m’ont envoyé prendre de vos nouvelles.

– Ah ! Pourquoi ne sont-ils pas venus eux-mêmes ?

Je levai les yeux sur les deux filles, et je dis 119

doucement : « Ce n’est pas de leur faute s’ils n’ont pu venir, mon oncle. Mais il serait difficile pour mon père, et impossible pour ma mère d’entrer ici... »

Le vieillard ne répondit rien, mais souleva sa main vers la mienne. Je pris cette main pâle et froide et je la gardai.

La porte s’ouvrit

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